Les interventions en séance

Justice
Yves Détraigne 17/03/2010

«Projet de loi tendant à amoindrir le risque de Récidive criminelle»

M. Yves Détraigne

La discussion de ce texte était attendue depuis que le Conseil constitutionnel avait censuré une partie des dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté et que le Président de la République avait chargé le Premier président de la Cour de cassation de lui faire des propositions en vue de prévenir la récidive criminelle.
Cela dit, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est plus tout à fait celui qui avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 5 novembre 2008 et qui ne comportait que quelques articles destinés à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et des propositions du rapport Lamanda.
A la suite d’une affaire tragique et largement médiatisée, mettant en cause un récidiviste, le Gouvernement a soudainement déclaré l’urgence alors que le texte était déjà déposé depuis onze mois sur le bureau de l’Assemblée et de nouvelles dispositions, destinées à rassurer l’opinion, ont été ajoutées au cours du débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale. Nous voilà donc, à nouveau, devant ce que l’on appelle parfois la « législation d’émotion », c’est-à-dire devant un texte dont on se demande si l’objectif principal n’est pas tant d’améliorer et de rendre plus efficace notre arsenal juridique que d’apaiser l’émotion populaire. Car enfin, nous examinons aujourd’hui le quatrième texte sur la récidive en à peine quatre ans, sans compter les textes sur la sécurité intérieure qui ne cessent de se multiplier.
En 2005 déjà, à la suite d’un rapport d’information de la commission des lois de l’Assemblée sur le traitement de la récidive des infractions pénales, les députés Pascal Clément et Gérard Léonard déposaient une proposition de loi ayant pour objectif de « placer la lutte contre la récidive au coeur de la politique pénale » en réprimant plus sévèrement les récidivistes et en prévenant plus efficacement la récidive grâce à un meilleur suivi des condamnés les plus dangereux. A l’époque déjà, les sénateurs centristes s’inquiétaient qu’on veuille compléter le dispositif existant en matière de lutte contre la récidive sans s’interroger d’abord sur la manière dont étaient mises en oeuvre les dispositions du code pénal.
A l’époque déjà, nous souhaitions qu’il soit d’abord remédié au tiers des peines de prison qui étaient prononcées sans être exécutées, nous demandions qu’aucune remise de peine ne soit plus accordée sans prise en compte de la dangerosité du prisonnier, nous demandions plus de moyens pour le suivi et la réinsertion des détenus. Nous nous inquiétions aussi de ce que 3 000 postes étaient vacants en prison pour le suivi psychiatrique des détenus et de ce que les 26 services médicaux spécialisés étaient en nombre insuffisant pour 190 établissements pénitentiaires, dont ils ne suivaient de fait qu’à peine 40 % des détenus.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Dix ans après la création du suivi socio-judiciaire, 40 tribunaux n’ont toujours pas de médecins coordonnateurs, ce qui rend le dispositif inapplicable et la première des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) ouvrira dans un mois, alors que la loi les a créées en 2002 pour la prise en charge psychiatrique en détention des criminels et délinquants sexuellement dangereux. La réduction des budgets est telle qu’on ne peut même pas payer correctement les expertises demandées.
Alors qu’un hebdomadaire rappelait, ce matin, que nous avons voté 23 lois depuis 2002 pour durcir le code pénal en créant chaque fois de nouveaux délits, il est temps de se demander si la priorité n’est pas d’améliorer les conditions de suivi en prison et à la sortie de prison, plutôt que d’ajouter une loi de plus. Car si le rôle de la prison est de punir, sa mission est aussi de préparer la réinsertion sociale des détenus. Et si l’on peut limiter le risque de récidive, il faut reconnaître qu’il ne saurait être parfaitement nul !
Nous savons que nos finances publiques ne permettent pas de tout faire, mais prenons garde que ce texte ne soit pas un cache-misère !
Cependant, je tiens à féliciter notre rapporteur, qui a su dépasser le registre émotionnel, échapper à la surenchère. Nous approuvons les amendements de la commission, qui reviennent sur les mesures plus dures adoptées par l’Assemblée nationale et qui placent le médecin au coeur des prescriptions et du suivi médical.
Sous réserve que cet équilibre trouvé en commission soit maintenu, le groupe de l’Union centriste, dans sa majorité, votera ce texte et nous souhaitons que le code pénal ne soit plus modifié avant que ses dispositions actuelles ne soient appliquées ! (Applaudissements au centre, sur de nombreux bancs à droite et sur quelques bancs socialistes et RDSE)