Les interventions en séance

Collectivités territoriales
17/01/2013

«Projet de loi relatif à l՚élection des conseillers départementaux et municipaux, et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, ainsi que du projet de loi organique relatif aux élections-Article 3»

M. Pierre Jarlier

Décidément, il est bien difficile de trouver un consensus sur le mode d’élection des conseillers désormais départementaux, et je crains qu’il en soit de même quant à leur mode de répartition sur le territoire, si certains des articles qui suivent ne sont pas modifiés. Pour nombre d’entre nous qui soutenons le principe de la parité, ce n’est pas tant l’article 2 qui pose problème que les suivants, car ils ne prennent pas suffisamment en compte la réalité de la diversité de nos territoires. Cette diversité nécessite certes un ajustement du nombre de cantons en fonction de la population, comme le préconisent la Constitution et le présent article 3. Mais elle nécessite aussi que le législateur soit attentif aux caractéristiques géographiques spécifiques de certains départements, au-delà des exceptions visées par l’article 23 du projet de loi. En effet, ces départements, souvent déjà fragilisés par un risque de fracture territoriale, ne peuvent être considérés comme des exceptions, et encore moins subir les effets probables d’une interprétation trop restrictive de la loi, comme le prévoit l’article 23. Diviser systématiquement le nombre de cantons par deux dans les territoires de montagne comme dans les territoires ruraux va à l’encontre du but des promoteurs de ce projet de loi, car cette disposition remet en cause le lien entre le territoire, ses élus et ses électeurs. En effet, et cela a été rappelé ici à plusieurs reprises, moins la population est importante, plus le canton est étendu et plus l’élu s’éloigne du terrain. Autrement dit, là où la densité de population est faible, la proximité du conseiller départemental, si nécessaire et si appréciée, ne sera plus qu’un souvenir. Pour illustrer ce propos, je prendrai – au hasard ! (Sourires.) – l’exemple de l’Ariège, qui compte actuellement 22 cantons et 158 000 habitants. Le canton le plus peuplé représente 15 000 habitants, le moins peuplé, 528. Certes, il y a bien nécessité de rééquilibrer les cantons, mais la réduction à 11 cantons pourrait conduire à ce que la distance entre les extrémités d’un canton atteigne jusqu’à 70 kilomètres ! (M. Bruno Sido s’impatiente.) Je pourrais citer d’autres départements, comme la Creuse, le Cantal, la Lozère ou encore la Corse du Sud, dans lesquels il faudra au futur conseiller départemental plus d’une heure, voire une heure trente, pour aller d’un bout à l’autre de son canton. Où serait la proximité, dans ce cas ? C’est donc la cohésion sociale et territoriale de ces territoires qui est en jeu. Or, nous le savons bien, le lien entre l’élu, la population et le territoire est vital pour cette cohésion. Avec plusieurs de mes collègues siégeant de part et d’autre de l’hémicycle, nous avons déposé des amendements tendant à prendre en compte cette diversité de nos territoires, leur fragilité et leur géographie, mais plusieurs ont été retirés des débats après l’application de l’article 40. Je le regrette. Nous ne serons donc pas en mesure de proposer d’inscrire dans la loi un nombre minimum de conseillers départementaux, que nous avions fixé à 15. C’est pourtant une disposition particulièrement importante pour assurer une représentation équilibrée de nos territoires. Seul l’amendement du Gouvernement a eu plus de chance, mais il prévoit un seuil à 15 élus dans chaque département, associé à celui de 500 000 habitants. Il ne concernera donc pas les départements ruraux, dans lesquels il va justement manquer des élus pour assurer une bonne représentation territoriale. C’est bien dommage, car il apparaît, après vérification, que seul le Vaucluse sera concerné par votre amendement, monsieur le ministre. Il est donc nécessaire de prévoir un mécanisme d’ajustement, qui pourrait aussi trouver sa place à l’article 23 du texte. Pourquoi ne pas évoquer dès maintenant cet article ? Son examen, à ce moment du débat, pourrait apporter des réponses aux légitimes inquiétudes de nombreux élus : adaptation du nombre de conseillers départementaux à la spécificité de certains départements, notamment en montagne, ou élargissement du fameux « tunnel » de 20 % à 30 %, voire 40 %, en plus ou en moins, pour la population des futurs cantons. Tous ces sujets, parmi d’autres, seraient de nature à favoriser un réel consensus sur cet article. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous nous avez fait part de nombreuses intentions. Pouvez-vous à présent nous dire comment vous comptez, concrètement, faire entendre la voix des élus ruraux et de montagne ?