Les interventions en séance

Aménagement du territoire
Valérie Létard 17/01/2012

«Proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies»

Mme Valérie Létard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous penchons aujourd’hui sur la proposition de loi de notre collègue Évelyne Didier qui vise à mieux « répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies », permettant ainsi d’apporter une réponse équilibrée à une question à laquelle se trouvent confrontées de façon récurrente de nombreuses collectivités : l’entretien de ces ouvrages d’art particuliers. Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, ce texte fait suite au groupe de travail qui s’est réuni au Sénat sur ce thème et dont l’objet était de proposer des solutions juridiques et financières aux collectivités qui supportent, selon une jurisprudence ancienne du Conseil d’État, l’entretien des ouvrages d’art de rétablissement des voies. Je voudrais saluer à cette occasion nos collègues Évelyne Didier et Francis Grignon qui ont permis, grâce à un travail approfondi, de faire avancer la réflexion sur la question. Mes chers collègues, nous connaissons tous dans nos départements respectifs des situations dans lesquelles l’entretien de tels ouvrages, qui peuvent être situés sur des voies routières, fluviales ou ferroviaires, incombe à des communes dont la taille et le budget sont si modestes qu’elles ne sont pas capables d’y faire face. Je pense notamment à la mise à grand gabarit du canal Condé-Pommeroeul, dans le cadre du projet Seine-Nord Europe, qui a pour objectif de relier les grands ports de la mer du Nord, en faisant gagner un jour de navigation. S’inscrivant pleinement dans les objectifs du Grenelle de l’environnement, il permettra de développer le mode alternatif que constitue le transport des marchandises par voie fluviale. Pour ce projet, il est nécessaire d’intervenir sur les ouvrages d’art. Dans ce cadre, le rehaussement de certains ponts, notamment sur le territoire de petites communes rurales, revêt une importance stratégique tant pour le canal Seine-Nord Europe que pour le territoire. Bien d’autres exemples pourraient être cités. Ma collègue Jacqueline Gourault, qui ne peut assister à notre débat car elle préside en ce moment même une réunion de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, m’a demandé de mentionner l’exemple d’une commune située dans son département, le Loir-et-Cher, où, depuis deux ans, la dégradation d’un ouvrage entraîne un danger réel de chute d’éléments sur la voie ferrée. Les restrictions de circulation sont de plus en plus contraignantes et les élus redoutent, avec un certain fatalisme, la fermeture à terme de l’ouvrage. Ces situations créent des difficultés de liaison entre les petites communes qui peuvent être préjudiciables aux échanges entre territoires. La fermeture, par mesure de précaution, d’un ouvrage d’art oblige forcément les usagers à des détours importants, ce qui complique l’organisation des services de proximité – école, enlèvement des ordures ménagères, ramassage scolaire – ainsi que l’activité professionnelle, et suscite des craintes et des mécontentements. Quant au maire, il ressent un véritable sentiment d’impuissance si sa commune n’a pas les moyens d’assumer les conséquences d’une telle situation. Aussi une meilleure répartition des responsabilités et des charges entre les collectivités et les gestionnaires d’infrastructures de transports est-elle bienvenue. C’est précisément ce qui nous est proposé aujourd’hui. La négociation entre les collectivités propriétaires des voies interrompues par la réalisation d’une nouvelle infrastructure de transport et le gestionnaire de celle-ci doit permettre d’introduire une certaine souplesse dans l’élaboration de la convention, et donc rendre possible une adaptation au cas par cas. Elle permettrait de ne plus faire subir aux collectivités ce qui était, à mon sens, une injustice, à savoir la totalité de la charge financière de l’entretien des ouvrages rendus nécessaires par le passage, parfois « imposé », d’infrastructures ferroviaires, routières et fluviales sur nos territoires. La proposition de loi prévoit également la possibilité de dénoncer les conventions déjà signées, ce qui permet d’envisager une renégociation sur les nouvelles bases, même pour des ouvrages construits antérieurement. L’exemple de ma collègue Jacqueline Gourault montre toute l’utilité d’une telle disposition. Le texte initial avait institué une médiation du préfet en cas de blocage : la commission a choisi de la supprimer. Selon moi, cette médiation pourrait utilement compléter le dispositif. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai l’amendement de notre collègue Francis Grignon sur ce point. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez tous pu le constater, ce texte est très attendu par les collectivités et par leurs élus. Il viendra justement équilibrer la répartition des charges des ouvrages d’art de rétablissement des voies. C’est la raison pour laquelle le groupe Union centriste et républicaine votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UCR, du groupe socialiste et du groupe CRC.)