Les interventions en séance

Affaires sociales
16/09/2013

«Projet de loi pour l՚égalité entre femmes et hommes »

Mme Muguette Dini

Je voudrais tout d’abord vous remercier, madame la ministre, de nous proposer un texte qui prend en compte tous les aspects complémentaires de l’égalité entre les femmes et les hommes. Les termes de ce projet de loi me laissent tout à la fois optimiste, réservée et critique. Je suis tout d’abord optimiste, madame la ministre, concernant les dispositions de ce projet de loi en matière de protection des femmes victimes des violences conjugales. La loi du 9 juillet 2010 présentait de réelles avancées. Votre texte de loi nous permet de faire un nouveau bond en avant dans cette lutte. Je tiens aussi à saluer l’expertise de notre collègue Virginie Klès. Madame la rapporteur, je soutiens totalement vos propositions concernant notamment l’ordonnance de protection, la médiation pénale et l’obligation impérative de formation des professionnels impliqués dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Néanmoins, je persiste à croire que notre arsenal législatif doit évoluer en ce qui concerne la prescription de l’action publique des crimes et agressions sexuels. Je le défendrai une fois de plus devant vous au cours de ce débat. Je n’ai pas de remarques particulières à formuler sur les dispositions en matière d’égalité femmes-hommes dans le cadre des responsabilités professionnelles. Elles seront, je l’espère, efficaces. Réservée, je le suis quant à l’application de sanctions financières à l’égard des partis politiques ne respectant pas l’obligation de parité dans la présentation de candidats aux élections législatives. En 2006 déjà, je me suis exprimée sur cette question lors de l’examen de la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Mes termes avaient été très durs. Je ne les reprendrai pas aujourd’hui. Je jugeais alors cette solution inefficace, et je reste persuadée que le renforcement des pénalités financières ne changera rien. Madame la ministre, peut-être auriez-vous pu reprendre le mode d’élection applicable aux conseillers départementaux. Pourquoi ce qui est bon pour ces derniers ne le serait-il pas pour les députés ? Mme Michèle André ne me contredira pas : lorsqu’elle présidait la délégation sénatoriale aux droits des femmes, elle avait elle-même défendu cette position ! Pour résumer, en la matière, ce n’est pas le programme « pétrole contre nourriture », c’est « femmes contre argent » ! (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Enfin, madame la ministre, je suis inquiète au sujet de la prestation partagée d’accueil de l’enfant. Impliquer davantage le père dans l’éducation de son enfant et la vie matérielle de la famille est une très bonne idée. Toutefois, la proposition que vous formulez me semble présenter plus d’inconvénients que d’avantages. On sait que, dans la majeure partie des cas, c’est la mère qui prend et qui continuera à prendre le congé parental. On en connaît les raisons, que les précédents orateurs ont tous exposées : la mère gagne souvent un salaire inférieur à celui du père ; elle occupe parfois un emploi précaire ou à temps partiel, comprenant les samedis voire les dimanches, et le coût des modes de garde peut se révéler très dissuasif. Toutes ces réalités, qui nous ramènent d’ailleurs à l’autre volet du présent texte, relatif à l’égalité salariale, ne pourront pas changer d’un coup de baguette magique – en l’occurrence à l’aide d’un texte portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes. De plus, cette disposition relative à la prestation partagée d’accueil de l’enfant, induit à mon sens beaucoup de risques. On peut simplement considérer que, si le père ne prend pas ce congé parental, la mère retournera travailler lorsque l’enfant atteindra l’âge de deux ans et demi. Il n’y a, a priori, rien de dramatique à cela. Sauf que l’on se demande comment cet enfant pourra être pris en charge via un mode de garde en attendant son entrée à l’école maternelle. Cette période pourra quelquefois durer un an, selon la date de naissance de l’enfant ! On le sait, ce laps de temps entre les trois ans de l’enfant et la rentrée scolaire pose déjà problème, et plus encore aux parents de jumeaux, de triplés, etc. Vous nous dites que vous mettrez en place des solutions pour résoudre cette grave question. Toutefois, vous le savez, madame la ministre, vous n’aurez pas les moyens financiers de votre politique. De surcroît – vous le savez aussi, naturellement –, ce sont les collectivités territoriales qui créent les crèches, les haltes-garderies, les jardins d’éveil et les jardins passerelles. En ces temps de restriction de la dotation globale de fonctionnement, peu d’entre elles seront prêtes à accomplir un effort supplémentaire ! J’en profite pour rappeler tout l’intérêt que représentent les maisons d’assistantes maternelles, qui sont seules à proposer des plages d’accueil en phase avec les horaires atypiques, en particulier tôt le matin et tard le soir. Il serait urgent de favoriser ces regroupements plutôt que de les freiner par une réglementation totalement inadaptée. Cette parenthèse étant close, je conclurai en affirmant que nous risquons de fragiliser dangereusement les familles les plus modestes. Ce texte risque d’accroître l’angoisse des parents, et plus spécifiquement celle des mères, face aux difficultés qu’elles rencontreront pour trouver un mode de garde pendant ces quelques mois au cours desquels elles reprendront leur travail. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je crains que, quand le père ne pourra économiquement pas prendre son congé parental, ce dispositif ne fragilise les familles les plus modestes. Madame la ministre, je ne vous accuse pas d’avoir voulu faire des économies sur le dos des familles. Je sais que telle n’est pas votre intention. Cela étant, vos collègues des affaires sociales et des finances doivent se réjouir, car c’est effectivement ce qui va se passer ! J’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point très important. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)