Les interventions en séance

Droit et réglementations
Michel Mercier 16/07/2013

«Projet de loi relatif aux attributions du Garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l՚action publique - 2ème lecture»

M. Michel Mercier

Madame le garde des sceaux, comme vous l’avez fort justement dit, ce texte est important, mais il lui manque l’essentiel pour être bien compris : il faut naturellement engager la réforme du statut du parquet, l’un n’allant pas sans l’autre, en effet. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux rappeler ici que le Sénat a voté une disposition dans la loi constitutionnelle qui donne la possibilité au Président de la République de réformer le statut des membres du parquet. C’est à lui de décider et, de ce point de vue, bien que n’appartenant pas à sa majorité, je lui fais confiance. J’espère qu’il décidera d’engager cette réforme qui est nécessaire et attendue par tous ceux qui sont attachés au parquet à la française, une institution que l’on ne trouve pas forcément ailleurs, mais qui joue un très grand rôle dans notre pays et qui est indispensable au bon fonctionnement de notre justice. Il faut faire en sorte que le parquet échappe aux critiques, externes et internes, qui lui sont adressées. Je rappelle que près de 60 % des affaires pénales sont résolues par les membres du parquet, sans autre intervention. Il faut donc réaffirmer, comme le disent la Constitution et le Conseil constitutionnel, que les parquetiers sont des magistrats. Je sais que telle est votre position, madame la garde des sceaux. Le projet de loi que vous nous soumettez aujourd’hui permet de le réaffirmer, c’est la raison pour laquelle nous y sommes très largement favorables. Que nous proposez-vous ? Nous relevons trois grands thèmes dans le projet de loi : la suppression officielle des instructions individuelles, le pouvoir d’adaptation des instructions générales et l’officialisation de l’obligation de rendre compte. Nous ne devons pas craindre de supprimer officiellement, de façon claire et définitive, les instructions individuelles. Comme vous l’avez fort bien noté, très peu de ministres de la justice ont donné des instructions individuelles. Quand bien même cela fonctionnerait, ce qui n’est pas le cas, ce ne serait pas utile, car les membres du parquet sont des magistrats loyaux à l’égard de la loi. Les prisons sont d’ailleurs plutôt surpeuplées, preuve que les magistrats ne sont pas laxistes – exerçant les fonctions qui sont les vôtres, je n’ai cessé de le dire, comme vous-même aujourd’hui, madame le garde des sceaux – et qu’ils appliquent la loi sans qu’il soit besoin de le leur rappeler toutes les cinq minutes ! Alors, oui à la suppression des instructions individuelles. Si cela est nécessaire, vous l’avez fort bien dit, il existe d’autres moyens pour faire en sorte que la loi soit appliquée. S’agissant du droit d’adaptation des instructions générales du ministre, on pourrait, dans un premier temps, s’interroger : pourquoi reconnaître à des magistrats le droit d’adapter, d’interpréter les instructions générales du ministre ? Ils devraient normalement appliquer, bouche fermée, ces instructions. Toutefois, nous savons que telle n’est pas la tradition française : depuis toujours, les magistrats du siège comme ceux du parquet revendiquent à juste titre le droit d’interpréter et d’adapter les instructions qui leur sont adressées. La personnalisation de la peine en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur est d’ailleurs un principe général du droit, et l’opportunité des poursuites permet cette adaptation du droit de poursuivre en fonction de la situation locale, notamment. Je suis donc d’accord avec ce droit d’adaptation reconnu aux procureurs généraux. Ce texte, qui réaffirme de manière forte le pouvoir des procureurs généraux, témoigne également d’une sorte de reprise en main du parquet, à tout le moins d’une reprise en main de la hiérarchie du parquet. Chacun ne fait pas ce qu’il veut dans son coin : comme vous le rappelez à juste titre dans ce texte, le parquet est un corps hiérarchisé. Le troisième point que je voulais évoquer concerne l’obligation de rendre compte, qui signifie que le garde des sceaux est non pas simplement le ministre qui fait la loi, mais celui qui mène l’action publique. Il est donc informé en conséquence, soit volontairement, soit par l’intermédiaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces, dont c’est le rôle. Cette obligation de rendre compte n’entraîne pas, et ne doit pas entraîner, de subordination de l’exercice de l’action publique par le parquet vis-à-vis du ministère. Il n’en est pas moins indispensable au ministre, responsable devant le Parlement de la mise en œuvre de l’action publique et de la politique pénale du pays, de pouvoir suivre cette action publique. Le ministre de la justice est responsable devant l’Assemblée nationale, devant le Parlement, de la mise en œuvre de la politique pénale, et cette obligation de rendre compte est justement ce qui lui permet d’assumer cette responsabilité. Pour toutes ces raisons, madame la ministre, le groupe UDI-UC votera, je crois bien à l’unanimité, ce qui est d’ailleurs un événement en soi ! Dans la vie parlementaire comme ailleurs, il y a des hauts et des bas. Il faut profiter des hauts et, lorsque les bas surviennent, attendre qu’ils remontent. Cela fait partie de la vie… (Mêmes mouvements.) Plus sérieusement, je ne puis que vous exhorter, madame la ministre, à convaincre M. le Président de la République d’aller au bout de la réforme en organisant la modification du statut des membres du parquet, ce que le Sénat a permis la semaine dernière. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et au banc des commissions.)