Les interventions en séance

Droit et réglementations
16/02/2011

«Projet de loi, autorisant la ratification des statuts de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA)»

Mme Anne-Marie Payet

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’IRENA, créée lors de la conférence de Bonn en 2009, vise à promouvoir activement les énergies renouvelables au niveau international. En effet, la prise de conscience que les énergies fossiles, notamment le pétrole, ne sont pas illimitées, entraîne la nécessaire promotion au niveau international des énergies renouvelables, c’est-à-dire des énergies inépuisables, comme l’énergie solaire, éolienne, marémotrice, etc. La France, me direz-vous, n’est pas la première cible de l’IRENA, puisque notre pays a déjà pris conscience du phénomène de raréfaction des énergies fossiles, et a entrepris des efforts considérables en la matière. Après le choc pétrolier, la France a accéléré son programme nucléaire, la technologie des énergies renouvelables n’étant pas encore au point à ce moment-là. Aujourd’hui, notamment depuis le protocole de Kyoto et la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, la France et l’Europe ont pris un engagement fort en faveur de l’utilisation des énergies renouvelables.
Je rappellerai pour mémoire que la France, dans le cadre fixé par l’Union européenne, s’est engagée à réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, à disposer de 20 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique, et à accroître son efficacité énergétique de 20 %. Cependant, nombre de pays, moins favorisés, n’ont pas une politique aussi proactive en la matière, et dépendent encore fortement des énergies fossiles. La problématique de la promotion des technologies en matière d’énergies renouvelables a provoqué un très large engouement, puisque 148 pays, auxquels s’ajoute l’Union européenne, ont signé les statuts de l’Agence. Notons que ni la Russie, ni le Brésil, ni le Canada, ni la Chine n’ont signé les statuts. Quant aux États-Unis, ils ne les ont pas encore ratifiés. La majorité des pays signataires sont dépourvus des ressources humaines et financières nécessaires au développement d’énergies renouvelables, ce qui montre l’opportunité de la création de l’IRENA, afin de stimuler au niveau international la diffusion des technologies indispensables à la promotion de ces nouvelles formes d’énergie. Toutefois, avant de promouvoir au niveau international les énergies renouvelables, je trouverais intéressant que la France se livre à une sorte d’introspection de sa propre politique en faveur du développement des énergies renouvelables. Il suffit de mesurer l’écart existant entre l’ambition affichée pour cette promotion par le Gouvernement et la faiblesse des résultats pour s’apercevoir que la France est très loin d’être un bon exemple en la matière. En effet, après l’engouement sur « le projet », la France a réalisé que sa mise en œuvre concrète avait un coût. Et, ces derniers mois, elle a détricoté les efforts consentis pour mener à bien son projet : après des baisses successives du prix de rachat de l’électricité produite à partir de l’énergie solaire, le Gouvernement a décrété la suspension de l’obligation de rachat de l’électricité photovoltaïque pendant trois mois pour les projets de plus de 3 kilowatts. Plus grave encore que la suppression des aides au fonctionnement, le projet de loi de finances pour 2011 a supprimé les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement dans le secteur photovoltaïque. Plus incompréhensible encore, le Gouvernement français a enfoncé le clou pour les territoires d’outre-mer, et les ministères ont fait de manière désespérante la sourde oreille sur les propositions d’encadrement qui auraient permis de continuer à favoriser les énergies renouvelables, tout en les encadrant et en limitant les effets d’aubaine. J’avais ainsi proposé, lors de l’examen du projet de loi de finances, une politique de quotas, d’agrément au premier euro et d’échelonnement de la baisse des tarifs... En vain ! Pourtant, le Président de la République s’était engagé très fortement en faveur du projet GERRI dans les territoires d’outre-mer, qualifiant l’île de la Réunion d’« absolument exemplaire ». Il arguait : « Vous êtes le territoire de la République française qui a le pourcentage d’énergies renouvelables – près de 40 % – le plus important. Vous êtes un exemple ; vous n’êtes pas à la traîne, vous êtes en avance. Mais l’objectif que nous avons, c’est l’autonomie énergétique pour La Réunion d’ici à 2030. L’océan est là, le soleil également. S’il est bien des territoires qui peuvent être autonomes grâce au développement durable, ce sont bien les territoires ultramarins. » La France joue donc les « Docteur Jeckyll et Mister Hyde », entre sa politique interne instable dévalant la pente de ses ambitions en matière d’énergies renouvelables, et la place qu’elle voudrait prendre au niveau international sur ce sujet. Mais quel rôle peut jouer la France au niveau international quand elle étrangle dans le même temps – je cite toujours le Président de la République – son « terrain privilégié d’innovation » en matière d’énergies renouvelables ? En conclusion, mes chers collègues, j’indique que le groupe de l’Union centriste, malgré sa déception sur l’exécution de la politique relative aux énergies renouvelables en France, soutient fortement le projet d’Agence internationale pour les énergies renouvelables. Il considère qu’au niveau international un projet aussi fort a besoin que des puissances économiques comme la France se montrent concernées par la question, et volontaires pour en favoriser la bonne exécution. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et du RDSE.)