Les interventions en séance

Droit et réglementations
François Zocchetto 15/11/2011

«Proposition de loi portant application de l’article 68 de la Constitution»

M. François Zocchetto

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 68 de la Constitution institue une procédure de destitution du chef de l’État. Le dernier alinéa de cet article est très clair : il impose que le législateur adopte une loi organique définissant ses conditions d’application. Aussi la question n’est-elle pas de savoir si nous devons légiférer sur cette question. La Constitution nous l’impose et c’est l’objet de la présente proposition de loi organique. Cela a été rappelé, ce texte a déjà fait l’objet d’un examen par le Sénat. En effet, notre commission des lois l’avait examinée et son rapporteur, notre collègue Jean-Jacques Hyest, avait conclu que, d’une part, certaines de ses dispositions mettaient en jeu des équilibres délicats justifiant une réflexion approfondie, d’autre part, qu’un texte d’origine gouvernementale était en préparation sur cette question, ce qui justifiait un renvoi de ce texte en commission. Le Sénat avait donc adopté une motion tendant au renvoi à la commission, lors de sa séance publique du 14 janvier 2010. Depuis, le contexte a sensiblement évolué. Conformément à ce qu’avait annoncé votre prédécesseur, monsieur le garde des sceaux, lors du premier examen de la proposition de loi organique de M. Patriat, le conseil des ministres du 22 décembre 2010 a adopté un projet de loi organique relatif à l’application de l’article 68 de la Constitution. Au risque de répéter des remarques qui ont déjà été formulées, je redirai que ce texte doit être examiné par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2011, c’est-à-dire demain matin, mes chers collègues. La question est donc simple – et je n’aborde pas le fond : est-il opportun et surtout efficace que le Sénat statue ce soir sur cette proposition de loi organique en parallèle des travaux de l’Assemblée nationale ? Une telle méthode ne saurait en rien constituer un gain de temps, comme certains ont tenté vainement de le démontrer en commission des lois. Dans l’hypothèse où nous adopterions ce texte ce soir – ce n’est pas une illusion –, nous le ferions sans même savoir ce que les députés ont l’intention de proposer, notamment par l’intermédiaire de leur rapporteur, et sans qu’eux-mêmes, de leur coté, aient le temps de prendre connaissance de ce qu’aurait adopté le Sénat en séance publique ce soir. Vous avez bien compris que nous sommes ici dans une stratégie de la nouvelle majorité que j’ose qualifier de politicienne. C’est très clair ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) En effet, monsieur le rapporteur, la donne serait tout autre si le Gouvernement n’avait pas tenu ses engagements et s’il ne nous avait pas proposé de projet de loi organique. Tel n’est pas cas, mais certains – pas vous, monsieur le rapporteur – font mine de ne pas comprendre la situation. Les sénateurs centristes ne souhaitent évidemment pas participer à cette initiative. Ils souhaitent que, sur les dispositions de mise en œuvre de l’article 68 de la Constitution, la navette parlementaire permette un examen serein, dans le respect de la procédure législative. Cette initiative est d’autant plus incompréhensible qu’au vu des nouveaux équilibres politiques au sein de la Haute Assemblée chacun sait bien que, quel que soit le texte examiné, qu’il soit ou non d’origine gouvernementale, la majorité de gauche a tous les moyens à sa disposition pour proposer et surtout faire adopter les modifications qu’elle estime nécessaires. Lorsque le Sénat examinera le texte du Gouvernement, le rapporteur de la commission des lois sera sans doute le même qu’aujourd’hui… On peut le supposer. Il y a tout lieu de penser, monsieur Sueur, que vous serez à nouveau désigné. D’ailleurs, tout le monde le souhaite probablement. Je disais donc qu’en tant que rapporteur, lorsque le texte du Gouvernement viendra en discussion, vous ne ferez que proposer des modifications similaires à ce qui nous est soumis ce soir. Mes chers collègues, je vous pose la question sans ambages : à quoi sert notre travail aujourd’hui ? On peut le voir comme une répétition générale, une espèce d’entraînement, pour se mettre en jambes. Permettez-moi de vous dire que tout cela me semble bien inutile. Dans notre esprit, il n’est pas question de poser une hiérarchie entre un projet de loi et une proposition de loi, comme certains l’ont laissé entendre. Le débat n’est pas là. Je vous concède que ce débat sur l’application de l’article 68 de la Constitution a trop tardé. La révision constitutionnelle date du 23 février 2007 : cela fait presque cinq ans. Mais ce n’est certainement pas une raison pour agir dans la confusion des procédures parlementaires. Aussi, dans l’attente de l’examen conjoint par la Haute Assemblée du texte de notre collègue Patriat, texte auquel nous reconnaissons un intérêt, et du projet de loi organique que nous présentera le garde des sceaux, le groupe de l’Union centriste et républicaine souhaite que le Sénat adopte la motion tendant à opposer la question préalable. Je l’ai dit en commençant mon propos : il ne s’agit nullement d’apprécier le fond des propositions formulées dans la proposition de loi organique. Reconnaissez d’ailleurs que ces deux textes ne sont pas très éloignés l’un de l’autre. Il s’agit simplement pour nous de réaffirmer notre volonté que le Parlement travaille de la manière la plus efficace possible, surtout sur un sujet aussi important que celui qui concerne l’équilibre de nos institutions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)