Les interventions en séance

Aménagement du territoire
Jean-Léonce Dupont 15/02/2012

«Proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales »

M. Jean-Léonce Dupont

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai conscience qu’en prenant la parole alors qu’il est presque vingt heures, je m’expose à une rude concurrence en termes d’audience ! (Rires.) Lors de son discours d’investiture, le président du Sénat a annoncé l’organisation d’états généraux de la démocratie territoriale, souhaitant ainsi « signifier aux élus locaux qu’il avait entendu leurs interrogations et pris la mesure du malaise que vivent nos collectivités locales ». L’une des finalités affichées avec ce débat est de « simplifier le maquis réglementaire dans lequel les élus, les partenaires et les citoyens se perdent ». Je dois dire que je suis, probablement comme vous tous dans cet hémicycle, pleinement d’accord avec ce souci de simplifier les normes applicables aux collectivités locales. C’est bien pourquoi je me suis réjoui de l’inscription à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée de la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé, qui vise précisément ce but. Malgré une politique nationale de « mesure et réduction de la charge administrative » appliquée à l’ensemble des ministères depuis 2007, le constat ancien d’une inflation normative à laquelle sont soumises les collectivités locales demeure, et nombre de rapports de nos collègues en font état ces dernières années. Le rapporteur, Jacqueline Gourault, l’a une fois encore souligné. Des initiatives destinées à endiguer le flux normatif ont été entreprises, mais, pour le moment, qu’il s’agisse du filtre de la commission consultative d’évaluation des normes ou du moratoire sur l’édiction des normes règlementaires instauré par le Premier ministre en 2010, les résultats ne sont pas à la hauteur du défi. Des parlementaires ont tenté et tentent encore d’apporter leur pierre à l’édifice, mais, très étrangement, la nouvelle majorité du Sénat ne semble pas vouloir travailler en ce sens. Lors de l’examen de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, devenue la « loi Warsmann », elle a adopté une motion tendant à opposer la question préalable. Aujourd’hui, elle propose de renvoyer la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales à la commission des lois. Malgré les discours, dont il faudrait alors penser qu’ils ne sont que des discours de façade, je crains que le message ainsi adressé à nos concitoyens, et plus particulièrement aux élus locaux, ne soit celui-ci : il est urgent de ne rien faire ! Or, encore ces derniers jours, des articles de presse titraient sur le ras-le-bol des maires fustigeant l’absurdité de certaines normes, qui bloquent l’action publique et grèvent les finances locales : « Ces maires en guerre contre l’administration », « Des budgets bridés par des règles imposées en 2010 », etc. Je m’étonne par conséquent des propos de notre collègue Jean-Pierre Michel, auteur initial de la motion de renvoi à la commission, pour qui cette proposition de loi relève « de la simple communication et non d’une action énergique contre l’inflation des normes ». Nous ne faisons manifestement pas la même lecture de ce texte. À mes yeux, la proposition de loi du président Doligé est tout sauf une communication à visée politicienne : il s’agit d’un texte technique, sans doute partiel et certainement imparfait, mais qui a le mérite d’ouvrir un chantier nécessaire et colossal. Les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine ne sont pas en accord avec l’ensemble des propositions de ce texte. Par exemple, certaines dispositions relatives à l’urbanisme sont jugées par nous inopportunes. Mais, comme sur chaque texte, les diversités s’expriment et les amendements sont là pour introduire des améliorations. Pour ma part, je trouve très intéressante l’idée d’un principe de proportionnalité des normes et de leur possible adaptation à la situation financière des collectivités et aux réalités locales. La « loi handicap » de février 2005 est caractéristique de ces textes empreints des meilleures intentions mais qui, sur le terrain, posent des difficultés techniques et financières considérables, notamment aux petites communes. Nous avons la chance d’être un pays riche d’un patrimoine considérable. L’accessibilité de tous les lieux publics aux personnes handicapées à l’horizon de 2015 – c’est demain ! – est un bel objectif, mais un vrai casse-tête pour bon nombre d’élus. Il ne s’agit pas ici de plaider pour un retour en arrière ou le non-respect de la loi. Toutefois, introduire un peu de souplesse me paraît indispensable si l’on ne veut pas asphyxier l’action locale, déjà très contrainte. En tant qu’élus, nous dénonçons tous l’excès de normes et ses conséquences : charges financières insupportables pour les collectivités, situations de blocage ou d’absurdité, inégalités entre citoyens ou entre territoires du fait de l’application ou de la non-application des normes, freins au développement économique des collectivités. Le rapport et la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé ont été salués, à juste titre. Ils viennent conclure un important travail de consultation des élus locaux – associations, élus experts de certaines questions – et un dialogue avec les ministères concernés. Ce travail mérite d’être débattu par notre assemblée. Les élus locaux attendent des réponses aux difficultés qu’ils rencontrent. Je ne voudrais pas que le renvoi à la commission sollicité par la majorité sénatoriale, sous couvert d’approfondissement de la réflexion, soit un enterrement de première classe pour cette proposition de loi, qui mérite bien mieux. J’ose espérer qu’elle eût adopté la même attitude si un texte similaire avait été défendu par un sénateur issu de ses rangs. Le groupe de l’Union centriste et républicaine réaffirme, quant à lui, son souhait de débattre de ce texte le plus vite possible, et s’opposera donc à la motion de renvoi à la commission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)