Les interventions en séance

Economie et finances
15/02/2010

«Projet de loi de finances rectificative pour 2010»

M. Jean-Jacques Jégou

J’aborderai successivement le grand emprunt, les déficits publics et la dette, la taxation des banques.
Je n’avais pas caché ma consternation lorsqu’un grand emprunt de 100 milliards auprès du public fut annoncé le 22 juin à Versailles par le Président de la République ; je suis donc soulagé que l’on évoque aujourd’hui un montant bien plus raisonnable, contracté auprès des marchés, donc à un coût moindre.
En fait, il s’agit plutôt d’un « grand investissement financé par l’emprunt », qui doit enfin permettre de créer des richesses dont notre pays a besoin, en renforçant durablement la compétitivité de notre économie. Les causes de notre faible croissance sont connues : le manque d’investissement dans les secteurs d’avenir, l’insuffisance des crédits alloués à la recherche, à l’innovation et à l’enseignement supérieur. Bref, nous souffrons du sous-investissement chronique dans le capital humain. Je regrette depuis longtemps que notre pays n’investisse pas plus dans les secteurs stratégiques et innovants. Le drame, c’est que l’endettement a financé les dépenses courantes de l’État, au lieu de préparer l’avenir. C’est la tendance à inverser : le déficit n’est acceptable que s’il est consacré à l’investissement !
Depuis plus de 30 ans, les investissements ne représentent que 5 à 6 % du budget de l’État, contre 20 % dans les années 1960 et 1970. Nul ne peut donc contester la décision d’investir massivement dans l’enseignement, la recherche, l’innovation, les biotechnologies, les énergies nouvelles, bref, les secteurs susceptibles de soutenir la croissance, tout en accompagnant notre mutation vers une économie de la connaissance.
Le Gouvernement doit toutefois s’assurer qu’il financera des projets rentables, dans des secteurs stratégiques contribuant à la reprise durable de la croissance et améliorant le potentiel économique du pays en lui faisant retrouver ses capacités d’innovation et de développement. Il faudra veiller à la qualité des projets et au retour sur investissement.
Il faut espérer que les modalités retenues sanctuariseront les 35 milliards et assureront leur étanchéité avec les dépenses courantes. Il est indispensable que le Parlement assure un suivi vigilant de leur utilisation.
Le grand emprunt aura un impact sur le déficit, qui s’établira en 2010 à 149 milliards au lieu de 117 milliards. Il n’y a pas de secret : un emprunt de 35 milliards, ce sont 35 milliards de dette supplémentaire. Emprunter davantage, s’endetter davantage, s’est accroître la charge de la dette. Comme l’a dit la Cour des comptes, le recours supplémentaire à l’emprunt ne peut que rapprocher la perspective d’un endettement de 100 % du PIB dès 2013. A terme, le risque est d’aboutir à une dégradation de la qualité de la signature de la France, avec des conséquences particulièrement négatives sur le service de la dette. Notre crédibilité dépend de notre capacité à assainir nos finances publiques. Il y a urgence !
Selon la commission Juppé-Rocard, « la situation et les perspectives préoccupantes de nos finances publiques plaide pour que dans la durée, ce soit par le redressement de la situation budgétaire et par la réallocation des dépenses que l’État trouve d’abord le moyen de financer ses investissements ». La deuxième conférence des finances publiques nous permettra de mesurer sa détermination. Avec Thierry Breton, je considère que le véritable investissement d’avenir c’est le désendettement.
Beaucoup de mes collègues, suivant l’opinion publique et se laissant aller à un certain populisme, veulent durcir l’article premier avec l’intention de punir les banques. Les comportements à risques ont certes contribué à déstabiliser les marchés et il convient d’éviter les risques excessifs, conformément aux conclusions du G20 de Pittsburgh, mais ce sont les banques anglo-saxonnes qui sont à l’origine de la faillite du système financier mondial. Pénaliser les nôtres parce que le système international de régulation et de contrôle a été défaillant serait contreproductif et affaiblirait un secteur économique important : 400 000 emplois directs, 300 000 emplois indirects, 30 000 embauches chaque année, des investissements considérables et une forte valeur ajoutée dans un contexte très concurrentiel. Ne le fragilisons pas au moment où nous avons besoin de refinancer notre économie. La comparaison avec les Anglais et les Américains ne vaut pas parce que les banques françaises ont déjà versé 2,3 milliards à l’État et qu’elles n’ont rien coûté au contribuable. En outre, notre pays est le seul à avoir adapté une réglementation très restrictive en matière d’attribution de bonus, conformément au G20 de Pittsburgh. Nous ne pouvons pas alourdir excessivement et seuls la fiscalité des banques. En conséquence, je vous demande, dans l’intérêt de notre économie, de ne pas aggraver la taxation sur les bonus, qui doit rester exceptionnelle. (Applaudissements au centre et à droite)