Les interventions en séance

Economie et finances
15/02/2010

«Projet de loi de finances rectificative pour 2010»

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. 

- Les années se suivent et se ressemblent, diront les esprits chagrins... Nous avions entamé l’exercice 2009 avec un collectif ; nous revoici, début 2010, avec un premier projet de loi de finances rectificative, qui pourrait en annoncer d’autres.
En portant notre taux de croissance prévisionnelle de 0,75 % à 1,4 %, ce collectif est cependant porteur d’une bonne nouvelle, et nous laisse espérer un retour à un calendrier plus classique d’examen des lois de finances. Ces perspectives de croissance nous placent, avec l’Allemagne, parmi les pays qui bénéficient de la reprise la plus marquée, alors que le FMI prévoit une croissance de 1 % seulement pour la zone euro cette année.
Il y a un an, la crise économique, née des défaillances du système financier, menaçait nos équilibres sociaux et notre pacte républicain. Si aujourd’hui la reprise se confirme, nous le devons notamment à l’action du Gouvernement, qui a agi avec discernement et célérité : d’abord, pour rompre la paralysie qui menaçait le système bancaire ; ensuite, pour donner un coup de fouet à l’activité à travers le plan de relance.
Toutefois, les mécanismes à l’origine de la crise seront à nouveau à l’oeuvre si la communauté internationale ne parvient pas à parler d’une seule voix sur la régulation et la supervision des activités bancaires et financières. Par ailleurs, le redémarrage de notre économie ne doit pas être une excuse pour ne pas s’attaquer aux handicaps qui entament notre compétitivité. Les réponses apportées par le présent collectif sont-elles convaincantes ? Vous me permettrez d’exprimer mes interrogations et mes doutes à ce sujet...
Concernant la taxation des bonus, l’examen des amendements sera l’occasion d’expliquer pourquoi la commission approuve le schéma adopté par l’Assemblée nationale, et d’inviter à la prudence pour ne pas désavantager la place de Paris. Nous approuvons sans réserve l’affectation du produit de la taxe à Oséo, qui réduira le déficit budgétaire de près de 300 millions, tout en contribuant au soutien des PME. A condition de soumettre à la taxe l’ensemble de la chaîne décisionnelle et de contrôle, le dispositif établit un lien clair entre la prise de risques par les banques et leur obligation de participer au rétablissement du fonctionnement normal de notre économie.
Toutefois, le combat pour un meilleur encadrement des rémunérations au sein du milieu bancaire, dont la France a pris la tête, n’aura de sens que si nos partenaires nous suivent. La question des rémunérations n’est pas épuisée par la taxation des bonus. D’autres rendez-vous nous attendent, notamment sur les retraites chapeaux : ce sujet n’a pas sa place ici.
J’en viens à l’emprunt national. Il ne m’aurait pas paru envisageable de voter un dispositif qui creuserait de plusieurs dizaines de milliards un endettement déjà colossal. Mais, par un habile procédé, le ministre du budget parvient à accroître le déficit d’une trentaine de milliards sans recourir à la dette.
Le Gouvernement nous annonce un grand emprunt de 35 milliards. Pourtant, je voterai ce dispositif, sans avoir à me déjuger et sans rien renier de mes critiques. Cet emprunt est une illusion budgétaire, un trompe-l’oeil.
Je salue la subtilité du concept novateur de fonds « non consomptibles » : près de la moitié du grand emprunt, soit 16 milliards, fléchés vers la mission « Recherche et enseignement supérieur », sont des fonds dont seuls les revenus procurés par leur dépôt au Trésor pourront être dépensés !
Le versement aux opérateurs des 19 milliards restants sera étalé dans le temps : la dette de l’État ne serait accrue que de 5 milliards cette année. Selon M. Ricol, les décaissements effectifs ne dépasseraient pas 2 ou 3 milliards en 2010. Trente-cinq milliards ; 2 milliards : les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes...
C’est substituer une dette à moyen-long terme à la dette à court terme dont le poids relatif s’était considérablement accru. Je ne m’y opposerai donc pas.
Pour le reste, nous devons faire preuve d’exigence dans la sélection des projets, et de vigilance s’agissant de la gouvernance, car le grand emprunt est aussi une débudgétisation, qui nous contraint à définir les voies et moyens d’un contrôle efficace du Parlement, dans l’esprit de la Lolf. Les amendements de la commission confortent nos prérogatives en ce domaine. Toutes les commissions permanentes sont bien entendu également mobilisées.
D’autres échéances nous attendent, plus décisives : la contribution carbone -s’agira-t-il d’un collectif ou d’un simple projet de loi ?- et la clause de rendez-vous que nous avons adoptée dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle. Ces sujets devront être réglés pour l’été.
Au-delà, la loi de programmation des finances publiques devra traduire notre engagement, auprès des instances communautaires, de supprimer notre déficit excessif à l’horizon 2013. L’exercice ne sera pas aisé. Présent à la Conférence sur le déficit du 28 janvier, j’ai pris bonne note des chantiers ouverts par le Président de la République. Des efforts considérables devront être entrepris pour freiner l’évolution de nos charges.
J’appelle le Gouvernement à la plus grande prudence. Ayons toujours à l’esprit l’obligation de défendre notre crédibilité. Il ne suffit plus de fixer une norme d’évolution de la dépense publique que nous nous empresserons d’oublier au premier incident. Des choix devront être faits. Il faut que la dépense publique soit pilotée et non plus subie, que nous disposions des instruments pour en infléchir les évolutions au fil de l’eau. C’est un débat que nous aurons dans les prochains mois.
Dans cette attente, la commission des finances vous propose d’adopter le présent collectif, sous réserve des quelques compléments et adaptations que vous a présentés le rapporteur général. (Applaudissements à droite)