Les interventions en séance

Affaires sociales
14/11/2012

«Projet de loi, de financement de la sécurité sociale pour 2013-Article 20-Explication de vote »

Mme Muguette Dini

Cet article soumet les petites indemnités de rupture conventionnelle à un forfait social de 20 %, au motif que les employeurs abuseraient de ce dispositif. J’ai consulté un travail du Centre d’études de l’emploi, qui est, je le rappelle, un établissement public administratif, placé sous la tutelle du ministère chargé du travail et de l’emploi et du ministère chargé de la recherche. Tous les propos qui vont suivre sont tirés d’un rapport de recherche qu’il a publié en octobre dernier, présentant les résultats d’une enquête qualitative sur les usages de la rupture conventionnelle, réalisée dans le cadre d’une convention passée avec la CFDT. L’enquête dont je fais état a été menée à partir d’une centaine d’entretiens en face à face, conduits d’avril à juillet 2011, avec des salariés tirés au hasard parmi les ruptures conventionnelles signées en novembre 2010 dans cinq départements. Son objet est de rendre compte, en s’appuyant sur le récit de ces salariés, des circonstances de la rupture et à comprendre les logiques d’usage du dispositif. Les salariés interrogés occupaient des types de postes variés, avaient une ancienneté très diverse et l’amplitude des salaires était très large. Les secteurs d’activité et la taille des entreprises concernées étaient très hétérogènes : la moitié avait subi une baisse importante d’activité, du chiffre d’affaires et/ou des effectifs ; une forte majorité des établissements avait connu des bouleversements récents, tels que rachats, fusions, modifications dans l’organisation du travail, changements managériaux, voire un cumul de ces événements ; de nombreux salariés ont également indiqué que leur entreprise avait subi de fortes restrictions financières. Ces différents événements avaient souvent constitué, sinon l’explication principale, du moins le déclencheur ayant conduit à la rupture conventionnelle. Concernant les conditions de l’emploi avant la rupture conventionnelle, un quart des salariés affirmait être satisfait à la fois du travail et des conditions de travail ; un autre quart s’était déclaré satisfait du travail, tout en indiquant avoir subi des conditions matérielles difficiles ; la moitié déclarait avoir éprouvé de l’insatisfaction par rapport au travail. Lorsque la rupture était fondée sur une raison économique, les salariés avaient parfois pu négocier leur départ. En outre, certains employeurs avaient gratifié leurs salariés qui avaient un projet de reconversion professionnelle, parfois dans la perspective d’une poursuite de relations dans un nouveau cadre. Après la rupture, les trois quarts des salariés interrogés n’avaient pas repris d’activité et étaient toujours inscrits à Pôle emploi. Parmi ces derniers, beaucoup cherchaient à devenir travailleurs indépendants, notamment par la voie du régime de l’auto-entreprenariat. Les situations de ceux qui avaient repris une activité étaient très diverses : en CDI, CDD ou intérim, avec ou sans reconversion professionnelle. Les salariés anciens, dont la trajectoire professionnelle était stabilisée six mois après la rupture, étaient ceux qui avaient élaboré très tôt leur projet de reconversion ou avaient suivi des formations. Sur l’ensemble des entretiens, une majorité des ruptures pouvait être considérée comme ayant été à l’initiative principale du salarié, et, dans plus de la moitié des cas, pour des raisons conflictuelles. Les autres ruptures conventionnelles, sur l’initiative de l’employeur, étaient fondées principalement sur des motifs économiques. La conclusion du rapport est la suivante : « Quelle que soit la partie à l’initiative de la rupture, les situations et les modalités, une écrasante majorité des enquêtés a porté un jugement positif sur le dispositif s’agissant de leur cas personnel. » Pour pratiquement tous les salariés, l’avantage principal du dispositif est l’indemnisation du chômage. Pour ceux qui ont vécu un licenciement, la rupture conventionnelle apparaît comme moins stigmatisante, et elle évite, surtout dans les milieux professionnels restreints, un mauvais effet « réputationnel ». Pour ceux qui ont été à l’initiative d’une démission, la rupture conventionnelle présente tous les avantages : prise en charge par l’assurance chômage et indemnités de rupture. Nous sommes donc bien loin du tableau que nous dressent le Gouvernement et sa majorité, lorsqu’ils nous disent que toutes les ruptures conventionnelles interviennent du fait de l’employeur et qu’elles sont souvent contraintes. Selon eux, il faudrait faire payer l’employeur qui licencie de manière déguisée. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)