Les interventions en séance

Budget
François Zocchetto 14/06/2011

«Projet de loi constitutionnelle, relatif à l’équilibre des finances publiques»

M. François Zocchetto, Président du Groupe Union Centriste

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une crise d’un type nouveau déstabilise des gouvernements et fait souffrir bien des peuples, depuis plus d’un an maintenant. Celle-ci porte un nom : il s’agit de la crise de la dette souveraine. Aujourd’hui, plus aucun pays de l’OCDE ne semble protégé ou à l’abri d’une telle conflagration. La note de la dette grecque a encore été abaissée hier et se situe désormais à l’un des niveaux les plus faibles du monde. Mais la Grèce n’est pas seule ! Le Portugal y a perdu son précédent gouvernement ; l’Espagne et l’Italie sont fragilisées ; les États-Unis eux-mêmes risquent de voir leur note dégradée dans les prochains mois. Nous avons consenti des efforts budgétaires importants dans le cadre des plans de relance pour faire face à la crise. Une partie de la perte de confiance vient d’ailleurs de ces efforts, mais cela ne saurait faire oublier que nous vivons au-dessus de nos moyens et que la France accuse un déficit structurel trop élevé depuis trop longtemps. C’est dans ce contexte de risque et d’incertitude que le Gouvernement a annoncé vouloir inscrire dans la Constitution une « règle d’or » des finances publiques. Les sénateurs du groupe de l’Union centriste se félicitent d’un tel projet, qui rappelle en grande partie les propositions que les centristes avaient avancées lors de la précédente campagne présidentielle. Je veux d’ailleurs affirmer devant vous l’unanimité des membres de mon groupe pour ériger en objectif prioritaire la lutte contre les déficits et pour la réduction de la dette. Je ne suis pas certain qu’une telle unanimité se retrouve dans tous les groupes. Je suis même parfois inquiet d’entendre les discours de certains de nos collègues, sinon au Sénat, du moins dans d’autres lieux, qui ne semblent pas avoir pris la mesure de la situation actuelle. Le projet de loi constitutionnelle est avant tout un signal, qui est d’autant plus fort qu’il est envoyé aux marchés financiers à un moment où notre dette à court terme arrive à échéance et que nous avons participé, sur le plan européen, à la promotion et à la diffusion des « règles d’or » parmi les États membres. Alors que faire à une époque où les États ne disposent plus de la même latitude dans la gestion de leurs finances publiques ? Faut-il attendre l’inflation, comme nous venons d’attendre la pluie ? Non ! Ce n’est pas l’inflation qui nous permettra d’apurer nos dettes. Faut-il attendre une restructuration qui nous imposerait l’ingérence d’autorités internationales pour définir notre politique économique ? Certainement pas ! Je ne peux pas vouloir pour la France ce qui se passe actuellement dans d’autres pays. Faut-il espérer une sortie de l’euro et un retour à une monnaie nationale ? Je ne m’étendrai pas sur le sujet, tant nous, centristes, sommes convaincus que les conséquences d’une telle mesure seraient catastrophiques. Il nous faut donc regarder la réalité en face et adopter, pour commencer, le principe des lois-cadres. Je crois qu’il revient à chaque État européen de définir les modalités des lois-cadres qu’il veut se voir appliquer dans le cadre des contraintes budgétaires. Nous avons déjà expérimenté un certain nombre de lois de programmation budgétaire, mais celles-ci ont montré leurs limites. Le temps est donc venu d’inscrire les lois de finances annuelles dans un cadre pluriannuel contraignant. J’en viens à la fameuse question du monopole fiscal, qui suscite tant de réactions au sein des commissions de nos deux assemblées. Je profite de l’occasion qui m’est offerte par cette discussion générale pour adresser mes plus vifs encouragements aux uns et aux autres, afin que nous parvenions à une position commune, consensuelle, qui pourrait – sait-on jamais ? – préfigurer un vote favorable au Congrès. Le monopole fiscal est, selon moi, un élément central de la stratégie d’assainissement des finances publiques, telle qu’elle est dessinée par le Gouvernement. Outre son avantage en termes de maîtrise du flux des recettes et des dépenses, cette règle sera un gage élémentaire de sécurité juridique pour les contribuables, qui trouveront ainsi davantage de lisibilité dans les textes financiers. Aujourd’hui, force est d’admettre que les dispositions fiscales partent dans tous les sens. Quelle est la meilleure solution ? Il me semble que c’est probablement celle qui a été élaborée, il y a quelques instants, lors de la réunion de la commission des lois. Je fais partie de ceux qui soutiendront sans hésitation l’amendement présenté par le rapporteur Jean-Jacques Hyest, qui vise à ce que chaque texte ayant une incidence en matière de charges ou de recettes fiscales soit approuvé par une loi de finances. Devant une telle proposition, qu’il nous soit permis de nous interroger aussitôt : d’accord pour une loi de finances, mais sous quel délai ? Je formule quelques espoirs pour qu’un délai contraignant puisse être trouvé. Pourquoi pas trois mois, comme d’autres le suggèrent également ? Ainsi l’exécutif aurait-il l’obligation de présenter un projet de loi de finances rectificative une fois par trimestre au minimum. Je terminerai en évoquant une préoccupation que nous partageons tous ici en tant que sénateurs. Je veux évidemment parler du devenir des textes relatifs aux collectivités territoriales qui ont une incidence budgétaire en termes de recettes ou de charges fiscales. Qu’adviendra-t-il de la priorité d’examen dont bénéficie le Sénat sur ces textes en vertu des dispositions constitutionnelles ? La réponse à cette question est selon moi toute simple : il suffit d’en rester aux modalités actuelles ; nous continuerons naturellement à être les premiers saisis des textes concernant les collectivités territoriales, quand bien même y figureraient des dispositions à caractère budgétaire. Telles sont les quelques orientations que l’Union centriste souhaite voir étudiées au cours de notre débat. Au nom de mon groupe, je tiens à remercier le rapporteur et les rapporteurs pour avis, car ils ont permis, ne serait-ce qu’il y a quelques heures, de faire avancer ce débat si important pour nous-mêmes et, surtout, pour les générations à venir. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)