Les interventions en séance

Droit et réglementations
Jean-Marie Vanlerenberghe 14/05/2013

«Projet de loi relatif à la sécurisation de l՚emploi-Conclusions de la CMP»

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, arrivé au terme de l’examen de ce projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, je ne reviendrai pas longuement sur les conditions de son examen, qui ne doivent d’ailleurs pas occulter l’excellent travail de ses rapporteurs et particulièrement de Claude Jeannerot. En effet, la première lecture au Sénat a été littéralement amputée par l’usage de l’article 44-3, comme on vient de le rappeler. Nous regrettons vivement cette conséquence extrême d’un conflit qui ne nous concerne pas directement puisqu’il est interne à la majorité sénatoriale, entre la gauche de la gauche et le reste de votre fragile association. Nous le regrettons d’autant plus qu’il s’agit d’un texte important, et même essentiel. En effet, il transpose un accord national interprofessionnel qui marque un dépassement de l’antagonisme traditionnel des partenaires sociaux en France et un changement dans la conduite du dialogue social dans notre pays. Il s’agit d’un accord « gagnant-gagnant », avez-vous dit, pour les employeurs et les salariés et, nous l’espérons, pour l’emploi. L’ANI du 11 janvier dernier concrétise en effet la préoccupation, qui a toujours été celle des centristes et qui est aujourd’hui largement partagée sur les travées de cet hémicycle, de faire confiance à la démocratie sociale et de la voir s’affirmer. C’était, du reste, le sens de la loi Larcher du 31 janvier 2007, qui impose que toute réforme touchant au droit social fasse l’objet d’une concertation préalable. Mais si l’ANI doit être salué, c’est aussi et surtout, bien sûr, pour son contenu. Il met en place ce que nous appelons de nos vœux depuis de nombreuses années : une flexi-sécurité à la française avec des droits nouveaux pour les employeurs et les salariés afin de favoriser le maintien dans l’emploi et sécuriser le licenciement et la mobilité interne. Monsieur le ministre, vous connaissez notre position sur ce texte : elle découle de ce constat. Puisque notre système de hiérarchie des normes nous oblige à transposer l’accord pour lui donner force de loi, alors, il faut le faire sans le dénaturer. Le texte de la CMP dénature-t-il l’ANI ? Il nous semble que non, sauf sur un point dont nous avons déjà beaucoup parlé : celui sur la clause de désignation pour choisir l’opérateur de la complémentaire santé. Au Sénat, nous étions parvenus à dépasser les sensibilités partisanes pour supprimer cette clause et revenir au texte initial de l’ANI. La CMP n’a pas conservé cette rédaction ; nous le regrettons. Sur le fond, il y a visiblement un conflit sur ce thème au sein des branches patronales, plus précisément entre la fédération française des sociétés d’assurance – FFSA – et les autres secteurs. Quant aux syndicats de salariés, le texte leur convient apparemment très bien, et pour cause... Je ne m’étendrai pas sur ce sujet. J’ai bien entendu vos explications, monsieur le ministre, sur les trois perspectives offertes aux branches : désignation, recommandation ou liberté totale de choix du prestataire. Mais je rappelle qu’un accord de branche comportant une désignation unique contraint les employeurs à s’y soumettre, sauf à remettre en cause la gouvernance de leur branche. Ainsi, les conflits ne manqueront pas de naître entre les partisans de la mutualisation et les autres, quoi que l’on fasse. Mais, avez-vous dit, ce n’est pas notre affaire… Alors, au final, nous ne serons pas plus royalistes que le roi – si j’ose dire, le roi étant ici un ministre de la République – et laisserons les partenaires sociaux et les branches patronales régler leurs problèmes en famille. Espérons simplement que cette clause ne deviendra pas un nid à contentieux au regard de l’avis de l’Autorité de la concurrence. Mais revenons à l’essentiel, c’est-à-dire l’instauration, à l’article 1er, de la complémentaire santé pour tous les salariés. Nous nous félicitons que la CMP ait maintenu nos amendements visant à prendre en compte le caractère collectif de l’adhésion à un contrat d’assurance découlant d’une obligation formulée par un accord de branche ou professionnel et, surtout, la situation des employeurs multiples et des salariés à temps partiel. Ce dernier point nous tenait particulièrement à cœur parce qu’il concerne spécifiquement le secteur des services aux particuliers. J’en arrive ainsi au second point de cristallisation des débats, relatif à l’article 8, qui crée un socle de garanties minimales destiné à encadrer l’usage du temps partiel. Cet encadrement, nous ne pouvons que le saluer. Mais il doit être adapté à certaines activités, notamment celles de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale, ainsi que celles des services à la personne ou encore du portage de presse. Malheureusement, le vote bloqué nous a empêchés, au Sénat, d’adopter toute adaptation du texte à ces cas particuliers. Et la CMP ne l’a pas modifié non plus en ce sens. Même si nous avons bien entendu vos explications, monsieur le ministre, nous le regrettons. Vous avez largement ouvert le champ de la négociation, ce qui est une bonne chose et même une nécessité, et nous vous en remercions. Mais un problème demeure : si le secteur médico-social est représenté par des syndicats professionnels, les associations et les professionnels du secteur des services à la personne ne disposent pas d’une représentation organisée. Comment procéderez-vous, le cas échéant, pour adapter le cadre de l’article 8 à leur situation ? Monsieur le ministre, nous serons très attentifs à cette question, et surtout à votre réponse. Pour le reste, nous sommes en phase avec le texte issu des travaux de la CMP, qui n’a que peu modifié celui du Sénat. C’est le cas pour les articles les plus importants. Je pense à l’article 5, qui organise une représentation des salariés au conseil d’administration ou de surveillance. Il s’agit là d’une mesure importante de gouvernance des entreprises, qui correspond à notre philosophie de la démocratie sociale. Le Sénat avait amélioré le texte en faisant un plancher de la représentation initialement prévue. La CMP a conservé cette rédaction et a même apporté deux modifications qui vont, me semble-t-il, dans le bon sens, en permettant aux entreprises qui le souhaitent d’accorder plus de temps de formation à leurs salariés nouvellement élus ou désignés, et d’accélérer leur entrée en fonction. Enfin, l’article 12, relatif à l’accord de maintien de l’emploi n’a pas été non plus substantiellement amendé par la CMP, et nous ne pouvons que soutenir la seule modification introduite. Elle a pour objet de permettre d’ajouter les indemnités contractuelles aux indemnités conventionnelles et légales pour le calcul des indemnités dont pourra bénéficier un salarié en cas de refus d’une modification de son contrat de travail. Nous soutenons d’autant plus cette modification qu’elle peut apparaître comme le complément d’un amendement – conservé par la CMP – que nous avions fait adopter et qui prévoit les mêmes dispositions en cas de rupture du contrat de travail consécutive à la suspension de l’accord de maintien de l’emploi. Nous soulignerons aussi, pour terminer, l’importante avancée que représente la création du compte personnel de formation, naturellement reprise par la CMP. En revanche, nous regrettons la timidité des efforts des entreprises – mais c’est le fait de l’ANI lui-même – pour réduire le recours aux contrats courts de travail, tout en nourrissant néanmoins l’espoir qu’ils ne constituent qu’une première étape. En conclusion, vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC adhère pleinement à la philosophie de l’ANI et considère que sa transposition législative ne l’a globalement pas dénaturé. Il la votera donc dans sa grande majorité. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – M. Jean-Claude Lenoir applaudit également.)