Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Michel Mercier 14/03/2013

«Projet de loi, relatif à l՚élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral – 2ème lecture-Article 2-Explication de vote »

M. Michel Mercier

Monsieur Karoutchi, essayez donc de devenir conseiller général, vous verrez comme c’est difficile ! (Sourires.) Il y a très longtemps que je suis conseiller général et je suis très attaché à ce mandat. Cependant, j’ai bien conscience du caractère un peu décalé de ce que je vais dire maintenant. Je regrette que nous commencions par une loi électorale, sans nous être au préalable posé les questions suivantes : que faisons-nous du département et comment organisons-nous le territoire de la République demain ? Cette institution peut être l’objet de critiques, et je l’accepte parfaitement. Néanmoins, nous avions peut-être l’occasion de nous poser la question dans le bon sens. J’ai été très triste, ce matin, d’entendre opposer le rural et l’urbain. Cela ne tient pas debout. Je siège dans un conseil général que l’on présente communément comme urbain, mais qui est aussi rural, et je crois que les conseillers généraux élus dans la métropole, à Lyon, se font très bien connaître. Voilà quelques années, avec M. Chevènement, nous avons redécoupé Lyon et tout se passe très bien. Chacun est élu dans un quartier historique, et cela fonctionne. Toutefois, là n’est pas le problème. La bonne question à se poser est : le département, dans la France d’aujourd’hui, telle qu’elle a évolué, est-il encore utile et nécessaire ? (Mme Hélène Lipietz s’exclame.) Si l’on ne se pose pas cette question, l’on peut difficilement se prononcer sur le système électoral. Dans certains territoires, le département est absolument indispensable, parce qu’il est l’échelon de la mutualisation. Les autres collectivités à l’échelon inférieur sont trop faibles, pas assez riches, pas assez puissantes en hommes et en femmes. Il faut donc organiser le territoire en mutualisant les moyens. Le département est là pour ça ! Toutefois, il y a aussi les grandes agglomérations, pour lesquelles l’absence de département ne serait pas catastrophique. On pourrait donc imaginer des organisations différentes, car il n’y a aucune nécessité d’avoir une uniformité sur tout le territoire de la République. Aujourd’hui, on peut tenir compte des diversités. Telle est peut-être la voie à suivre. La loi électorale que nous sommes en train de discuter présente des inconvénients et des avantages. Comme pour tout texte de ce type, ceux qui la font voter seront battus à l’élection d’après. Je ne vais pas reprocher au Gouvernement de faire une loi pour gagner les élections, car il peut parfaitement les perdre. Cela arrivera ou pas, car ce résultat dépendra aussi de notre capacité à être convaincants. Les citoyens choisissent les bons, écartent les mauvais et ils ont toujours raison. C’est la République ; il n’y a rien à ajouter ! À mon sens, on aurait pu imaginer une autre loi électorale, qui n’opposerait pas les ruraux et les urbains et qui affirmerait la nécessité du département sur tel type de territoire, tout en préservant la proximité. En restant sur des grands principes généraux, on obtient parfois un résultat contraire à celui qui est recherché.   Avec le système du binôme électoral, vous tentez de résoudre deux problèmes différents : la parité et la proximité. Vous résolvez bien, du moins en apparence, le premier, mais, en refusant de modifier le nombre d’élus, vous éloignez les conseillers généraux des électeurs. Dans un département comme le mien, si rien n’est modifié, il y aura 75 000 habitants par canton en moyenne. Dans d’autres territoires, pour trouver une telle population – c’est le cas du nord-ouest de mon département –, il faudra faire 80 kilomètres. Je reconnais, avec M. Patriat, que, grâce aux voitures électriques de demain, à condition qu’on construise quelques barrages, le conseiller général pourra aller d’un coin à l’autre du département. (Sourires.) Toutefois, plus sérieusement, je puis vous dire que ce système ne marchera pas, car les citoyens ne connaîtront plus leurs élus. À mon sens, nous aurions tous été bien inspirés d’être un peu plus modestes et de nous demander, avant de voter une loi électorale, ce que nous devions faire du département demain. Faut-il le maintenir ? Dans l’affirmative, sa forme doit-elle être la même partout ? Cette précipitation à déterminer un mode de scrutin me chiffonne un peu, d’autant que, à bien examiner la loi sur l’acte III de la décentralisation à venir, il apparaît que la compétence première, qui deviendra presque unique, du département, ce seront les affaires sociales. Or, en la matière, il faudra bien traiter les gens de la même façon partout. Une personne handicapée, qu’elle habite dans l’Ariège ou à Paris, a besoin des mêmes droits, des mêmes moyens de vivre avec son handicap, fournis par la République. En somme, le département sera de moins en moins une collectivité territoriale et de plus en plus une institution chargée d’assurer un certain nombre de prestations sociales. Un tel constat devrait vraiment nous faire réfléchir sur le rôle du département. Je regrette que tel ne soit pas le cas et que nous soyons amenés à nous prononcer sur une loi électorale avant de nous poser les vraies questions de fond. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)