Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Hervé Maurey 13/03/2013

«Projet de loi, relatif à l՚élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral – 2ème lecture »

M. Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture le projet de loi modifiant les modes de scrutin pour les élections des conseillers municipaux, des conseillers intercommunaux et des conseillers départementaux. Ce texte a été rejeté par le Sénat le 18 janvier dernier : je crois que c’est la première fois qu’un texte aussi important pour les collectivités locales est rejeté par l’assemblée chargée de les représenter… Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale, mais avec la plus courte majorité jamais obtenue sur texte du Gouvernement depuis le début de la législature. C’est dire, monsieur le ministre, l’enthousiasme qu’il suscite, y compris dans votre majorité ! C’est aussi la première fois que des changements de législation concernant une élection demeurent inconnus moins d’un an avant celle-ci. Je fais naturellement référence aux dispositions qui concernent les élections municipales, notamment pour la question du seuil à partir duquel s’appliquera le scrutin de liste. Ce texte, qui modifie trois modes de scrutin, n’est que le premier d’une série destinée à modifier tous les modes de scrutin, ou presque. Là aussi, c’est une première ; là aussi, c’est du jamais vu ! Jamais un gouvernement n’avait, en aussi peu de temps, modifié tous les modes de scrutin. La semaine prochaine, le Sénat examinera un texte destiné à modifier le collège qui élit les sénateurs représentant les Français établis hors de France. Ensuite, nous serons saisis d’un projet de loi, déjà adopté en conseil des ministres, qui modifiera les conditions d’élection des sénateurs. On nous annonce, même si cela n’est plus très sûr, une modification du mode de scrutin pour les élections européennes et, ensuite, une modification du mode de scrutin pour les élections législatives… Ce qui est très curieux, monsieur le ministre, c’est qu’à chaque fois vous invoquez des raisons différentes. Afin de nous « vendre » le scrutin binominal, vous nous dites que cette solution, que vous n’envisagez pas, d’ailleurs, d’étendre à une autre élection, notamment celle des députés, permet d’éviter la proportionnelle. Et vous faites, je m’en réjouis, l’éloge du scrutin majoritaire, soulignant tout à l’heure que ce mode de scrutin permettait le pluralisme : nous l’avons noté et nous saurons vous le rappeler ! Mais, monsieur le ministre, si le scrutin majoritaire est à ce point formidable – et je suis d’accord avec vous sur ce point –, pourquoi envisagez-vous de conserver le scrutin proportionnel aux élections régionales, de l’étendre pour les élections sénatoriales - en portant de 50 % à 70 % la proportion de sénateurs élus grâce à ce mode de scrutin - et de l’instaurer pour les élections législatives ? Ces arguments qui diffèrent selon les textes, monsieur le ministre, peinent à masquer la réalité : le Gouvernement n’a qu’un seul but, échapper à la sanction populaire lors des prochaines élections en se livrant à un « tripatouillage » électoral destiné à conserver la mainmise du parti socialiste sur les différentes institutions et collectivités. Voilà la réalité ! C’est d’autant plus choquant que nos concitoyens sont bien loin de ces préoccupations, malheureusement pour eux. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le chômage a franchi la barre des 10 % - record qui n’avait pas été atteint depuis 1999, à l’époque du gouvernement Jospin – et que nous comptons, selon l’INSEE, 3,7 millions de chômeurs, dont 25 % des jeunes : du jamais vu depuis que les statistiques existent, c’est-à-dire depuis 1975 ! Le Président de la République a reconnu hier que l’objectif de limitation du déficit à 3 % du PIB ne serait pas tenu. Alors, oui, les Français ont d’autres préoccupations, monsieur le ministre de l’intérieur, et notamment en termes d’insécurité. Au-delà de ces remarques, ce texte ne nous convient pas. Ce scrutin « croquignolesque » qui consiste à avoir deux élus par canton est en fait un mauvais coup porté à la ruralité, sous couvert de faire avancer la parité. Vous nous avez expliqué que c’était le seul moyen d’échapper à la proportionnelle, mais c’est tout à fait faux, nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des amendements. Il est possible d’opter pour un scrutin mixte maintenant le scrutin majoritaire en zone rurale et instaurant le scrutin proportionnel en zone urbaine. Il est également possible de conserver le mode de scrutin cantonal actuel en prévoyant des sanctions financières pour les partis politiques qui ne respecteraient pas la parité. Nous ne sommes pas favorables non plus au report des élections cantonales et régionales en 2015, report que rien ne justifie, si ce n’est, là encore, la volonté d’un « tripatouillage » électoral. Je dois dire, monsieur le ministre, que le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale est pire que celui que nous avait soumis le Gouvernement, puisque le seuil de population à partir duquel s’appliquera le scrutin de liste bloqué aux élections municipales a été ramené à 500 habitants. J’en ai été d’autant plus surpris, monsieur le ministre, que vous aviez fait l’éloge du seuil de 1 000 habitants et indiqué au Sénat à juste titre – je vous avais même applaudi, c’est dire ! – qu’abaisser le seuil à 500 habitants serait trop brutal et entraînerait des difficultés. Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit également une diminution systématique du nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants. Je n’en vois ni l’utilité ni, surtout, la justification, dès lors que l’on se limite aux seules communes de moins de 3 500 habitants. Je voudrais donc saluer le travail de la commission des lois, qui a permis de revenir à une solution beaucoup plus favorable sur ces deux points ainsi que sur la question de l’écart de population dans le redécoupage des cantons. Je suis en revanche désagréablement surpris de constater que le Gouvernement a déposé un amendement visant à supprimer le dispositif proposé par la commission des lois sur cet écart de plus ou moins 30 %. En conclusion, nous souhaitons que nos amendements soient adoptés pour que nous puissions voter ce texte. Je rappelle en effet que le Parlement est bicaméral, monsieur le ministre, et que la Haute Assemblée représente les collectivités territoriales : il serait regrettable que, pour la première fois, un texte concernant les collectivités territoriales soit rejeté par le Sénat. Vous n’avez pas de majorité politique au Sénat, monsieur le ministre : vous semblez l’oublier, mais c’est la réalité. Il est donc de votre devoir de tenter de trouver une majorité sur ce texte. Pour cela, il faudrait que vous procédiez à une vraie concertation, à un véritable échange, que vous écoutiez vraiment nos demandes. Vous avez dit que vous étiez prêt à faire des compromis,… sauf sur le mode de scrutin, sauf sur la date des élections, sauf sur l’écart dans le découpage des cantons, bref, sur tout sauf sur les points importants ! Permettez-moi de m’en étonner. Le groupe UDI-UC aborde la discussion de ce texte avec la ferme volonté de défendre les territoires ruraux, mais sans arrière-pensées politiciennes (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste.) : je considère que la balle est dans votre camp bien plus que dans le nôtre. Nous attendons donc de voir quelles avancées vous êtes réellement prêt à accomplir ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)