Les interventions en séance

Affaires sociales
13/02/2014

«Projet de loi portant diverses dispositions d՚adaptation au droit de l՚Union européenne dans le domaine de la santé »

Mme Muguette Dini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il nous revient ce matin d’étudier un projet de loi visant à traduire dans notre droit national les objectifs fixés par cinq textes européens, à savoir quatre directives et un règlement. Notre groupe ne s’opposera pas à ce texte de loi qui relève d’obligations européennes auxquelles nous ne pouvons de toute façon nous soustraire. Mais comment ne pas souligner que la France reste une mauvaise élève en matière de transpositions de directives européennes ? Notre pays est en effet très en retard pour adopter ce projet de loi. Ce ne serait pas grave si c’était exceptionnel ; mais comme vous le savez, madame la ministre, c’est un comportement récurrent de la France, et cela coûte très cher puisque notre pays doit verser des pénalités à l’Europe. Sans doute pourrions-nous éviter ces dérives en nous sentant plus concernés par ce qui se passe à Bruxelles. En 2009, j’étais intervenue en séance publique dans le cadre d’un débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat pour dénoncer le fait que les résolutions européennes adoptées par le Sénat n’étaient pas défendues par le Gouvernement, et surtout par les fonctionnaires qui le représentent à Bruxelles. Il arrive même que des fonctionnaires, quand ils sont présents, défendent des consignes opposées à celles qui sont données par le Gouvernement. De même, en matière de transpositions de directives, il est impératif que nous engagions une réflexion sur les modalités de notre intervention parlementaire, afin d’éviter de légiférer dans l’urgence sur des textes très techniques et parfois disparates. Cela étant dit, je voudrais souligner plusieurs points de ce projet de loi qui me semblent importants, avec pour fil conducteur la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Le présent texte comporte des mesures d’adaptation visant à parachever la libre circulation des patients en Europe prévue par la directive du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers. À la suite de différents arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, nous disposons enfin d’un cadre légal clair régissant les soins de santé transfrontaliers et la mobilité des patients. Dans ce domaine, la coordination entre les États membres s’est améliorée, tout comme l’information des patients ainsi que la qualité et la sécurité des soins, sans pour autant qu’ait été remise en cause la liberté des États membres d’organiser leurs systèmes de santé respectifs. Je tiens aussi à saluer l’obligation pour les ostéopathes et chiropracteurs d’avoir recours à une assurance professionnelle, sur le modèle de celle qui régit les professionnels de santé. Cela va sans aucun doute renforcer la sécurité des patients et leur permettre de bénéficier du même niveau de garantie que pour les soins dispensés par des professionnels de santé. Madame la ministre, vous avez annoncé une réforme de la profession d’ostéopathe. Actuellement, les jeunes qui choisissent cette profession sont en grande difficulté : trop nombreux à être formés, ils ont beaucoup de mal à trouver une clientèle et à vivre de leur métier lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail. Plusieurs partent d’ailleurs à l’étranger, un peu à l’aventure. Il est indispensable de trouver des solutions en amont. Ne faudrait-il pas travailler sur la question du nombre d’écoles et sur la qualité de la formation ?
Nous soutenons votre démarche et souhaitons que vous nous précisiez votre projet.
L’autre profession sur laquelle je souhaiterais recueillir votre position est celle d’étiopathe. Les étiopathes souhaitent faire reconnaître l’usage professionnel du titre d’étiopathe, à l’instar de celui d’ostéopathe. Ils mettent notamment en avant leur formation professionnelle, calquée sur le cursus universitaire LMD, et les six années d’études obligatoires pour obtenir le diplôme d’étiopathe. Cette formation est dispensée dans quatre facultés, dont l’une est située dans le Rhône. Madame la ministre, avez-vous engagé une réflexion afin de doter les étiopathes d’un véritable statut ? Concernant le bon usage des médicaments, votre adaptation de la législation européenne pour un encadrement maximal de la vente des médicaments sur internet me semble être une bonne chose. Les deux garde-fous que sont l’adossement des sites de vente en ligne à une pharmacie physique et la limitation aux médicaments autorisés à la vente en accès libre en officine concourent à la sécurité des patients. Toujours sur le sujet de la vente en ligne, ce projet de loi comportait dans sa version initiale un article 4, qui prévoyait expressément la vente à distance des lentilles de contact correctrices, mais également l’encadrement de cette vente à distance. Toutefois, cet article 4 a été supprimé dans la mesure où ses dispositions ont été examinées parallèlement dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation. Comme vous tous, mes chers collègues, je regrette que nous ayons abordé ce sujet sous l’angle de la consommation. Nous aurions dû le faire dans le cadre du présent projet de loi, qui a une dimension sanitaire. En effet, si les lentilles de contact représentent une alternative efficace au port de lunettes – elles sont même plébiscitées par un grand nombre d’usagers, pour des raisons d’esthétisme ou de pratique sportive –, elles requièrent néanmoins une plus grande attention du fait de leur contact direct avec la cornée. C’est pourquoi il est impossible de les considérer comme des produits de grande consommation. Dans le cadre du présent projet de loi, nous aurions pu étudier sereinement une réelle délégation de compétence des ophtalmologistes vers les opticiens en matière d’adaptation des lentilles de contact. Cela n’a pas été possible. Je terminerai mon propos en évoquant l’adaptation de notre code de la santé publique au règlement européen du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Ma collègue Chantal Jouanno a déposé deux amendements, que j’ai cosignés, visant à interdire l’utilisation de perturbateurs endocriniens et de substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, dites CMR, dans la composition des produits cosmétiques. Il convient de rappeler que, dans le cadre de la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, à laquelle Chantal Jouanno a participé et qui semble avoir été « enterrée » par le Gouvernement, la question de la composition des produits cosmétiques avait été posée. Dans son article 15, le règlement européen du 30 novembre 2009 interdit les substances CMR de catégorie 1 et 2. Notre premier amendement vise à transposer de façon explicite cette interdiction dans le droit français et à l’étendre aux perturbateurs endocriniens. Notre second amendement est un amendement de repli, qui prévoit l’interdiction des perturbateurs endocriniens et substances CMR dans les produits cosmétiques à destination des femmes enceintes et des enfants de moins de trois ans, qui, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, sont les publics à protéger en priorité de ces substances. Madame la ministre, après vous avoir présenté nos observations, questions et propositions, auxquelles je vous remercie par avance de bien vouloir répondre, je vous confirme que nous voterons ce projet de loi.