Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
Vincent Delahaye 12/12/2013

«Proposition de loi relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage»

M. Vincent Delahaye

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit cet après-midi constitue indiscutablement une préoccupation pour nombre d’élus locaux. Le Sénat étant l’assemblée des territoires, il est normal que nous en débattions. J’ai bien écouté les propos du rapporteur, du rapporteur pour avis, de Mme la ministre et des différents intervenants. Je ne dirai pas, contrairement à Mme la ministre, que la loi Besson est en grande partie restée lettre morte, mais je suis tout à fait prêt à admettre que cette loi n’a pas réglé le problème. Du reste, l’eût-elle réglé que nous ne serions pas réunis aujourd’hui pour l’évoquer ! Je partage l’idée selon laquelle nous devons rédiger un texte équilibré, et il est sans doute vrai que la proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson ne parvient pas à trouver l’équilibre entre, d’un côté, les droits et devoirs des gens du voyage et, de l’autre, les droits et devoirs des collectivités locales et des élus locaux, que nous représentons dans cet hémicycle. Si beaucoup d’élus locaux sont confrontés au problème, il n’en demeure pas moins que ceux des communes très urbanisées ont bien moins de soucis à cet égard que ceux des communes peu urbanisées. Il faut tenir compte de cette différence. S’agissant d’abord des devoirs des collectivités locales, le premier d’entre eux est de respecter la loi en aménageant des aires d’accueil. Aujourd’hui, environ deux tiers des aires d’accueil et un tiers des aires de grand passage prévues par les schémas départementaux ont été réalisées. Le pouvoir de substitution accordé au préfet par la loi n’a presque jamais été utilisé ; c’est un problème. La commune dont je suis maire, Massy, dans l’Essonne, a atteint les objectifs de son schéma départemental. Elle les a même dépassés : je devais aménager une aire de moyen passage de 50 places et j’ai installé, en plus, une quarantaine d’emplacements familiaux. Je considérais en effet qu’il me fallait résoudre l’ensemble des problèmes qui se posaient dans ma commune. Or l’aménagement d’une aire de moyen passage n’aurait pas suffi à répondre aux sollicitations que je recevais quasiment chaque semaine. Les subventions ont couvert à 80 % les coûts d’investissement pour cette aire d’accueil. En revanche, les coûts de fonctionnement – beaucoup plus élevés – restent entièrement à la charge de la commune. J’aurais aimé que l’initiative qui a été prise à Massy le soit aussi dans beaucoup d’autres communes, notamment d’Île-de-France. Deux de mes voisins sont aujourd’hui membres Gouvernement : l’ancien maire d’Évry, Manuel Valls, est ministre de l’intérieur, et l’ancien maire de Palaiseau, François Lamy, est ministre de la ville. Or je constate que, au sein des communautés d’agglomération qu’ils ont présidées, le taux de réalisation d’aires d’accueil des gens du voyage n’est que de 25 % et que, dans les villes dont ils étaient maires, ce taux tombe à 0 % ! Je souhaiterais qu’en la matière tous les élus soient mobilisés pour appliquer la loi et, donc, réaliser ces aires d’accueil. Cela faciliterait la tâche de beaucoup de nos collègues, partout en France. J’en viens aux droits et devoirs des gens du voyage. Vous avez évoqué la question de l’éducation, madame la ministre. Je précise qu’à Massy nous avons toujours accueilli les enfants des gens du voyage dans les écoles de la ville, sans aucun souci. Mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui. L’objet de cette discussion est de faire en sorte que, d’abord, les gens du voyage s’installent, en priorité, sur les aires d’accueil prévues à cet effet – ce n’est pas toujours le cas – et que, ensuite, ils respectent ces aires d’accueil. En effet, les dégradations sont très importantes. Le coût annuel, en dépenses de fonctionnement pour l’aire d’accueil de Massy est de 200 000 à 250 000 euros. Pour une ville comme la mienne, ce n’est pas une dépense mineure ! Cette somme englobe notamment les dépenses effectuées pour remédier aux dégradations et conserver, comme je le souhaite, une aire d’accueil en bon état. Elle tient également compte des impayés de loyer qui, malgré un loyer que nous avons fixé à un niveau particulièrement bas, sont très importants. Le groupe UDI-UC est plutôt favorable à un renforcement des sanctions à l’encontre des gens du voyage qui ne respecteraient pas les aires de stationnement, même si nous préférerions un texte plus équilibré. Cependant, nous estimons que ce texte est nécessaire pour montrer aux gens du voyage qu’ils doivent aussi respecter la loi.
J’ai cherché dans vos propos, madame le ministre, la stratégie du Gouvernement. Je ne l’ai pas nettement perçue, je vous l’avoue.
La proposition de loi déposée par le député Dominique Raimbourg a été évoquée. Je n’en ai pas eu connaissance. Toutefois, il me paraît préférable que le Gouvernement ne s’appuie pas uniquement sur une proposition de loi. Certes, je ne suis sénateur que depuis deux ans, mais je dois dire que, en deux ans, je n’ai pas vu beaucoup de propositions de loi aboutir. Des propositions sont débattues, mais elles n’apparaissent pas comme le moyen le plus efficace pour avancer sur telle ou telle question.
C’est pourquoi un projet de loi sur le sujet dont il est aujourd’hui question m’aurait paru largement préférable.
Ainsi, madame la ministre, le Gouvernement serait-il prêt à déposer un projet de loi équilibré tendant à compléter la loi Besson, de manière à résoudre de façon plus efficace la question des stationnements illicites de gens du voyage qui perturbent la vie de nombreuses collectivités ? Le Gouvernement montrerait ainsi sa volonté de se pencher véritablement sur ce problème. Compte tenu des contraintes de calendrier, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, je crains qu’une proposition de loi ne puisse pas aboutir avant longtemps. Je souhaite donc que le Gouvernement s’engage dès aujourd’hui à déposer un projet de loi – et sans qu’il y applique la procédure accélérée, comme c’est trop souvent le cas –, en indiquant des dates précises de dépôt : nous pourrions ainsi répondre de manière efficace aux nombreux élus locaux auxquels ce problème cause de graves soucis. (MM. Yvon Collin et François Fortassin applaudissent.)