Les interventions en séance

Budget
Vincent Delahaye 12/12/2013

«Projet de loi de finances rectificative pour 2013»

M. Vincent Delahaye

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce moment du débat et à cette heure avancée, beaucoup de choses ont déjà été dites ; je crains donc de ne pouvoir éviter les redites, et je vous prie de m’en excuser par avance. En préparant mon intervention de ce soir, j’ai relu mon intervention de l’an dernier sur le projet de loi de finances pour 2013. À l’époque, j’avais dit que votre excès d’optimisme en matière de croissance et de recettes frisait l’insincérité, monsieur le ministre. De fait, nous sommes aujourd’hui assez loin du chiffre de 0,8 % de croissance que vous aviez annoncé. J’avais dit qu’il me semblait préférable de prendre le consensus des économistes, à savoir 0,5 %, et de lui ôter 0,5 % par mesure de précaution ; on arrivait ainsi à 0 %. Notre croissance s’établissant finalement à 0,1 %, ma prévision était plutôt bonne. Je m’étais également demandé comment on pouvait voter un budget qui surévaluait autant les recettes. Je m’étais interrogé – personne ne m’avait répondu – sur leur croissance spontanée de 3 %. À l’époque, j’évaluais la surévaluation à 8 milliards d’euros. Je me trompais, puisque les recettes étaient en réalité surévaluées de 11 milliards d’euros. Je m’étonne que, malgré la qualité des fonctionnaires de Bercy, nous n’arrivions pas à obtenir d’explications plus précises. Ce chiffre de 11 milliards d’euros représente une baisse de 4 % à 7 % des recettes.
J’espère que nous aurons de bonnes surprises dans les quinze prochains jours ; on ne sait jamais…
Nous devrions avoir des explications plus précises sur cette baisse de 4 % à 7 %. On connaît la formule « Trop d’impôt tue l’impôt », qui a été très souvent employée. La baisse des recettes est-elle également imputable au développement de l’économie numérique, qui échappe à l’impôt ?
Avons-nous assisté à un essor de l’économie parallèle, du travail au noir ? Je n’en sais rien, mais il faudrait se pencher un peu plus sérieusement sur la question, afin d’éviter les mauvaises surprises à l’avenir.
À cause de l’optimisme excessif des prévisions, le déficit dérape de 10 milliards d’euros, pour s’établir à plus de 70 milliards d’euros. Tout compris, il se situe même autour de 100 milliards d’euros, monsieur le ministre. Comme l’a si bien souligné M. le président de la commission, notre besoin de financement ne se réduit pas : il atteint cette année 186 milliards d’euros, contre 187 milliards d’euros en 2011. Nous continuons donc à faire appel aux marchés dans des proportions importantes. Afin d’obtenir que la Commission européenne vous accorde deux ans de plus pour ramener le déficit sous la barre des 3 %, vous lui avez transmis un document intitulé « Une situation en voie d’amélioration ». Je suis désolé, mais je ne vois pas cette amélioration : je ne la voyais pas à l’époque et, malheureusement, je ne la vois toujours pas aujourd’hui. Notre dette continue à grossir de manière très importante ; le rythme est aussi soutenu depuis mai 2012 qu’auparavant. Vous dénonciez l’endettement sous la majorité précédente, mais il ne ralentit pas depuis que vous êtes aux responsabilités. Au contraire, il continue à augmenter : il frisera bientôt les 2 000 milliards d’euros. Tout cela est assez inquiétant. Or nous ne percevons aucun effort en matière de réduction des dépenses : vous penserez peut-être que c’est une idée fixe de ma part, mais il me semble que nous sommes nombreux à avoir ce genre de préoccupation. Je ne suis pas le seul à ne rien voir venir. Le club de réflexion Terra Nova, proche de la gauche, a été cité tout à l’heure. Dans un récent rapport, ce club insiste pour que le Gouvernement prenne des mesures énergiques et rapides en matière de modernisation de l’action publique. On peut en effet avoir l’impression que la MAP, comme l’indique ce rapport, est en fait « une liste à la Prévert de “mesurettes” ou de mesures gadgets ». Ce rapport précise que seuls les ministères de second plan sont visés, qu’aucune réforme d’ampleur n’a véritablement été entreprise en matière de modernisation de l’action publique, alors que le cœur du système est en cause et qu’il faut s’y attaquer en priorité. Nous sommes donc dans l’attente, monsieur le ministre, de mesures fortes en matière de réduction de la dépense publique : c’est dans cette direction qu’il faut avancer. Si nous examinons de près ce projet de loi de finances rectificative pour 2013, nous y trouvons malheureusement quelque chose que j’avais déjà remarqué dans le collectif budgétaire de l’année dernière, à savoir des cadeaux de Noël. Certes, nous approchons des fêtes de fin d’année, mais il me semble que la famille et les amis sont souvent trop gâtés dans cette période et vous ne faites pas défaut à cette règle. L’an dernier, l’État avait racheté à la ville de Paris un terrain inconstructible pour vingt-cinq millions d’euros – je m’étais déjà étonné. Cette année, c’est en faveur de L’Humanité qu’un geste est fait, alors que les aides à la presse sont déjà très importantes. L’État abandonne une créance de quatre millions d’euros sur ce journal : c’est l’objet du dernier article de ce projet de loi de finances rectificative. Mais ce texte recèle de beaucoup plus gros cadeaux. On ne cesse de dire aux Français que les déficits sont importants, que l’État n’a plus d’argent – ce qui est vrai, car il est en faillite ! Or, d’un seul coup, on a pu trouver deux milliards d’euros en faveur de la Bretagne et trois milliards d’euros pour Marseille. On se demande d’où vient tout cet argent. En effet, ces cinq milliards d’euros ne figurent pas dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2013. Je ne les ai pas vus non plus dans le projet de loi de finances pour 2014. Pourra-t-on nous expliquer, à un moment donné – j’aimerais bien que vous nous le disiez, monsieur le ministre – où figurent les cinq milliards d’euros que l’on a pu trouver opportunément, en quelques jours, pour nourrir la Bretagne et Marseille. Je ne sais pas si les autres régions vont se réveiller, mais je pense qu’elles y trouveraient un intérêt. L’État parvient à distribuer très rapidement de l’argent qu’il n’a pas : c’est assez surprenant ! Pour conclure, monsieur le ministre, vous avez utilisé une formule qui vous a assez bien réussi sur le plan médiatique, en disant qu’« il ne faut pas ajouter la rigueur à l’austérité ». Pour ma part, je dois avouer que je ne la comprends pas : j’ai interrogé un nombre non négligeable de personnes dans la rue au sujet de cette formule : personne n’est capable de m’expliquer ce qu’elle veut dire. Les Français ne comprennent déjà pas très bien ce que signifient ces deux mots séparément, personne ne risque de comprendre le mariage des deux ! Pour ma part, comme je l’ai toujours dit, je ne vois pas comment on ne peut pas être rigoureux lorsqu’il s’agit de gérer de l’argent public : la rigueur est la première des qualités nécessaires à une bonne gestion de l’argent public. Ce qui me fait peur aujourd’hui, c’est que je ne perçois pas cette rigueur, je ne vois pas d’assainissement des finances publiques. Nous faisons face à un ras-le-bol fiscal, que vous avez dénoncé vous-même, monsieur le ministre. On a demandé beaucoup d’efforts aux Français et, aujourd’hui, personne n’est capable de leur dire que la situation est assainie. À mes yeux, la condition d’une reprise durable de l’économie française est bien l’assainissement de nos finances publiques. C’est seulement une fois cet assainissement réalisé que nous pourrons repartir à nouveau sur un sentier de croissance durable. Voilà le changement que j’appelle de mes vœux et j’espère que nous en prendrons le chemin, mais, pour l’instant, je ne vois pas ce chemin. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI-UC ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements au banc des commissions.)