Les interventions en séance

Affaires sociales
12/11/2012

«Projet de loi, de financement de la sécurité sociale pour 2013 »

Mme Muguette Dini

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, M. Jean-Marie Vanlerenberghe a terminé son intervention en évoquant la question du financement de la protection sociale. Je débuterai la mienne par la même question. Notre groupe est en effet convaincu que le mode de financement de notre sécurité sociale est dépassé. Nous le martelons depuis des années. D’ailleurs, le premier état des lieux établi par le nouveau Haut Conseil du financement de la protection sociale nous donne raison. J’en ai retenu trois observations. À elles seules, les cotisations sociales effectives constituent 56 % des ressources totales de la protection sociale. En leur sein, les cotisations acquittées par les employeurs représentent 63 % de cette masse, celles qui sont supportées par les salariés sont de l’ordre de 29 %. Ces cotisations patronales et salariales sont toutes deux assises sur la rémunération brute du travail. La contribution sociale généralisée, qui s’est, pour une part importante, substituée à des cotisations sociales salariales, constitue le second poste de ressources, 13 % du total. C’est encore l’assiette des revenus d’activité qui contribue de manière prépondérante au rendement de la CSG ; en 2011, la CSG sur les revenus d’activité représentait 70 % du produit total de cette contribution, dont 60 % sur les seuls salaires. Nous dénonçons cette logique de financement qui n’est plus tenable. Elle pèse trop sur l’emploi et la compétitivité de nos entreprises. Financer la santé et la famille doit se faire par l’impôt et non plus par les revenus d’activité. Nous sommes opposés au volet recettes du PLFSS, qui augmente considérablement le poids des prélèvements sociaux sur les revenus d’activité. Tel est le sens de nos divers amendements. Je voudrais insister en particulier sur cinq dispositions que nous jugeons inacceptables. Nous sommes contre le déplafonnement des cotisations maladie des travailleurs indépendants non agricoles, qui touchera de plein fouet les petits commerçants et artisans. Nous préférons à cette mesure un relèvement de la taxe environnementale sur les émissions d’oxyde d’azote, l’écotaxe NOx. Nous sommes contre la hausse des cotisations des auto-entrepreneurs, plus exactement contre cette analyse grossière de leur activité. La dernière enquête lancée par l’INSEE auprès des créateurs d’entreprise est d’ailleurs fort intéressante, notamment parce qu’elle nous informe précisément sur le portrait type de l’auto-entrepreneur. L’objectif premier de celui-ci est d’assurer son propre emploi : 66 % de ces auto-entrepreneurs sont d’anciens chômeurs. Ils doivent absolument être soutenus, à la différence des salariés et retraités à la recherche d’une activité de complément et sur lesquels pourraient peser les dispositions de l’article 11. Nous sommes contre une nouvelle atteinte au dispositif des services à la personne, déjà mis à mal ces dernières années. Loin de coûter à l’État, il est à l’origine de recettes substantielles. Contrairement aux entreprises qui cumulent plusieurs dispositifs de soutien à l’emploi – allégements de cotisations, réduction et crédits d’impôts, contrats aidés –, les particuliers employeurs ne bénéficient que de la réduction d’impôt et d’un allégement de charges. Mais surtout, l’efficacité de ce dispositif n’est plus à prouver, particulièrement en termes de créations d’emplois, puisque plus de 700 000 emplois ont été créés depuis ces quinze dernières années. Ces emplois, tous non délocalisables, concernent des publics éloignés du marché du travail ou à faible niveau de qualification. Remettre de nouveau en cause ce soutien aux emplois à domicile entraînera, à coup sûr, une diminution du nombre d’heures déclarées, le développement du travail non déclaré et la destruction d’emplois. Nous sommes contre l’assujettissement au forfait social des petites indemnités de ruptures conventionnelles. Enfin, nous sommes contre l’élargissement de la taxe sur les salaires aux participations des employeurs, à la prévoyance et aux complémentaires santé. Notre critique sera moins vive sur le volet dépenses du PLFSS, sans doute parce que les dispositions qui y figurent ne sont pas de grande envergure. Nous saluons les efforts faits pour un meilleur accès de tous aux soins. Je pense à la gratuité de la contraception pour les jeunes filles mineures,…
M. Gilbert Barbier. Très bien !
Mme Muguette Dini. … à l’expérimentation du tiers payant pour les étudiants ou à la création d’indemnités journalières maladie pour les exploitants agricoles. Je m’arrêterai sur les propositions en faveur d’une meilleure répartition territoriale des médecins et d’une plus grande coordination des soins. La création du praticien territorial de médecine générale, l’assouplissement du contrat d’engagement de service public et la valorisation de la coordination des soins, notamment en niveau pluridisciplinaire, sont des propositions qui nous semblent intéressantes. Nous vous encourageons cependant à aller plus loin et plus vite. Depuis plusieurs années, notre groupe soutient qu’une meilleure répartition territoriale des professionnels de santé libéraux passe également par une adaptation de la formation des professions de santé et une évolution du mode d’exercice de ces derniers. Nous n’avons que trop tardé à les mettre en œuvre. Il est indispensable de faire mieux connaître la médecine générale et d’en vanter les attraits à tous les étudiants engagés dans le cursus des études médicales. Nous devons également répondre aux aspirations des jeunes médecins, mettre un terme à leur isolement, en faisant de l’exercice regroupé la norme et en favorisant les approches pluridisciplinaires. La question du choix du lieu d’installation et du maintien dans l’activité des professionnels de santé doit être replacée dans un contexte de développement local et d’aménagement du territoire. La problématique simplement sanitaire doit être dépassée. En effet, il est difficile pour un médecin de s’installer avec sa famille dans une zone où son conjoint aura peu de possibilités de trouver un emploi, où ses enfants manqueront d’infrastructures scolaires, où services publics et commerces disparaissent. La rénovation du cadre de la coopération entre professionnels de santé s’impose également. Il est en effet urgent non seulement de recentrer les médecins sur leur cœur de métier, mais également de libérer du « temps médical ». Cette hétérogénéité dans la répartition territoriale des professionnels de santé a pour première conséquence un accès inégal de nos concitoyens à l’offre de soins. Il faut aussi signaler une envolée importante des dépenses de soins de ville dans les zones surdotées. Pour l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, une offre de soins pléthorique générerait une demande de soins « injustifiée » des patients. Une maîtrise des flux des professionnels de santé dans ces zones à forte densité conduirait donc à une maîtrise des dépenses de santé. Nous déplorons que le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’ait rien d’offensif en matière d’économies. Le dernier rapport de la MECSS fait état de 28 % d’actes superflus, mais aucune mesure n’est envisagée pour remédier à ce dysfonctionnement. Mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe a pourtant rappelé que 12 milliards d’euros sur les 55 milliards d’euros pris en charge dans le cadre de la T2A pourraient ainsi être économisés. J’en viens à ma dernière remarque, qui porte sur l’hôpital public, ou plutôt sur le portrait qu’en a dressé Mme la ministre des affaires sociales. Elle a déclaré que la politique menée ces dernières années avait été néfaste pour l’hôpital public, à qui elle reproche une gestion d’entreprise. Une bonne gestion serait-elle absolument antinomique avec de bons soins ? Mes collègues et moi-même avons auditionné les représentants de l’hôpital public, et nous avons été surpris du décalage entre leur discours et celui de Mme la ministre. Ces derniers parlent d’une T2A salutaire pour l’hôpital public, sur lequel elle a eu un véritable effet booster, même s’ils font le constat des limites de ce dispositif. Nous nous étonnons donc de l’analyse de Mme la ministre. En résumé, nous ne pouvons nous satisfaire d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui tend à préconiser des prélèvements supplémentaires inacceptables sans proposer d’économie substantielle ou de réforme sérieuse et approfondie de l’offre de soins. Vous l’aurez compris, notre groupe votera donc contre le texte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)