Les interventions en séance

Logement et urbanisme
Vincent Capo-Canellas 12/09/2012

«Projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social-Explication de vote»

M. Vincent Capo-Canellas

     Le logement doit être une priorité nationale. Oui, nous souffrons d’un déficit structurel de logements. En conséquence, il faut continuer de construire pour satisfaire une demande croissante et essayer de détendre le marché. En particulier, avec plus de 1,7 million de demandes en souffrance, il faut produire du logement social.
Si nous partageons ce constat avec vous, madame la ministre, nous sommes très sceptiques quant aux options que vous semblez avoir choisies. Trois caractéristiques du projet de loi nous gênent. Premièrement, le texte ne vise pas à stimuler l’accession sociale à la propriété. C’est pourtant là une question clef. Le taux de ménages propriétaires de leur logement est anormalement bas dans notre pays comparé à ce qu’il est chez nos voisins européens. L’accession sociale à la propriété est l’aboutissement du parcours résidentiel, un gage de mixité sociale et un socle de sécurisation de la société. C’est pourquoi, à nos yeux, le passage à un taux minimal de 25 % de logements sociaux était acceptable, à condition que les logements destinés à l’accession sociale à la propriété soient inclus dans le champ du logement social défini par la loi SRU. Or ce ne sera pas le cas. Cela est d’ailleurs paradoxal : votre projet de loi donne l’impression que vous vous arrêtez au milieu du gué. En effet, l’accession sociale à la propriété est bien prise en compte dans les dispositions du titre Ier du texte, qui prévoient que l’État ou ses établissements pourront céder des terrains en vue de la réalisation de programmes comportant la construction de logements destinés à cet usage, mais le titre II, quant à lui, ne modifie pas la loi SRU en ce sens. Il s’agit là, selon nous, d’une curieuse et regrettable asymétrie. Il semble que, hier soir, vous ayez vous-même estimé que le sujet aurait mérité des engagements plus forts, mais vous avez renvoyé ce sujet à plus tard. Deuxièmement, le présent projet de loi ne prend pas assez en compte les réalités locales. Comme je l’ai déjà souligné hier, en Seine-Saint-Denis se développe un habitat très social de fait dans le parc privé, dans des logements insalubres ou des pavillons du début du xxe siècle, où s’entassent des familles fort nombreuses. Ce logement social de fait n’est aucunement pris en compte par la présente réforme. Or il nous paraît indispensable de moduler l’obligation imposée aux communes en fonction de ces réalités. L’un des meilleurs moyens de le faire aurait été d’apprécier le respect de l’obligation de réaliser au moins 25 % de logements sociaux non pas à l’échelon communal, mais à celui de la communauté de communes ou d’agglomération. C’est ainsi que nous aurions pu favoriser la mixité sociale, en donnant aux collectivités les outils leur permettant de mener les bonnes politiques aux bons endroits, pour construire du logement social là où il en manque tout en évitant d’aggraver les phénomènes de paupérisation de certaines communes. On ne développe pas une vision d’ensemble en instaurant un taux unique : c’est sans doute l’une des principales critiques que l’on peut adresser à ce projet de loi. De plus, faute d’une prise en compte du taux SRU à l’échelle du territoire, l’une des mesures essentielles du texte, à savoir la mobilisation du foncier de l’État et de ses établissements publics, ne profitera qu’à un nombre très limité de communes, et peut-être pas à celles qui en auraient le plus besoin, c’est-à-dire les petites communes très urbanisées, où le foncier disponible est rare. Troisièmement, l’esprit général du projet de loi est de contraindre et de sanctionner. Comme l’ont souligné Valérie Létard et Daniel Dubois, le bâton est bien visible, mais il n’y a pas de carotte. Vous n’accompagnez pas les collectivités, mais vous proposez une multiplication par cinq du prélèvement SRU, lequel paraît de surcroît confiscatoire, puisque son produit sera dorénavant prioritairement affecté à l’État. Cela, nous avons du mal à l’accepter. En conclusion, madame la ministre, si nous vous approuvons d’adresser un signal fort en faisant du logement social une priorité nationale, si nous réaffirmons notre adhésion aux principes généraux posés par la loi SRU, nous ne pouvons, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, soutenir sans réserve ce projet de loi. Par conséquent, une grande majorité du groupe UCR s’abstiendra.