Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
12/07/2010

«Projet de loi relatif à l’Action extérieure de l’Etat»

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, la discussion ce jour des conclusions de la commission mixte paritaire, qui s’est déroulée jeudi dernier à l’Assemblée nationale, est la dernière étape de l’examen du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État, qui, comme vous le savez, revêt une importance particulière.
Ce texte vise, en effet, à réformer les instruments de la diplomatie d’influence française, afin de renforcer la place de notre culture et de notre langue hors des frontières de notre pays, ainsi que l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur.
Depuis longtemps déjà le Sénat appelait de ses vœux une réforme de l’action culturelle extérieure. Sur l’initiative de notre collègue Louis Duvernois, il avait même adopté une proposition de loi portant sur ce sujet en 2007. Il faut donc vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour avoir engagé et porté cette réforme attendue de longue date.
Avant d’évoquer le texte élaboré par la commission mixte paritaire, je rappellerai brièvement les principales modifications apportées par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale.
Avant même le dépôt au Sénat du présent projet de loi, au début de l’année 2009, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, conjointement avec la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, avait mené un cycle d’auditions consacrées à la réforme de l’action culturelle.
À l’issue de ces auditions, un rapport d’information sur la diplomatie culturelle avait été présenté par Josselin de Rohan et Jacques Legendre, présidents respectifs de ces deux commissions, dont les membres avaient adopté à l’unanimité les dix recommandations contenues dans le document précité au mois de juin 2009. Lors de l’examen de ce projet de loi, je me suis largement fondé sur ces recommandations.
Je voudrais également souligner la très bonne collaboration que nous avons établie avec M. le rapporteur pour avis de la commission de la culture, notre collègue Louis Duvernois.
Je crois aussi pouvoir affirmer que, au-delà des clivages politiques, les travaux et les débats qui se sont déroulés dans les deux assemblées ont été marqués par l’attachement des parlementaires de tout bord au renforcement de notre diplomatie d’influence.
Le projet de loi initial présenté par le Gouvernement ne comportait que quatorze articles. Lors de la présentation de mon rapport, Louis Duvernois et moi-même avions proposé trente-deux amendements, qui ont tous été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Tel qu’il a été adopté par le Sénat, au mois de février dernier, le texte comprenait vingt articles.
Quelles principales modifications le Sénat a-t-il introduites ?
Tout d’abord, nous avons apporté des précisions aux dispositions relatives à la nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France.
Ainsi avons-nous instauré l’obligation de conclure un contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et chacun de ces opérateurs qui sera soumis, avant sa signature, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, pour qu’elles puissent émettre un avis. Afin de favoriser la représentation de la diversité politique, nous avons également porté de deux à quatre le nombre de parlementaires appelés à siéger au conseil d’administration de ces établissements.
Enfin, nous avons entièrement réécrit l’article relatif aux ressources de ces établissements et mentionné explicitement, et à la première place, les dotations de l’État.
Pour ce qui concerne l’agence culturelle, après un long débat, le Sénat a finalement choisi la dénomination « Institut français » plutôt que « Institut Victor Hugo ».
Nous avons posé le principe d’une tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes, tout en prévoyant d’associer étroitement le ministère de la culture et de la communication ainsi que les autres ministères, notamment au moyen d’un conseil d’orientation stratégique sur l’action culturelle extérieure.
Nous avons également souhaité préciser les missions de cette nouvelle agence, qui reprendrait celles qui sont exercées actuellement par Cultures France, en y ajoutant trois nouvelles attributions : l’enseignement à l’étranger de la langue française, la promotion des idées, des savoirs et de la culture scientifique, ainsi que la formation professionnelle des agents du réseau.
Enfin, nous avons voulu établir un lien étroit entre l’agence et le réseau culturel à l’étranger, en l’associant à la politique de recrutement, d’affectation et de gestion des carrières des agents du réseau culturel, en prévoyant une clause de rendez-vous portant sur le rattachement à terme du réseau à l’agence et prenant la forme de la remise d’un rapport au Parlement dans un délai de trois ans, et en posant le principe d’un recours à l’expérimentation.
Les dispositions relatives à la rénovation du cadre de l’expertise internationale ou à la création d’une allocation au conjoint n’ont fait l’objet que de précisions rédactionnelles. Enfin, s’agissant du remboursement des dépenses engagées par l’État à l’occasion d’opérations de secours réalisées à l’étranger, nous avons souhaité renforcer le caractère dissuasif du dispositif, en supprimant notamment la référence à un plafond fixé par décret ou à la mention des mises en garde. Je rappelle que cette disposition ne s’appliquera pas aux journalistes ou aux personnes employées par les organisations humanitaires. Le projet de loi est, sur ce point, parfaitement clair.
Sur l’initiative du rapporteur de sa commission des affaires étrangères, Hervé Gaymard, l’Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications au texte adopté par le Sénat. Ces dernières sont, selon moi, plus des améliorations allant dans le sens des souhaits de la Haute Assemblée qu’un véritable bouleversement.
Ainsi, nos collègues députés n’ont pas modifié de façon majeure les dispositions relatives à la nouvelle agence culturelle, conservant même sa dénomination « Institut français ». Ils sont simplement allés encore plus loin en matière d’expérimentation du rattachement du réseau culturel à la future agence, ce dont on peut se féliciter.
En réalité, les principaux changements apportés par l’Assemblée nationale ont surtout concerné l’agence chargée de l’accueil des étudiants étrangers et de l’expertise internationale.
Le fait de mêler au sein de la même agence les questions relatives tant à l’accueil des étudiants étrangers qu’à l’expertise internationale a été remis en cause par nos collègues députés, qui y ont vu, à juste titre, le mariage de la carpe et du lapin. Ils ont donc préféré séparer les deux missions en instaurant deux agences distinctes. Une première agence, dont la dénomination resterait « Campus France », dotée du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial et placée sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sera chargée de l’accueil des étudiants étrangers. Dans un délai d’un an, les activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, lui seront transférées, ce qui sera gage de rationalisation.
Une seconde agence, intitulée « France expertise internationale », – sa création résulte de l’adoption d’un amendement déposé par le Gouvernement – sera, quant à elle, chargée spécifiquement du renforcement de l’expertise française à l’étranger.
En définitive, on peut saluer la très grande convergence de vues entre les deux assemblées. Ce fait explique l’esprit très consensuel qui a présidé aux travaux de la commission mixte paritaire et le caractère essentiellement rédactionnel des modifications que cette dernière a apportées au texte adopté par l’Assemblée nationale.
Nous avons toutefois rétabli une disposition introduite par le Sénat et supprimée par les députés prévoyant un rapport annuel des établissements contribuant à l’action extérieure de la France devant l’Assemblée des Français de l’étranger.
En réalité, la seule véritable difficulté a porté sur l’autorité de l’ambassadeur et sur la place de l’Agence française de développement, l’AFD. Le Sénat avait souhaité affirmer l’autorité de l’ambassadeur sur l’ensemble des services extérieurs de l’État, y compris sur les bureaux de l’Agence française de développement. Nous estimons qu’il doit pouvoir jouer le rôle d’un chef de file, même en matière d’aide au développement, qui fait partie intégrante de notre politique étrangère.
Après avoir dans un premier temps supprimé toute référence à l’autorité de l’ambassadeur, l’Assemblée nationale, sur l’initiative de son rapporteur et avec l’accord du Gouvernement, l’a rétablie, tout en tenant compte, comme il se doit, des activités bancaires de l’AFD, puisque celles-ci relèvent aussi de dispositions et de responsabilités spécifiques. Considérant que cette rédaction offrait un bon point d’équilibre, la commission mixte paritaire n’est pas revenue sur ce sujet.
En définitive, le présent projet de loi me semble offrir les outils nécessaires pour le renforcement de notre diplomatie d’influence.
Monsieur le ministre, lors de l’examen des crédits de votre ministère cet automne, nous aurons certainement l’occasion de revenir sur les moyens financiers et humains qui seront consacrés à la mise en place de ces nouveaux opérateurs.
Dans l’attente de ce prochain rendez-vous, que nous appelons de nos vœux, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.)