Les interventions en séance

Affaires étrangères et coopération
Nathalie Goulet 12/07/2010

«Projet de loi relatif à l’Action extérieure de l’Etat»

Mme Nathalie Goulet

Qui aime la France travaille forcément à son rayonnement et, selon moi, personne ne peut aujourd’hui nier l’apport du texte « coproduit » qui nous est proposé. Je tiens en cet instant à saluer le travail des collaborateurs de terrain, des alliances françaises, de l’ensemble des personnels de nos ambassades, en particulier nos ambassadeurs qui sont bien entendu tout naturellement les chefs de file de l’action extérieure de l’État – comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ?
Toutefois, monsieur le ministre, comment ne pas rapprocher les ambitions affichées et la réalité du terrain ? Certes, et le président de Rohan ne manquera sans doute pas de le souligner, je ne suis pas toujours très assidue en commission, mais mon statut de « sénateur renouvelable » m’oblige à quelques contraintes locales.
Néanmoins, je lis avec une grande attention les comptes rendus des travaux de la commission. J’ai ainsi constaté que l’importance de faire appel à des recrutés locaux a été soulignée à maintes reprises. La raison en est assez simple. Souvent, les personnels des ambassades sont nommés pour un temps assez court : la première année, ils prennent la température du pays ; la deuxième, ils se constituent des réseaux et, la troisième, ils cherchent leur point de chute pour l’année n+4 ! Leurs préoccupations sont donc peu propices à l’efficacité que l’on attend d’eux.
Permettez-moi de prendre un exemple. Un nouveau conseiller de presse, issu de CampusFrance, vient d’être nommé aux Émirats arabes unis – que je connais un peu ! Cet homme, vraisemblablement très estimable, ne parle pas l’arabe – soit ! –, mais il ne parle pas non plus l’anglais, ce qui, pour un attaché de presse, est un peu délicat... Il est donc devenu, parce que notre ambassadeur, M. Alain Azouaou, est un homme remarquable et très créatif, secrétaire général de l’ambassade, ce qui est une nouveauté. Il est donc payé comme un expatrié sans pour autant remplir la tâche à laquelle il est destiné. Quant au précédent attaché culturel, il venait du musée des Arts Premiers, où il donnait quatre heures de cours par semaine. Lui non plus ne parlait pas les langues du pays.
Malgré les efforts colossaux que nous faisons, notamment grâce aux actions conduites par le Louvre ou la Sorbonne, jamais nos échanges culturels avec les Émirats arabes unis n’ont été aussi faibles en ce qui concerne le travail de notre ambassade.
Monsieur le ministre, je tenais à appeler votre attention sur ces faits. J’attends avec une grande impatience la nomination d’un attaché régional pour les pays du Golfe persique. Une uniformité est nécessaire. Il existe un très bon conseiller local, qui connaît parfaitement bien cette région. Un poste régional serait extrêmement important pour cette partie du monde. Monsieur le ministre, comme je l’indiquais dans une question orale que j’ai finalement retirée, dans cette période de disette budgétaire, il faut éviter ces erreurs de casting. Elles sont d’autant plus regrettables que l’on pourrait faire beaucoup mieux.
En écho aux propos du président de la commission des affaires étrangères, M. Josselin de Rohan, je citerai le Centre français de Tbilissi, intégralement payé par un mécène géorgien, le lycée français de Dubaï, financé pour partie par la banque de Sharjah, les activités de nos alliances françaises, qui sont soutenues par le mécénat, comme les réceptions du 14 juillet dans nos ambassades.
Monsieur le ministre, il faut mettre les actes en conformité avec notre politique. Je ne partage absolument pas le point de vue de Françoise Laborde en matière de contributions aux organisations internationales, car je conçois mal comment nous pourrions ne pas y participer. J’ai eu tort d’avoir raison trop tôt. L’année prochaine, l’Union de l’Europe occidentale, l’UEO, aura disparu, et j’en suis fort aise... (M. Yves Pozzo di Borgo s’exclame.) Parce que vous y siégez, mon cher collègue ! Les crédits qui y étaient consacrés pourront vraisemblablement être redéployés soit vers le Conseil de l’Europe, qui fait tout de même un peu de travail, soit vers l’action culturelle de l’État.
Lors de la discussion du texte qui est devenu la loi de modernisation de l’économie, la LME, nous avions souligné, dans la partie consacrée à l’attractivité de la France, l’improbable politique des visas, la difficile politique de réception des étudiants étrangers en France. Monsieur le ministre, les divers éléments que je viens d’évoquer forment un tout. Quoi qu’il en soit, quelle que soit la forme juridique que prendra l’Institut français que nous allons créer, soyez assuré de notre entier soutien : l’important, c’est ce qu’il y a dans la boîte ; le statut est une question franco-française.
Mes chers collègues, nous devons tous travailler au rayonnement de la France. Si ce texte se révèle imparfait, nous le compléterons. En tout état de cause, il témoigne d’une volonté politique et je regrette que tout le monde ne s’y soit pas associé. Je puis vous assurer, pour voyager de par le monde, que ce texte constituera une aide importante pour nos ambassadeurs, qui sont des acteurs majeurs de notre rayonnement culturel, notamment dans des pays comme le Yémen ou encore l’Iran, dans lesquels le français est enseigné dans des conditions qui ne sont pas toujours très faciles. Monsieur le ministre, en dépit des déboires que nous connaissons dans les pays du Golfe persique, l’ensemble de mon groupe votera avec enthousiasme le présent projet de loi. (MM. Jean-Pierre Fourcade, François Trucy et Christian Cointat applaudissent.)