Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Jacqueline Gourault 12/06/2013

«Proposition de loi de simplification du fonctionnement des collectivités territoriales-Rapporteure de la Commission»

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le sénateur Doligé, mes chers collègues, notre Haute Assemblée est de nouveau saisie de la proposition de loi « de simplification du fonctionnement des collectivités territoriales », puisque tel est son intitulé depuis l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale. Ce texte fait suite au rapport remis par M. Doligé au Président de la République sur le poids des normes dans l’activité quotidienne des collectivités territoriales. Je ne reviendrai pas sur le fond de ce qui nous réunit en cet instant, ce phénomène accablant d’inflation normative dont le Sénat se préoccupe depuis longtemps. Je me bornerai à rappeler, pour mémoire, les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a identifié, en 2011, sous la houlette de notre collègue Claude Belot, avec l’aide des commissions permanentes de notre assemblée, les secteurs les plus touchés par la production réglementaire. Plus récemment encore, comme  Mme la ministre l’a rappelé, ce sujet a été largement abordé lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés les 4 et 5 octobre dernier par le président du Sénat. C’est, d’ailleurs, la raison pour laquelle le président Jean-Pierre Bel a missionné la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour proposer un texte de simplification des normes. Rédigé avec Jean-Pierre Sueur, il a été adopté par le Sénat le 28 janvier 2013. L’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale au mois de juillet a été annoncée par Mme Marylise Lebranchu, en introduction du débat sur le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ce dont, bien sûr, nous nous félicitons tous. L’initiative de notre collègue Éric Doligé pour desserrer l’étau normatif des collectivités territoriales constitue sans aucun doute un premier pas important sur ce sujet. Ce vaste chantier exigera toutefois de nombreux autres efforts afin de répondre aux attentes des élus locaux et une volonté des pouvoirs publics sans faille. Le législateur que nous sommes devra bien évidemment y prendre toute sa part. Après avoir adopté une motion tendant au renvoi à la commission de ce texte, le 15 février 2012, afin de disposer d’un délai supplémentaire pour approfondir la réflexion engagée, le Sénat a adopté cette proposition de loi le 12 décembre dernier. Plusieurs modifications substantielles y avaient été apportées. Notre assemblée a écarté les mesures qui ne lui semblaient pas s’inscrire dans le processus d’allégement ou qui ne lui paraissaient pas juridiquement sécurisées. Ainsi, pour mémoire, le Sénat avait supprimé, au terme d’un long débat, le principe général de proportionnalité des normes, prévu à l’article 1er. Pour des raisons juridiques, nous savions qu’il n’était pas possible d’adopter ce principe, car il revient au pouvoir prescripteur de prévoir, le cas échéant, une modulation des règles qu’il fixe dans le respect du principe d’égalité. Nous avions également renforcé, par les articles 2 et 2 bis, les pouvoirs de la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, en y intégrant la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, la CERFRES. De surcroît, à l’article 18, notre assemblée a clarifié et précisé les dispositions relatives à la création et à la dissolution des centres communaux et intercommunaux d’action sociale – CCAS et CIAS –, en prévoyant un seuil de 1 500 habitants en deçà duquel la création serait facultative et obligatoire au-delà. C’était, d’ailleurs, une proposition initiale de M. Doligé. En matière d’urbanisme, le Sénat a supprimé les dispositions relatives aux secteurs de projets, aux lotissements et aux règles de création de stationnement, en raison des difficultés d’ordre pratique ou constitutionnel qu’elles soulevaient. L’Assemblée nationale, qui a adopté cette proposition de loi le 26 février dernier, a souscrit, pour une large part, aux modifications adoptées par le Sénat. Elle a cependant supprimé plusieurs articles, en prenant notamment le soin de prendre en compte la proposition de loi que Jean-Pierre Sueur et moi-même avons déposée sur le futur conseil national d’évaluation des normes ou dans l’attente du futur projet de loi Duflot sur le logement et l’urbanisme. Nous sommes d’accord avec ces premières suppressions, qui sont logiques. Les députés ont également supprimé les dispositions relatives aux CCAS et CIAS tout en reconnaissant les difficultés liées à l’inactivité de ces centres dans les plus petites communes. Vingt-deux articles sont encore en navette. Dix-huit articles ont été adoptés conformes par votre commission des lois ou leur suppression a été maintenue. En revanche, une divergence entre notre Haute Assemblée et l’Assemblée nationale demeure sur quatre articles. C’est le cas de l’article 5 relatif à la dématérialisation du recueil des actes administratifs des collectivités territoriales. Alors que le Sénat a cherché à alléger les contraintes des collectivités en la matière, tout en préservant la nécessaire accessibilité aux décisions locales, l’Assemblée nationale a préféré le maintien obligatoire d’un exemplaire papier intégral du recueil à disposition du public pour l’ensemble des actes. C’est aussi le cas de l’article 6 qui a trait à la dématérialisation de la publication ou de l’affichage des actes des collectivités. Dans le même esprit qu’à l’article 5, le Sénat a préféré compléter le recours à la voie électronique par des formalités d’affichage par extraits à la mairie afin de garantir l’accessibilité du public aux décisions locales. Pour sa part, l’Assemblée nationale a maintenu la publication ou l’affichage des actes administratifs sur un support papier en parallèle à la publication ou à l’affichage électronique, tout en permettant à l’exécutif de certifier le caractère exécutoire des actes. C’est encore le cas de l’article 9 qui concerne la transmission par le directeur départemental ou régional des finances publiques du compte de gestion au préfet. Le Sénat a considéré qu’il revenait aux exécutifs locaux de transmettre, de leur propre initiative, ce document au préfet en vue du contrôle de légalité. L’Assemblée nationale a adopté le principe selon lequel, à titre dérogatoire, au regard des modalités générales de transmission des actes à la préfecture par les collectivités territoriales, serait maintenue la transmission directe des services déconcentrés de la DGFIP vers les services préfectoraux du compte de gestion. C’est enfin le cas de l’article 18 relatif à l’assouplissement des dispositions relatives aux centres communaux d’action sociale, les CCAS. Le Sénat a privilégié le caractère facultatif de leur création pour les communes de moins de 1 500 habitants tout en précisant les conditions de création des centres intercommunaux d’action sociale, les CIAS, ainsi que les modalités des transferts de compétences entre communes, CCAS et CIAS. L’Assemblée nationale a supprimé ce dispositif, alors que les conséquences de la crise sociale nécessitent la mise en place de structures pertinentes et adaptées. Sur ces quatre articles, la commission des lois a rétabli, sur mon initiative, la rédaction issue des travaux de notre assemblée, tout en prenant en compte certains apports de l’Assemblée nationale. Elle a complété le dispositif de dématérialisation en adoptant deux amendements de notre collègue M. René Vandierendonck tendant, d’une part, à permettre l’envoi, sous forme électronique, de la convocation au conseil municipal et des pièces annexes l’accompagnant, et, d’autre part, à autoriser les délégations de signature entre l’exécutif local et les agents chargés des demandes d’instruction ou des dossiers de déclarations préalables. Enfin, deux amendements identiques de nos collègues Jean-Léonce Dupont et Éric Doligé ont été adoptés à l’article 19 afin de préciser que les conventions de mandat devraient déterminer les conditions dans lesquelles la conclusion des marchés pourrait être confiée au mandataire. Cette proposition de loi, de nouveau soumise à notre examen, renforcera la volonté du Parlement d’alléger les contraintes normatives qui pèsent sur nos collectivités territoriales, à l’heure où le Président de la République lui-même a appelé à un véritable « choc de simplification ». En conséquence, la commission des lois propose au Sénat d’adopter ce texte dans la version résultant de ses travaux. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. – Mme Hélène Lipietz et M. Michel Le Scouarnec applaudissent également.)