Les interventions en séance

Droit et réglementations
François Zocchetto 12/04/2013

«Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe-Explication de vote sur l՚ensemble»

M. François Zocchetto

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, dans la solitude de son palais élyséen, le Président de la République va pouvoir cocher une petite case, la case « Mariage homosexuel » que nous avons qualifié de « Mariage et adoption pour les couples homosexuels ». Certes, M. Hollande aura au moins une petite satisfaction à l’issue d’une année au pouvoir, mais ce sera la seule, puisqu’il ne cochera pas les autres cases – « J’inverserai la courbe du chômage » ; « Je ferai la guerre à la finance » ; « J’assurerai la sécurité des Français » –, qui risquent d’être oubliées pour longtemps. Quel est le prix, pour les Français, de cette satisfaction présidentielle ? C’est tout d’abord un texte bâclé. Plutôt que de réécrire le code civil à l’aune de l’évolution des couples et des familles, vous avez préféré bricoler un dispositif construit à une autre époque et qui formait un tout. Vous auriez dû admettre que le système de 1804 ne pouvait, en l’état, répondre à votre souhait, qui est aussi le nôtre, d’assurer aux couples homosexuels considération légitime et droits égaux auxquels ils peuvent légitimement prétendre. Nous quitterons donc cet hémicycle avec un texte juridiquement fragile qui, je l’espère, fera l’objet d’un examen attentif par le Conseil constitutionnel. Nous avons formulé des propositions pour vous permettre de sortir de l’impasse dans laquelle vous vous étiez mis en voulant ajouter ce mariage des couples de personnes homosexuelles à ce qui emportait, de par notre code civil, la filiation et l’adoption. Nous vous avons suggéré l’union civile pour tous, mais là aussi, comme vous l’avez décidé par exemple pour le statut du beau-parent, nous nous sommes heurtés à un mur : au-delà des apparences, il n’y a pas eu débat. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que vous refusiez de débattre dans l’enceinte du Parlement puisque vous n’acceptez même pas d’entendre la population, d’organiser un référendum sur des questions sémantiques ou de recevoir ceux qui représentent plusieurs millions de nos concitoyens. Au Sénat, pendant une semaine, nous avons bien compris que nous étions seuls pour parler. Où étaient nos collègues de la majorité dans ce débat ? (Là ! sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Souvent, ils étaient absents physiquement. (Non ! sur les mêmes travées.) Oui, ils étaient retenus en commission. (Présent ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Oui, ils étaient pris par d’autres tâches. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Ils étaient absents, comme en ont témoigné les scrutins publics successifs. Mais les sénateurs de la majorité étaient aussi absents par leurs prises de position, et le contraste est frappant avec nous, sénateurs de l’opposition, qui nous sommes exprimés spontanément selon nos divers moyens oratoires, toujours avec passion et conviction. En face de nous, nous n’avons rien entendu, sinon des invectives ou des interruptions qui n’avaient pas leur place dans le débat. Au-delà des apparences et de vos grandes qualités d’expression, madame la garde des sceaux, nous avons vraiment eu le sentiment – et je le dis avec le respect qui vous est dû – que vous avez contourné les opinions émises de notre côté. Tel est le contexte dans lequel ce texte va être adopté. Les conséquences directes seront les suivantes : cette semaine, dans de grands hôtels parisiens, des laboratoires proposeront leurs services à ceux qui souhaitent, leur disent-ils, s’offrir un enfant parfait. (Protestations sur les travées du groupe écologiste.) Ils rodent déjà sous nos fenêtres. Voilà concrètement à quoi aboutira ce texte, alors même qu’il n’est pas encore promulgué. Dans ces circonstances, nous sommes très amers. Soyez bien conscients, mesdames, messieurs les sénateurs qui siégez sur les travées de gauche de cet hémicycle, qu’une majorité de la population partage notre sentiment, car ce qui nous sépare, ce n’est pas l’union des couples de personnes homosexuelles, ce sont les questions de filiation et d’adoption. Madame la garde des sceaux, à l’issue de cette discussion, vous repartirez du Sénat avec un texte qui est exclusivement le vôtre, puisque ni la représentation nationale ni la population n’ont pu participer à son élaboration et se l’approprier. Il s’agit, je le répète, d’un texte fragile. Vous laissez une France profondément divisée ; elle n’en avait pas besoin… Vous laissez de futures familles désemparées et des enfants oubliés. Vous comprendrez que, dans ces circonstances, nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)