Les propositions de loi

Economie et finances
Jean-Léonce Dupont, Hervé Marseille 11/12/2013

«Proposition de loi tendant à créer des sociétés d’économie mixte contrat, présentée par M. Jean-Léonce Dupont et plusieurs de ses collègues »

M. Hervé Marseille

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant tout, je tiens à saluer le travail de notre collègue Jean-Léonce Dupont, qui a parfaitement présenté cette proposition de loi, dont le but est de permettre la création de sociétés d’économie mixte à opération unique.
L’objectif est clair : donner aux collectivités le plus grand nombre d’outils pour agir sur nos territoires. Aussi, la palette d’interventions doit être large et servir la proactivité de nos collectivités. Ce texte a été conçu en vue de combler un vide de notre édifice juridique. En effet, si de nombreux pays européens comme l’Allemagne, l’Espagne ou encore l’Italie possèdent un équivalent au régime juridique que nous vous proposons, la France n’en est pas moins en retard sur ce point. Pourtant, l’évolution législative récente semble presque abondante. La SEM locale, au capital nécessairement partagé entre des capitaux publics et des capitaux privés, a longtemps été la seule entité juridique de forme sociale à la disposition des collectivités territoriales et de leurs groupements. Le principe général de concurrence, tout particulièrement dans le domaine de la commande publique, a conduit à une démultiplication des entreprises publiques locales. Afin de nouer une relation plus directe avec les outils efficaces de développement local, le Parlement a créé la société publique locale d’aménagement, ou SPLA, par la loi du 13 juillet 2006. Mais la restriction de l’objet de la SPLA interdisait la mise en œuvre d’une relation dite in house, ou prestation intégrée, dans les autres secteurs d’activité traditionnels des SEM – aménagement, construction, gestion des services public, etc. C’est pourquoi la loi du 28 mai 2010, issue d’une proposition de loi adoptée à l’unanimité, a créé la société publique locale. L’évolution des structures témoigne du souhait unanimement exprimé par les élus de disposer d’outils efficaces. Au demeurant, l’adoption à l’unanimité du dispositif introduisant les SPL en est l’illustration. Le présent texte suit l’évolution que je viens d’évoquer. Il procède par ailleurs d’une réflexion de bon sens. Il s’agit d’allier les valeurs de la gestion directe à l’intérêt que représente, pour la collectivité, la maîtrise de son service public, tout en préservant les atouts de la gestion déléguée. L’objectif est ambitieux, compte tenu de ces trois éléments qu’il convient de coordonner. Il n’en est pas moins à notre portée, à travers le dispositif qui nous est présenté. L’enjeu est également d’atteindre le bon équilibre entre le contrôle de la prestation assurée et la nécessaire maîtrise des dépenses publiques. Je souligne qu’aucun frein européen ne s’oppose à la démarche engagée via le présent texte. En effet, la Commission européenne a déjà validé la création de ce type de société et la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, le 15 octobre 2009, dans son arrêt Acoset, que les dispositions du traité autorisent l’attribution directe de la gestion d’un service public à une SEM spécialement créée aux fins de fourniture de ce service et ayant un objet social unique. Aussi, pour permettre à nos collectivités d’atteindre les buts visés et garantir la bonne gestion de nos territoires, les SEM à opération unique reposeraient sur un contrat défini préalablement. Elles disposeraient d’un partenariat sécurisé et économiquement performant. En outre, leur action serait fondée sur une vision à long terme et sur des intérêts partagés. Ces principes différencient la SEM à opération unique du régime général des SEM, dès lors que serait créée une société dédiée, constituée entre la personne publique et l’opérateur choisi selon une procédure de mise en concurrence. De fait, cette mise en concurrence n’aurait plus lieu lors de la conclusion du contrat mais à la constitution de la société, au moment du choix de l’actionnaire privé et de la détermination des caractéristiques principales du futur contrat. Par ailleurs, la procédure d’attribution formalisée, organisée par la loi, conduira à désigner le partenaire privé qui sera associé au capital de l’entreprise, aux côtés de la personne publique à l’initiative du projet. D’ailleurs, le Conseil d’État a indiqué que le régime juridique des SEM ne pourrait pas convenir aux buts visés par les SEM à opération unique. Cette instance a donc précisé, dès la fin de l’année 2009, qu’une nouvelle société à participation publique devrait être instituée. Ainsi encadrée par les observations du Conseil d’État, de la Commission européenne et de la CJUE, cette proposition de loi ne se voit opposer aucune réserve juridique. Elle pourrait être un vecteur de modernisation de l’action publique locale et constituerait un nouveau type de société complétant avantageusement la palette des interventions qui s’offrent aux collectivités. Nul doute qu’une telle création serait directement au service des Français, étant donné qu’elle contribuerait à rendre l’action publique plus efficace et plus efficiente. Notre collègue Jean-Léonce Dupont l’a d’ailleurs relevé à plusieurs reprises, la SEM à opération unique est « le chaînon manquant de la gamme EPL, une forme particulièrement aboutie de délégation de service public dans laquelle chacun joue sa partition : les collectivités fixent le cap et maîtrisent le cours des opérations, et les opérateurs privés amènent leur expertise et leur capacité d’innovation. » Du point de vue des garanties, la SEM à opération unique tend, d’une part, à doubler le contrôle contractuel d’un contrôle opérationnel et, d’autre part, à garantir l’attribution de la présidence à un représentant de la collectivité tout en assurant à cette dernière une minorité de blocage. Aussi, le présent texte donne à l’institutionnel le leadership dans la gestion de la SEM à opération unique. Voilà de quoi rassurer notre collègue Jean-Vincent Placé qui a évoqué cette question il y a quelques instants ! Certains détracteurs de ce texte ont cherché à opposer la SEM à opération unique à la délégation de service public. Néanmoins, lorsque la question a été posée au délégué général de l’Union des transports publics et ferroviaires, ce dernier a précisé qu’il était toujours intéressant de disposer d’un outil supplémentaire de contractualisation. Je me félicite que le Gouvernement soit favorable à cette démarche. Je relève par ailleurs que ce texte a été adopté, en commission, à l’unanimité des votants. Je salue et remercie chacun d’entre eux. Je tiens à féliciter M. le rapporteur, Jacques Mézard, de son écoute et de la prise en compte des différentes observations qui lui ont été présentées par les divers acteurs de ce dossier. Je ne doute pas que ce texte trouvera également un écho favorable sur toutes les travées de l’Assemblée nationale, tant il est attendu par les élus locaux. Je relève notamment que notre collègue Hugues Fourage, député socialiste de la Vendée, a défendu ce dispositif en ces termes : « Les collectivités sont beaucoup plus dessaisies dans le cadre d’une délégation de service public. La SEM contrat n’est pas une invention de parlementaires, elle a été validée par le droit européen et le Conseil d’État. Elle est un bon moyen d’allier la souplesse du privé avec une gouvernance publique. Je n’y vois donc que des avantages. » Madame le ministre, ces mots sont ceux d’un membre de votre majorité, et nous nous en réjouissons ! J’ajoute que, si cette forme d’EPL voyait le jour, le groupe des EPL constituerait, pour nos collectivités, un ensemble d’outils leur permettant de mettre en œuvre une politique cohérente, durable et dotée d’une véritable unité de décision et d’action. Ainsi, la mutualisation des services communs de ces entreprises servirait à la coopération locale, dans une perspective de rationalisation de l’action publique. Je regrette que ce type de dispositif n’ait pas été pris en considération, notamment dans le cadre des réflexions portant sur le Grand Paris. Il s’agissait alors de moderniser et de rationaliser l’action publique. Voilà un moyen de combler cette lacune ! Pour l’ensemble de ces raisons, les membres du groupe UDI-UC soutiendront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)