Les interventions en séance

Budget
Daniel Dubois 11/12/2013

«Proposition de loi relative au financement du service public de l’assainissement par des fonds de concours, présentée par M. Daniel Dubois et plusieurs de ses collègues »

M. Daniel Dubois, auteur de la proposition de loi

Nous sommes, mes chers collègues, pour la plupart encore, des élus locaux.
Notre expérience de la gestion des collectivités territoriales, en particulier de la gestion des plus petites, des plus modestes, celles qui font vivre nos territoires ruraux, nous a parfois amenés à pester contre des législations trop rigides et donc inadaptées à nos structures rurales.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la proposition de loi que je soumets aujourd’hui à votre examen a pour objet de favoriser le développement des territoires, à plus forte raison des territoires ruraux, et de leur permettre d’accéder à des services que seuls ils ne pourraient pas mettre en place en leur accordant, lorsque c’est justifié, la souplesse nécessaire. Dans une perspective d’aménagement du territoire et de protection accrue de l’environnement, l’amélioration du service public de l’eau et de l’assainissement constitue une préoccupation majeure des pouvoirs publics, notamment des élus locaux. Un récent audit des prix de l’eau en France a démontré que ceux-ci oscillaient en fonction des territoires de 1,75 euro à 10 euros par mètre cube ! Sous l’impulsion des nouvelles réglementations relatives aux normes sanitaires et environnementales, les collectivités territoriales, dans le cadre de leurs compétences, prennent une part prépondérante dans l’effort consenti en matière de construction et de remplacement des réseaux d’assainissement. Ainsi, en 2008, les dépenses à la charge des communes et groupements de communes, en tant que gestionnaires des services collectifs d’assainissement, se sont élevées à près de 2,5 milliards d’euros. Or c’est en zone rurale que les communes sont les plus dépourvues de réseaux d’assainissement collectifs et que les collectivités territoriales sont confrontées à la nécessité de procéder à des aménagements, souvent coûteux au regard des capacités budgétaires limitées de ces collectivités. C’est parce que de nombreux établissements publics de coopération intercommunale se sont retrouvés confrontés à une telle situation et que les dispositions actuelles ne permettent pas d’y faire face de manière raisonnée et équitable pour toutes les communes membres que nous nous sommes saisis, avec plusieurs de mes collègues du groupe UDI-UC, de ce problème, et que nous avons déposé cette proposition de loi. Je sais les réticences que notre initiative a suscitées et dont M. le rapporteur de la commission des finances ne manquera pas de vous faire part. Cependant, mes chers collègues, j’aimerais attirer votre attention sur plusieurs points qui méritent votre réflexion. Tout d’abord, notre environnement institutionnel local évolue. Les commissions départementales ont récemment redessiné la carte de l’intercommunalité. Sous l’impulsion des services de l’État, on a encouragé les EPCI à prendre de nouvelles compétences. Je pense, notamment, dans le département de la Somme, à l’assainissement collectif. Dans l’acte III de la décentralisation, dont nous aurons prochainement à débattre dans cet hémicycle, on proposera que les communautés de communes détiennent cinq compétences obligatoires pour bénéficier de la dotation globale de fonctionnement bonifiée, l’assainissement faisant partie de la liste. Face à ces évolutions et aux enjeux financiers nés de ces nouveaux transferts, les EPCI auront-ils les moyens d’assumer ? Je vous pose la question, mes chers collègues, alors que les financements de l’État accordés aux collectivités s’amoindriront de plus en plus dans les années à venir – environ 4,5 milliards d’euros de moins, dont 1,5 milliard d’euros l’année prochaine parmi lesquels 800 millions concernent les communes et les EPCI – et alors que l’acte III de la décentralisation mettra un frein aux financements croisés pourtant nécessaires aux investissements lourds que représentent les stations d’épuration et les réseaux. Ajoutez à cela la récente ponction dans la trésorerie des agences de l’eau prévue par le projet de loi de finances pour 2014, qui décrédibilise le financement par la redevance et qui met à mal le principe, jusqu’ici intangible, selon lequel « l’eau paie l’eau », et vous aurez une idée des réelles difficultés que rencontrent ou rencontreront les collectivités locales ou les EPCI pour prendre en compte et financer la compétence assainissement !
Dans un tel contexte, le versement de fonds de concours par les communes membres concernées peut apparaître comme une des réponses adaptées au problème, même si elle n’est pas suffisante. J’ai été naturellement extrêmement attentif aux débats qui ont animé la commission des finances lors de l’examen du texte. Je pense que M. le rapporteur de la commission des finances va, dans quelques instants, opposer à l’adoption de ce texte deux principes – l’exclusivité dans le cadre d’un transfert de compétence et l’autonomie financière des services publics industriels et commerciaux – pour justifier sa position. Aux arguments qui seront développés sur l’exclusivité et sur l’autonomie financière des SPIC, je souhaite d’ores et déjà répondre. L’exclusivité, premier principe, signifie qu’une compétence, une fois transférée, ne peut plus être financée directement par une commune membre d’un EPCI. J’entends cet argument, monsieur le rapporteur, mais, dans ce cas, pourquoi avoir prévu le principe du fonds de concours ? Le fonds de concours est une entorse au principe d’exclusivité. L’exclusivité, normalement, ne souffre pas d’exception, c’est sa nature même ! Arguer de cette spécificité, c’est nier que le législateur ait pu avoir à un moment donné la volonté de prendre en compte les réalités territoriales – je dis bien les réalités territoriales ! – et le nécessaire développement de nos collectivités. Le fonds de concours sur investissement, par son existence, déroge au principe même d’exclusivité et justifie que nous nous posions aujourd’hui cette question : un réseau d’assainissement collectif est-il, oui ou non, un investissement et peut-il prétendre pour son financement à un fonds de concours ?
En ce qui concerne maintenant le second principe, l’autonomie financière des services publics industriels et commerciaux, je rappelle qu’un SPIC est financé par la redevance payée par les usagers. Là encore, nul ne saurait y déroger. En ce cas, mes chers collègues, pourquoi avoir prévu deux exceptions dans l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales ?
La première exception concerne les communes de moins de 3 000 habitants qui peuvent, elles, contribuer au budget d’un SPIC. Que signifie ce seuil de 3 000 habitants ? Comment a-t-il été arrêté ? Rien, ni dans nos textes ni dans notre histoire, ne le justifie et ne prouve de quelque façon que ce soit sa pertinence. La seconde exception concerne l’autorisation donnée au financement des travaux, mais limitée aux cinq premières années d’exercice. Bien sûr, M. le rapporteur vous dira que ces exceptions sont suffisantes et qu’il convient, là encore, de ne pas aller au-delà. Soit ! Mais, dans ce cas, prenons l’exemple du département de la Somme, monsieur le ministre. Avec un total de 782 communes, la Somme est le troisième département français pour le nombre de communes. Sachez, mes chers collègues, que 97,5 % d’entre elles ont moins de 3 000 habitants. Pourtant, 60 % des trente EPCI qui couvrent l’ensemble du département sont bloqués par ce seuil de 3 000 habitants. Est-ce là le résultat souhaité par le législateur ? Je ne le crois pas. Pourquoi, alors que 97,5 % des communes de la Somme comptent moins de 3 000 habitants, ces communes une fois intégrées à un EPCI ayant la compétence « assainissement » se trouvent-elles bloquées par ce seuil ? C’est une difficulté opérationnelle sur ces territoires ! La réponse à cette question est simple : parce que, par analogie, encore une fois sans aucun fondement, la règle des 3 000 habitants par commune a été transposée sur l’ensemble de l’EPCI. Cette transposition aveugle et systématique – je ne suis pas le seul à le penser – fait de la communauté de communes dans la loi de 2004 un échelon totalement transparent. C’est un peu comme si l’EPCI n’existait pas ! N’en déplaise à ceux qui voient aujourd’hui l’EPCI comme un échelon territorial, l’intercommunalité doit rester un outil au service des communes, un outil de mutualisation qui leur permette de faire mieux, de faire plus au service des habitants. Elle ne doit pas être un carcan déconnecté de la réalité des territoires ruraux. C’est pourquoi, mes chers collègues, il est aujourd’hui nécessaire de neutraliser ce plafond de 3 000 habitants pour autoriser les fonds de concours des communes vers la communauté de communes afin de faciliter le financement des travaux d’assainissement. Sensible aux débats qui ont animé la commission des finances, j’ai souhaité, avec mes collègues du groupe UDI-UC, déposer un amendement : cette proposition de loi ne compte qu’un article et seul un amendement a été déposé, il devrait donc être assez simple d’en discuter !  L’amendement vise à préciser que l’objet de la proposition de loi se limite bien évidemment - nous avions eu l’occasion d’en discuter avec M. le rapporteur -, aux travaux d’investissement dans les réseaux d’assainissement et dans la station. Elle ne concerne en aucun cas le budget de fonctionnement du SPIC. Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement prenne conscience des difficultés que rencontrent et surtout que rencontreront certaines collectivités pour financer des investissements de ce type. J’espère vivement que nous tous ici, qui sommes encore pour la plupart des élus locaux, faciliterons, par l’adoption de ce texte, l’aménagement des territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)