Les interventions en séance

Droit et réglementations
Hervé Maurey 11/09/2012

«Rappel au règlement-Projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social»

M. Hervé Maurey

Monsieur le président, par ce rappel au règlement, je veux exprimer le mécontentement de notre groupe quant à la façon dont a été ouverte la session extraordinaire et quant aux mauvaises conditions de travail des parlementaires. Nous allons en effet examiner aujourd’hui le projet de loi n° 750 relatif au logement qui a été présenté lors du conseil des ministres de mercredi dernier, c’est-à-dire il y a à peine six jours ! Mes chers collègues, vous conviendrez que nous sommes loin des six semaines prévues par la Constitution. D’ailleurs, c’est la première fois depuis la réforme constitutionnelle que nous allons examiner un texte qui est celui non pas de la commission, mais du Gouvernement. La commission des affaires économiques, saisie au fond, et la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis, se sont l’une et l’autre réunies ce matin pour nommer leurs rapporteurs respectifs et examiner dans le même temps leurs rapports qui, je viens de l’apprendre, sont en ligne depuis quelques minutes. Qui peut penser que l’on fait du travail sérieux dans ces conditions ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Aussi grandes soient leurs qualités, il y a tout lieu de penser que nos rapporteurs n’ont pas exercé dans les meilleures conditions leur mission puisqu’ils n’ont disposé que d’à peine quelques jours pour effectuer leur travail. Alors que le règlement du Sénat prévoit un délai de quinze jours entre l’examen en commission et l’examen en séance publique, ce délai a finalement été ramené à quelques heures seulement. Il en va de même pour la conférence des présidents, qui a dû examiner en quelques heures, et non pas dans le délai de dix jours dont elle dispose, l’étude d’impact jointe à ce projet de loi. Mes chers collègues, comment travailler correctement dans ces conditions ? Comment exercer notre droit d’amendement ? Madame la ministre, peut-être nous direz-vous que vous n’avez disposé de guère plus de temps pour travailler correctement. Vous avez ainsi dû retirer très rapidement la liste des sites concernés qui avait été publiée tant elle comportait d’erreurs, la plupart des sites visés étant soit déjà vendus, soit totalement inexploitables. Les propos du Premier ministre, ici même en juillet, évoquant la nécessité « de laisser du temps aux délibérations du Sénat », semblent bien loin. Et que penser de ceux du Président de la République qui, dans un entretien publié récemment dans le journal Le Monde, déclarait : « Il faut réhabituer les Français à ce que le Parlement soit considéré » ? Vous avouerez, mes chers collègues, que c’est une drôle de manière de considérer le Parlement que de le traiter ainsi ! C’est d’autant plus choquant que ce n’est pas la première fois que vous agissez ainsi puisque, déjà en juillet, vous avez refusé que la déclaration de politique générale du Premier ministre soit suivie d’un vote, tout comme vous avez également refusé d’inscrire une séance supplémentaire de questions d’actualité au Gouvernement, ce pourquoi vous avez été sanctionnés par le Conseil constitutionnel. Je ne sais pas si c’est ce que François Hollande appelait, dans ses soixante engagements, « la volonté de renforcer le rôle du Parlement », mais il y a tout lieu d’être inquiet. Alors, vous allez nous dire qu’il y a urgence ; mais si tel était le cas, madame la ministre, pourquoi n’avons-nous pas examiné ce texte au mois de juillet lors d’une session « extraordinaire » qui ne l’était qu’en raison du peu de textes que vous nous avez présentés ? (Eh oui ! sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Certes, vous n’avez pas hésité à détricoter des mesures importantes proposées et mises en place par l’ancienne majorité comme la TVA « anti-délocalisation » ou l’exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires, que beaucoup regrettent en ce mois de septembre. Pourquoi, si cela était si urgent, avoir annoncé que nous allions reprendre nos travaux le 25 septembre pour finalement, le 5 septembre, convoquer le Parlement en session extraordinaire six jours plus tard, ce qui est aussi du jamais vu ? En réalité, madame la ministre, mes chers collègues, vous perdez pied. Jamais en cent jours un président de la République et un gouvernement n’avaient atteint un tel taux d’impopularité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Alors vous vous prenez quelque peu les pieds dans le tapis, et vous voulez bousculer le calendrier. C’est votre affaire. Mais ce qui est grave, c’est qu’en agissant ainsi vous bousculez le Parlement. Nos collègues de la majorité qui, si souvent, ont pu regretter les procédures accélérées ou les conditions de travail de notre assemblée devraient aujourd’hui se joindre à nous, car la défense des droits du Parlement doit s’exercer non pas uniquement quand on est dans l’opposition, mais aussi et surtout quand on est dans la majorité. (M. David Assouline s’exclame.) L’énervement de M. Assouline prouve que j’ai raison. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)