Les interventions en séance

Logement et urbanisme
Daniel Dubois 11/09/2012

«Projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social »

M. Daniel Dubois

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, les conditions d’examen du présent projet de loi consacré au logement sont inadmissibles. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Certes, cela a déjà été dit, mais il faut le répéter encore. Toutefois, je ne m’appesantirai pas sur ce point dans la mesure où nous vous proposerons d’adopter une motion tendant au renvoi à la commission, afin que ce texte puisse être examiné dans des conditions décentes. Oui, madame la ministre, il est vrai que notre pays souffre d’un déficit structurel de logements. Face à ce constat, nous partageons l’objectif chiffré de construction de logements que vous avez fixé. Toutefois, cela ne vous étonnera pas, nous divergeons complètement sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir. Vous proposez de vendre avec décote – celle-ci peut aller parfois jusqu’à 100 % ! – des terrains appartenant à l’État et à ses établissements publics. Sont ainsi concernés 930 terrains environ – il y a encore a priori des discussions sur ce point –, qui couvrent près de 2 000 hectares, pour un potentiel maximal de 110 000 logements sociaux construits d’ici à 2016, ce qui correspond à un sixième des logements sociaux que vous envisagez de construire. Pour ma part, je pense que ce chiffre est optimiste dans la mesure où il sera extrêmement difficile de dégager tous ces terrains tant Bercy, Réseau Ferré de France, Voies navigables de France et les autres ont des besoins financiers importants et attendent un produit de ces ventes. Et c’est sans compter sur la complexité administrative du montage de certains dossiers d’aménagement nécessaire pour l’utilisation de ces terrains. Madame la ministre, pour gagner la bataille du logement que vous avez évoquée dans votre intervention liminaire, il faut, au-delà du foncier, agir sur tous les leviers de la construction, c’est-à-dire agir, il est vrai, sur l’offre de logements locatifs dans le parc HLM, mais aussi sur l’offre locative privée, ainsi que sur l’accession à la propriété, dont l’accession sociale. Au-delà de cette action, il faut mobiliser tous les acteurs de la construction, comme vous l’avez souligné. Toutefois, nous estimons que vous n’en prenez malheureusement pas du tout le chemin. Sans vouloir jouer les Cassandre, permettez-moi de douter, madame la ministre, du fait que vous allez atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés tant les messages que vous envoyez sont contradictoires et les décisions limitées. Madame la ministre, vous voulez construire plus,mais le foncier manque, en particulier dans les zones tendues. L’une de vos premières décisions est de supprimer le texte visant à majorer les droits à construire de 30 %. Or, quelque temps après, – je l’ai lu dans la presse – vous signalez qu’il faudra densifier pour construire plus de logements. Comprenne qui pourra ! Voilà qui témoigne d’un manque de cohérence. Vous voulez construire plus, mais, pour attirer les investisseurs privés, vous bloquez les loyers, après avoir augmenté la fiscalité sur le patrimoine ! Mes chers collègues, si vous voulez que des investisseurs privés interviennent dans le domaine du logement, il faut équilibrer la relation entre le bailleur et le preneur (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.), entre le locataire et le propriétaire. Lisez les rapports de l’OCDE qui viennent d’être publiés ! Ils sont explicites ! Il s’agit d’une démarche globale cohérente pour agir sur le logement. Vous vous engagez à construire 500 000 logements, mais ce n’est pas en menant une action permettant d’en construire un sixième, soit 110 000, sur six ans, que vous réglerez les problèmes. Vous voulez construire plus, mais vous ignorez l’accession sociale à la propriété. Pourtant, le professeur Mouillard, spécialiste de ces questions, a précisé dans un article récent qu’il fallait construire annuellement au minimum 300 000 logements en accession à la propriété pour atteindre le fameux objectif de 500 000 logements. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Enfin, cerise sur le gâteau, pour construire plus de logements locatifs sociaux, vous imposez aux communes des quotas, qui passeront de 20 % à 25 % d’ici à 2025. La seule proposition que vous faites aux communes pour les inviter à construire plus, c’est la sanction. Le bâton plutôt que la carotte ! Et cela tourne à un véritable hold-up, car ce texte modifie également l’affectation du prélèvement et de sa majoration, que vous renvoyez au niveau national (MM. Hervé Maurey et Yves Pozzo di Borgo ainsi que Mme Catherine Procaccia applaudissent.), alors qu’il était initialement prévu que celle-ci reviendrait aux territoires. Autrement dit, votre texte vise à organiser la récupération par l’État du prélèvement annuel. Madame la ministre, que l’État fixe des objectifs, c’est normal, il est dans son rôle ! Mais quand il fait porter la charge sur les seules collectivités, ou quasiment, il détourne les ressources de celles-ci et compromet leur santé financière. En fait, avec vous, madame la ministre, l’État commande et les communes payent. Mais, on le sait bien, l’argent sort toujours de la même poche, celle du contribuable ! L’augmentation des impôts locaux sera donc inévitable. Ne l’oublions pas, qui contribue à la construction d’un logement locatif social ? Pour un PLUS, M. le rapporteur l’a souligné précédemment, l’État contribue à hauteur de 600 euros. D’après vous, mes chers collègues, combien les collectivités locales apportent-elles ? Vous le savez bien, car nombre d’entre nous ont un mandat de maire. Les collectivités locales font un apport compris entre 10 000 et 30 000 euros pour réaliser un logement locatif sur leur territoire ! Et je pense que c’est plus encore pour les maires bâtisseurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)… Monsieur le président, je ne cesse d’être interrompu et je ne peux donc pas m’exprimer, ce qui me surprend ! Madame la ministre, votre réforme se résume en un nouvel accroissement de la pression fiscale, qui ne veut pas dire son nom. Celle-ci sera pourtant inévitable, indirecte, en un mot, hypocrite. Pour notre part, nous pensons que nous pouvons faire autrement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous êtes surpris, mes chers collègues, que nous ne soyons pas d’accord avec vous et que nous ayons des propositions différentes ? Eh bien oui, pourtant, nous en avons ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.) Nous avons des propositions différentes ! Vous proposez 25 % de constructions sociales, pourquoi pas ! Mais, dans ce cas, préservons la nécessité du parcours résidentiel en y intégrant l’accession sociale. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) Des pénalités, pourquoi pas ! Mais, dans ce cas, qu’elles restent attachées aux territoires, en étant fléchées pour financer le logement locatif sur ces territoires. (Même mouvement.) Enfin, il faudra, j’en suis persuadé, revenir sur la majoration des droits à construire dans les zones tendues, rétablir un équilibre dans la relation locataire-propriétaire, réformer – sur ce point, je suis d’accord avec vous, madame la ministre – la fiscalité des plus-values foncières, lutter contre les recours abusifs – une question que ce texte n’aborde pas –, réexaminer toute la panoplie des normes toujours coûteuses, parfois contradictoires, et, enfin, soutenir et non pas pénaliser les maires bâtisseurs. En effet, ces maires sont aussi obligés d’assurer des services publics en construisant des écoles par exemple. Or la seule proposition qui leur est faite aujourd’hui, c’est le bâton ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.) Voilà ce que vous proposez avec ce texte ! Quoi qu’il en soit, le groupe UCR présentera un certain nombre d’amendements, avec le souci d’améliorer ce projet de loi. Toutefois, vous l’avez compris, il est plus que réservé sur votre façon de procéder. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)