Les interventions en séance

Emploi
Vincent Capo-Canellas 10/10/2013

«Proposition de résolution tendant à la maîtrise publique du système ferroviaire national»

M. Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser mon retard. Il se trouve que le RER B était bloqué. Les motos taxis sont un secours intéressant dans ce cas ! (Sourires.) J’évoquerai d’abord la méthode et le calendrier. Nous avons déjà examiné hier en commission du développement durable une proposition de résolution sur le quatrième paquet ferroviaire. Nous revenons aujourd’hui sur ce sujet en séance.   Monsieur le ministre, vous avez annoncé aux cheminots, il y a près d’un an déjà, la réforme du système ferroviaire. Peut-être était-ce un peu imprudent au regard du calendrier ! Par ailleurs, nous attendons de Bruxelles le quatrième paquet ferroviaire. Si vous me permettez une taquinerie, votre projet de loi prend l’allure d’un fantôme ! En effet, le calendrier est mouvant, et je comprends l’impatience des cheminots, qui, après plusieurs annonces, se trouvent confrontés à des échéances sans cesse repoussées. Il était sans doute habile de découpler la réforme des retraites et cette délicate affaire de la réforme du rail, mais attention à ne pas trop décaler l’obstacle !   La proposition de résolution de nos collègues du groupe CRC témoigne d’ailleurs de l’impatience du monde cheminot. Encore faut-il saluer la modération des auteurs de ce texte. Je relève en effet avec une certaine malice que, dans l’exposé des motifs, le mot « grève » n’arrive qu’au cinquième paragraphe, tandis que la notion d’organisation syndicale majoritaire apparaît au dix-neuvième paragraphe. Toutefois, l’essentiel est dit au onzième paragraphe, avec le terme de « moratoire », dirigé à l’encontre de Bruxelles et non de vous-même, monsieur le ministre ! Au demeurant, si mes collègues du groupe CRC ont fait preuve d’une certaine modération lors de la rédaction de l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, il n’en va pas de même concernant le texte déposé par notre collègue M. Roland Ries. Comme je l’ai dit hier à notre excellent collègue, le système de mise en concurrence qu’il prône est cousu de fil blanc, puisque la SNCF pourrait candidater à tous les lots ! Sans compter que le projet de loi que je viens de qualifier de « fantôme » est bel et bien annoncé dans sa proposition de résolution. Ainsi, puisque notre collègue est capable de nous décrire le contour de ce texte au cordeau, pourquoi ne pas nous le dévoiler dans quelques secondes ? Donnez-nous-en une version qui nous permette de travailler ! On gagnerait du temps et on lèverait sans doute utilement un certain nombre d’ambiguïtés. (Sourires.)   Pour introduire ce sujet, j’insisterai sur notre attitude, dont les mots d’ordre doivent être lucidité et adaptation. Gardons-nous bien d’adopter une attitude défensive vis-à-vis de l’Union européenne. Je ne voudrais pas que nous donnions toujours le sentiment de ne vouloir appliquer les normes européennes que contraints et forcés. Afficher quasi systématiquement notre désaccord avec les objectifs n’est pas la bonne méthode ; il vaudrait mieux discuter clairement des modalités.   Je comprends l’inquiétude du monde cheminot. Bien évidemment, le dialogue social est la clef, mais s’adapter est plus que nécessaire. Quand Bruxelles nous alerte pour nous signifier que nous risquons de ne pas être prêts pour l’ouverture du système ferroviaire à la concurrence, nous nous disons qu’il faut véritablement passer à la vitesse supérieure, que la SNCF doit s’adapter pour être enfin prête à cette évolution. La repousser toujours dans les esprits, ce n’est pas rendre service aux cheminots, bien au contraire.   L’ouverture de notre système ferroviaire à la concurrence doit être préparée. En achevant un espace ferroviaire unique en Europe, ce quatrième paquet a bien évidemment comme objectif majeur de construire l’Europe du rail, de faciliter les déplacements sur tout le continent et de développer l’offre de transport ferroviaire.   Cet ensemble de directives et de règlements contient en effet de nombreuses dispositions qui répondent à ces objectifs. Concentrons-nous sur ce point. Avancer vers l’interopérabilité des systèmes ferroviaires sous le contrôle d’un régulateur indépendant est un élément essentiel du marché ferroviaire unique européen.   Pour la raison que vous savez, je n’ai pu entendre que la conclusion du propos de Francis Grignon. Je partage l’essentiel de son point de vue sur cette nécessaire adaptation. En particulier, sujet délicat, faut-il, ou non, permettre de procéder à l’avenir à des embauches hors statut ? Sans doute cette question est-elle quelque peu provocatrice, mais elle doit être posée : les coûts pourront-ils continuer à être de 30 % supérieurs à ceux du marché ? Le cas échéant, nous risquerions d’être hors jeu, ce qui ne serait pas rendre service aux cheminots : si nous restions en dehors des prix du marché, c’est l’emploi qui s’en trouverait pénalisé.   Nous devons faire face à de nombreux problèmes, en particulier celui de l’endettement, particulièrement préoccupant, qui n’a pas été résolu. L’ouverture du trafic de voyageurs à la concurrence nous obligera à les régler rapidement si nous voulons être au niveau des autres opérateurs européens. De même, l’amélioration de la performance globale du réseau et de la productivité des acteurs du ferroviaire est indispensable ; nous ne pourrons pas la repousser indéfiniment.   L’ouverture à la concurrence est sans doute inéluctable ; mieux vaut s’y préparer lucidement, avec le monde cheminot. Le vrai courage, aujourd’hui, c’est inviter à ces adaptations et non les contourner. Elles sont certes douloureuses, mais c’est l’avenir du système ferroviaire qui est en cause. Il ne faut pas toujours s’y opposer ; au contraire, il importe d’en négocier les modalités d’application. Monsieur le ministre, cela doit être votre maître mot à Bruxelles. Je ne voudrais pas que vous vous retrouviez dans cette situation bizarre qui verrait le quatrième paquet éventuellement contredire le futur projet de loi que vous allez nous soumettre. Après avoir attendu si longtemps, ce serait dommage… Il est nécessaire que soient entreprises les réformes permettant une amélioration de la performance de l’opérateur historique, une optimisation de l’offre de transport ferroviaire et une efficacité accrue de l’organisation du travail. C’est ce sur quoi il faut maintenant se concentrer. La réforme, centrée sur la gouvernance, aborde peu ces questions. Il faudra y revenir. Monsieur le ministre, s’agissant de cette réforme de la gouvernance, vous savez le scepticisme que m’inspire un système à trois acteurs. Je crains que l’un des trois ne soit une coquille vide et que, finalement, au lieu d’avoir deux entreprises ayant tendance à se tirer quelque peu le maillot, on en ait trois qui se disputent. J’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point, parce que les cheminots n’attendent pas de nous que nous élaborions un système complexe, illisible et inefficace, pour eux comme pour nous.   Les enjeux sont forts : la ponctualité, le confort, le service et le prix acquitté par les voyageurs. Monsieur le ministre, je vous remercie des éclairages que vous pourrez nous apporter. Nous attendons beaucoup de vos réponses.