Les interventions en séance

Aménagement du territoire
Vincent Delahaye 10/10/2013

«Proposition de loi relative au traité équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement»

M. Vincent Delahaye

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l’intention de nos collègues du groupe CRC est louable et généreuse, l’enfer est pavé de bonnes intentions… Il nous faut donc aller au-delà de nos premières impressions. Ensemble, nous devons réfléchir à élaborer des mesures qui soient justes et responsables.   Cette proposition de loi est-elle juste ? Mes chers collègues, vous proposez d’augmenter la dotation de base de la DGF pour les petites communes, c’est-à-dire les communes qui peuvent aller, selon vous, jusqu’à 20 000 habitants. Ce seuil pose question. « Petites » signifie-t-il pauvres ? En français non, dans la réalité communale non plus, on le sait bien. La diversité des situations rencontrées dans le monde rural, comme entre les petites communes elles-mêmes, interdit de décider ainsi, à l’aveugle, d’augmenter de façon générale l’ensemble des dotations de base de toutes ces communes. Il ne me semble donc pas que votre proposition de loi puisse être qualifiée de juste. Si elle vise à considérer les charges de ruralité, qui sont déjà en partie prises en compte dans la dotation de superficie, elle rejette l’argument des charges de centralité, qui ne sont tout de même pas négligeables, ainsi que l’a rappelé Mme la ministre.   À mon sens, contrairement à ce que vient de dire M. Guené, il ne serait pas juste de voter votre proposition de loi. Cette proposition de loi est-elle responsable ? On nous parle de pacte de confiance et de responsabilité, mais les collectivités n’ont jamais été autant malmenées qu’aujourd’hui. La diminution de leurs recettes de 1,5 milliard d’euros représente un effort considérable, beaucoup plus important que celui que l’État s’impose à lui-même pour réduire ses dépenses.   De plus, les charges ne cessent de croître : la réforme des rythmes scolaires va créer une nouvelle dépense très onéreuse, la TVA va augmenter au 1er janvier et les frais de personnel, même si le point d’indice a été gelé, s’accroissent sous l’effet du GVT et de la GIPA, dont on ne parle jamais mais qui garantit le maintien du pouvoir d’achat de tous les fonctionnaires de nos collectivités. À cela, s’ajoutent des cotisations retraite en hausse ou encore des frais de formation.   Dans ces conditions, je comprends que votre proposition de loi ne prévoie pas d’imputer aux autres collectivités l’augmentation de la dotation de base des petites communes, que vous appelez de vos vœux, et que vous préfériez demander un effort supplémentaire aux entreprises. À cet égard, le Gouvernement peine à s’exprimer : Mme la ministre n’a pas du tout abordé ce point ! Il faut dire que le Gouvernement vient de renoncer à la création d’une taxe spéciale sur l’excédent brut d’exploitation, qui devait rapporter 2,5 milliards d’euros en 2014, et réfléchit actuellement à un relèvement de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés, faisant passer cette dernière à 11 %, pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros. Selon moi, ce n’est pas faire preuve d’une attitude responsable que d’imposer plus encore les entreprises en faisant peser sur elles, et donc sur l’emploi, des charges supplémentaires. Ce n’est, je le répète, ni juste ni responsable. C’est pourquoi le groupe UDI-UC votera bien volontiers la motion tendant au renvoi à la commission, non pas pour enterrer cette question, mais, au contraire, pour mener une réflexion.   Je note avec satisfaction que Mme la ministre s’est engagée à conduire une réflexion globale sur la DGF, ce qui est une bonne chose. En effet, on ne saurait s’exonérer de considérer les deux autres dotations. Il convient de revoir également les critères d’éligibilité à la dotation de solidarité rurale, qui touche plus de 90 % des communes, et à la dotation de solidarité urbaine, à laquelle plus de 75 % des communes sont éligibles. Quand il y a tant de communes concernées par la solidarité, c’est non plus de la solidarité, mais de l’assistanat. À un moment donné, il faudra donc revoir ces critères, tout en reconsidérant l’ensemble de ceux qui sont retenus pour bénéficier de la DGF, non seulement celle des communes, des départements ou des régions, mais aussi celle des intercommunalités, sur laquelle je veux insister.   On a parlé précédemment de l’écart de 1 à 2 de la dotation de base pour les communes, mais sachez, mes chers collègues, que l’écart est de 1 à 11 pour les intercommunalités, de 10 euros par habitant à 110 euros ! Cela est non pas lié à une quelconque réforme, mais à l’incitation faite au départ. Si cette incitation était alors justifiée pour encourager les communes à se lancer dans une intercommunalité et la développer, il conviendrait plutôt aujourd’hui de procéder à une mutualisation. Il serait donc intéressant d’en finir avec cette course au CIF, le coefficient d’intégration fiscale, qui, à mon avis, n’est plus d’époque. Nous devons réfléchir à la mise en place de véritables critères pour ce qui concerne cette dotation. Permettez-moi de formuler quelques propositions, car nous sommes là aussi pour cela. Je serai de ceux qui feront des propositions en commission des finances. Concernant l’intercommunalité, nous pourrions prévoir un système qui prendrait en compte, d’une part, le potentiel financier de la collectivité, corrigé des effets de la péréquation, à la fois positifs et négatifs, et, d’autre part, le revenu moyen des habitants rapporté au loyer moyen du territoire, afin de tenir compte du coût de la vie. Ne considérer que le revenu moyen des habitants ne suffit pas, car le loyer est, selon moi, un élément important de détermination du coût de la vie des territoires. Ainsi, les critères seraient assez justes. Ce travail devra également être fait au niveau des communes, des départements et des régions.   Par cette proposition, je veux vous montrer que nous sommes d’accord pour travailler sur ce sujet d’importance, qui mérite que les uns et les autres mettent toute leur énergie et leur intelligence au service de cette question, afin de faire des propositions claires pour l’avenir. En l’état actuel, le groupe UDI-UC ne votera pas ce texte, préférant adhérer à la proposition du rapporteur de le renvoyer en commission. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, du groupe socialiste et du RDSE. – M. le vice-président de la commission des finances applaudit également.)