Les interventions en séance

Droit et réglementations
Gérard Roche 10/04/2013

«Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe-Article 1er bis»

M. Gérard Roche

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je n’ai pas rédigé mon intervention à l’avance, parce que, sur un sujet aussi grave, il me semble que l’on peut parler avec son cœur, de façon simple et spontanée. Vous pensiez que, dans l’opinion publique, les thèmes que nous abordons dans le cadre de ce débat – le mariage, l’adoption, la PMA et la GPA – iraient decrescendo ; or, à mon avis, c’est le contraire qui se produit : les discussions iront crescendo. Hier, nous avons débattu du mariage, aujourd’hui, c’est de l’adoption qu’il s’agit, demain, il sera question de PMA et de GPA. Gérard Bailly a raison de parler de mur, mais, plus que d’un débat entre la droite et la gauche, je pense qu’il s’agit d’un débat avec notre conscience. Le point de fracture surgira lorsque nous aborderons la question de la PMA et de la GPA. Le débat ne doit pas se faire dans la rue. Il ne doit pas non plus être dans l’invective, comme on l’a vu à l’Assemblée nationale, où les discussions étaient trop politiques. Nous devons faire preuve de tolérance et parler. Je n’ai pas l’outrecuidance de décréter ce qu’il faut penser : je me pose des questions. La première interrogation s’est imposée à moi après l’audition de Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre de renommée internationale. Alors que je suis moi-même médecin neurologue, son intervention m’a beaucoup frappé. Il nous a expliqué que, quoi que l’on fasse, puisque l’enfant passait neuf mois dans le ventre de sa mère, il y avait dans la vie affective de celui-ci une asymétrie entre le père et la mère, asymétrie contre laquelle on ne pouvait pas lutter. Il explique qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel peut reporter cette asymétrie affective sur ses parents adoptifs. Mais que se passera-t-il, s’est-il demandé, dans le cas d’un couple adoptif homosexuel ? Qu’adviendra-t-il de cette asymétrie affective, et quelles en seront les conséquences pour l’enfant ? Je voulais vous faire part de cette interrogation, mes chers collègues, car, depuis que j’ai entendu ses propos et acheté son livre, je me pose vraiment des questions. Ma deuxième interrogation tient au fait que, en tant que président de conseil général, je signe des agréments d’adoption. De fait, je connais le parcours du combattant auquel les familles candidates doivent se livrer. Certaines doivent attendre cinq ou six ans. Pour 25 000 demandes courantes et 8 000 demandes supplémentaires chaque année, il n’y a environ que 5 000 enfants adoptés en France chaque année, dont 4 000 sont nés à l’étranger. Si l’adoption est ouverte aux couples homosexuels, les chiffres des demandes vont croître de manière exponentielle. En conséquence, certains couples hétérosexuels, à qui le destin n’a pas permis d’avoir des enfants, et qui devaient jusqu’à présent attendre cinq ou six ans, se verront peut-être définitivement privés de la possibilité d’adopter, car il n’y aura jamais assez d’enfants pour tout le monde. Et comme il n’y aura pas suffisamment d’enfants à adopter, ce texte, en ouvrant l’adoption aux couples de même sexe, ouvre en réalité la porte au débat sur la PMA et la GPA. Or ces pratiques posent un véritable problème de conscience, en raison de notre culture et de nos convictions religieuses et philosophiques. C’est pourquoi je m’interroge et je vous invite, mes chers collègues, à vous interroger également. Je comprends parfaitement que l’on puisse être favorable à l’adoption par les couples homosexuels. Je respecte cette position. Mais sachez que l’on ouvre ainsi inévitablement le débat sur la PMA et la GPA, avec à la clé des enjeux philosophiques et humains autrement plus importants. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)