Les interventions en séance

Agriculture et pêche
Jean-Jacques Lasserre 09/10/2013

«Proposition de loi relative aux missions de l’établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime»

M. Jean-Jacques Lasserre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends bien volontiers la parole sur cette proposition de loi, sénatoriale de surcroît, qui semble totalement consensuelle. Il convient de le remarquer, car c’est loin d’être toujours le cas… Certes, plusieurs amendements ont été adoptés en commission, mais le but était uniquement de parfaire un texte qui, d’après ce que nous en savons, fait l’unanimité. À ce titre, je commencerai par remercier Mmes Bourzai et Nicoux pour ce travail, exclusivement féminin notons-le, qui mérite d’être salué. Cette proposition de loi, relativement brève et technique, composée de deux articles, nous conduit dans un premier temps à rappeler l’importance de cet office agricole qu’est FranceAgriMer, plus longuement appelé établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime. Son objet est effectivement de faire évoluer les missions confiées à l’organisme, en lui attribuant deux nouvelles tâches, totalement déconnectées, et pour bien comprendre en quoi l’attribution de ces nouveaux domaines de compétences est urgente et évidente, il convient de resituer FranceAgriMer. Mesurons bien l’ampleur et le poids de la structure. Celle-ci regroupe pas moins de cinq anciens offices agricoles, couvrant ainsi tous les domaines : le lait, le vin, les viandes, les plantes, etc. Sans revenir sur son organisation, insistons sur sa taille – plus de 1 200 agents – et sur ses appuis locaux, au travers de vingt-deux services régionaux intégrés aux directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, permettant une véritable prise en compte de la réalité du terrain. Si l’on se penche brièvement sur ses missions actuelles, on constate que FranceAgriMer tend principalement à appliquer certaines mesures issues de la PAC et à mettre en œuvre des actions nationales au bénéfice des filières agricoles. Dans ce cadre, il gère notamment le programme européen d’aide aux plus démunis et le programme national d’aide alimentaire, en lien avec les deux ministères concernés. Rappelons que l’essentiel de l’aide alimentaire provient de ces deux programmes. C’est grâce à eux que fonctionnent quatre de nos plus importantes associations caritatives : la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du cœur, le Secours populaire français et la Croix-Rouge française. La disparition des stocks d’intervention a été actée, alors que la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, cela a déjà été souligné, fait partie des objectifs transversaux de l’Union européenne. Cette dernière a effectivement pour mission de renforcer sa cohésion économique, sociale et territoriale, comme le prévoit l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. L’aide alimentaire doit donc continuer à exister. Mais pour que l’Union européenne continue d’aider les démunis, cette action devra désormais s’inscrire dans le cadre de la politique de cohésion, d’où la mise en place, dès 2014, de ce fameux fonds européen d’aide aux plus démunis. Ce fonds, on le remarque, sera plus large puisque, au-delà des denrées alimentaires, il fournira aussi des biens de consommation, des vêtements par exemple, et permettra de financer des activités d’insertion sociale en lien avec les biens distribués. Compte tenu de l’expérience de FranceAgriMer en la matière, l’article 1er de la proposition de loi, qui tend à en faire l’organisme intermédiaire pour la gestion du FEAD, semble évident. Cette mesure permet surtout de répondre à l’urgence de trouver un cadre juridique pour assurer la redistribution des aides. Comme le FEAD dépendra désormais, non plus de la PAC, mais de la politique de cohésion, il est naturel que la loi autorise FranceAgriMer à intervenir dans ce nouveau domaine. On peut cependant s’interroger sur l’extension de l’aide aux biens de consommation. Quelles en seront les conséquences organisationnelles et structurelles ? Cela aura-t-il une influence sur les autres associations fournissant déjà ce type de biens ? Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous apporter quelques éléments de réponse sur ces sujets. J’en viens maintenant à l’article 2 de la proposition de loi et aux dispositions concernant l’exposition universelle de Milan en 2015. La France participera bien entendu à cet événement. C’est une chance sur le plan économique, voire même touristique. Mais il est urgent de nous organiser pour cela et nous ne pouvons attendre l’examen du projet de loi d’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt pour nous pencher sur la question. Au regard du thème de cette exposition, des délais et des contraintes, FranceAgriMer semble naturellement désigné pour passer le marché de conception-réalisation élargi à l’exploitation ou à la maintenance. Arrêtons-nous quelques secondes sur ce thème, « Nourrir la planète, énergie pour la vie ». Celui-ci correspond parfaitement au savoir-faire et aux ambitions de la France. Notre pays est probablement le pays doté des meilleurs savoir-faire dès lors qu’il est question de nourrir l’humanité. C’est notre culture, le fruit de notre histoire ! Ces savoir-faire sont reconnus dans le monde entier. Ajoutons à cela le très bon niveau des travaux engagés, notamment dans notre assemblée, en matière de qualité, qu’il s’agisse de rechercher une meilleure qualité des produits ou de rechercher des dispositifs garantissant cette qualité, et ce afin de porter un témoignage permanent en matière d’excellence quant à la nourriture des hommes. Portons aussi le message d’un pays soucieux du développement durable de l’agriculture dans le monde. La France doit être en pointe dans ce domaine. Il nous faudra à la fois conjuguer notre situation d’exportateur et, bien entendu, assurer le développement de la production sur tous les continents. En 2015, pour cette exposition universelle, ce sera donc FranceAgriMer qui aura le portage de la présence française, sous l’autorité du commissaire général M. Berger. Je pense que nous avons véritablement un grand rôle à jouer. La France est en effet toujours très attendue. Comme les chiffres de Shanghai l’ont montré, le pavillon français a été le plus visité. Nous devons faire de ce nouveau pavillon la vitrine de l’excellence française et de sa réalisation industrielle. En 2008, à Saragosse, lors de l’exposition internationale, et non pas universelle, j’ai le souvenir très précis de la belle contribution de la France, sur le thème choisi, à savoir l’eau, et de la formidable sensibilisation qui en avait découlé. Ce genre d’événement, exposition internationale et, encore mieux, universelle, est une chance pour notre pays, car au-delà même du pavillon, qui déjà est une belle opération de construction, c’est tout un minivillage français qui est créé, avec tout ce que cela implique. J’aimerais maintenant me focaliser un instant sur l’aspect économique. D’après les premiers chiffres, le budget public prévu pour financer la présence française à Milan serait de 20 millions d’euros, ce qui n’est pas rien ! Je pense qu’il pourrait être intéressant de savoir de quel budget précis cette opération sera dotée. Je m’adresse ici au Gouvernement. S’il s’agit d’une superbe opportunité pour les entreprises milanaises – une hausse de 10 % de leur chiffre d’affaires est attendue, accompagnée de la création de 70 000 emplois – qu’en sera-t-il pour la France ? Il faut absolument que nous tirions notre épingle du jeu. Quelle sera la contribution à l’emploi ? Nos entreprises vont-elles être aussi au cœur de ce dispositif et des différents partenariats ? Il le faut ! Concernant le mode opératoire, comment associerons-nous concrètement tous les acteurs ? Je pense non seulement aux agriculteurs, le thème de l’exposition les plaçant sur le devant de la scène, mais aussi à tous les autres acteurs du secteur agroalimentaire. Tous sont concernés et doivent être associés de manière dynamique et intelligente. Le rassemblement de Milan n’est pas simplement, de notre point de vue, une vitrine de la France destinée au monde ; c’est aussi un lieu de rencontre entre acteurs français. Vous l’aurez compris, on ne peut être, à mon sens, que favorable à cette proposition de loi. Elle soulève de nombreux défis et interrogations, auxquels, je l’espère, la France, le Gouvernement, les ministères, avec FranceAgriMer, sauront répondre, car l’enjeu est de taille ! Nous aurons certainement l’occasion d’évoquer l’état d’avancement de tout cela lors du grand débat qui se tiendra sur du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, que nous attendons tous avec impatience. Je ne sais pas, monsieur le ministre, s’il faut solenniser, comme vous le souhaitez, ce débat. Point trop n’en faut sans doute ! Soyons réalistes, surtout par rapport aux moyens dédiés. Cela étant, notre groupe apportera son soutien total à ce texte, dont la philosophie correspond vraiment à notre culture profonde. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)