Les interventions en séance

Entreprises
09/06/2010

«Projet de loi, relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services»

M. Nicolas About

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner le projet de loi relatif aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, dont l’objet est double : réformer les réseaux consulaires et achever la transposition de la directive Services, pour laquelle notre pays, une fois de plus, se distingue par son retard. Pour ce qui concerne la réforme des réseaux consulaires à proprement parler, je souhaiterais apporter le soutien de mon groupe à son esprit. Dès le mois de septembre 2008, l’Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie et l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture ont engagé des négociations au sein de leurs réseaux en vue de renforcer l’échelon régional. Le fruit étant mûr, il nous appartient de le cueillir. Rappelons que les chambres consulaires exercent une compétence forte en matière économique : près de 30 000 personnes participent, au sein de leurs réseaux, au développement économique de notre pays, et ce à travers quatre volets principaux. L’appui à la création d’entreprises est une activité très importante en volume pour les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat, malgré l’appréciation parfois mitigée que portent les conseils régionaux et les créateurs d’entreprise sur la qualité de l’accompagnement offert. Les réseaux consulaires soutiennent aussi le développement des entreprises, notamment à l’international : 600 conseillers en développement international accompagnent 8 000 entreprises à l’étranger. La mise en œuvre auprès des entrepreneurs de dispositifs régionaux d’appui à l’exportation et de participation aux salons est très appréciée. Les chambres de commerce et d’industrie constituent en outre un guichet incontournable pour l’accomplissement des formalités administratives par les entrepreneurs, tant lors de la création de leur entreprise que pour leur développement à l’international, ou encore dans le cadre de l’enregistrement des contrats d’apprentissage. De plus, les chambres consulaires gèrent des centres de formation, notamment dans le secteur artisanal : elles constituent le deuxième formateur en France, après le ministère de l’éducation nationale. Elles disposent de 500 établissements de formation et forment chaque année 620 000 personnes, dont 100 000 apprentis. Il s’agit là d’une mission fondamentale. Aussi, nous avons déposé un amendement visant à leur permettre d’exercer pleinement cette compétence et à les autoriser, à titre expérimental et sur délégation du ministre de l’éducation nationale, à assurer une mission d’inspection de l’apprentissage, comme c’est déjà le cas en Moselle. Enfin, les CCI gèrent de nombreux équipements publics : plus de 80 aéroports, 60 ports maritimes, de commerce, de pêche ou de plaisance, et plus de 30 ports intérieurs. Les missions des CCI, tout comme leur budget – il s’élève à 4 milliards d’euros –, sont donc importantes, à la mesure des défis de la croissance économique. Il faut le rappeler, les chambres consulaires constituent les deux bras armés de la politique économique des régions. C’est précisément pour cette raison qu’il semble opportun de remodeler leurs réseaux de façon à les doter d’une organisation à ce même échelon régional. La régionalisation des réseaux a un sens, parce que la taille des régions est suffisamment importante pour qu’elles soient visibles non seulement en Europe, mais aussi à l’étranger. Sur un salon à Dubaï, le label « Bretagne » ou « Paris–Île-de-France » est plus visible que le nom d’un département – je n’en citerai aucun, car je ne veux fâcher personne. (Rires.) La régionalisation des réseaux consulaires va également dans le bon sens parce que les chambres consulaires mettent en œuvre, par le biais de contrats, des dispositifs d’appui à la création et au développement des entreprises décidés et financés par les conseils régionaux. Le fait que les chambres régionales ne soient aujourd’hui qu’une instance de coordination d’une multitude de chambres départementales ne permet pas aux conseils régionaux de piloter efficacement la mise en œuvre de leur politique économique puisque leur interlocuteur et cocontractant n’a qu’une compétence restreinte, et donc une responsabilité restreinte. Le déséquilibre actuel entre les parties au contrat nourrit donc, comme je le rappelais tout à l’heure, l’insatisfaction de plusieurs conseils régionaux quant à la mise en œuvre des dispositifs économiques relayés par les chambres. En ce sens, régionaliser la prise de décisions stratégiques et la répartition du budget entre les différentes chambres de l’échelon départemental revêt à mes yeux – ceux dont je ne partage pas l’opinion sur ce point me pardonneront ! – une importance capitale. Cela permettra de rétablir un équilibre entre les parties au contrat : l’accroissement des compétences, des moyens et de la responsabilité de la chambre régionale renforcera sa qualité de pilote en matière de déploiement des dispositifs économiques régionaux ; quant à la région, qui finance ces dispositifs, elle aura un interlocuteur régional pleinement responsable. Pour cette raison, les membres du groupe de l’Union centriste s’opposeront aux amendements qui tendraient à éroder les compétences de l’échelon régional. Cependant, ils resteront attentifs à ce que les chambres territoriales puissent exercer leur compétence dans le souci des attentes « du terrain ». (M. Daniel Raoul s’exclame.) Il ne s’agit pas de les reléguer au rang de simples « antennes », ni d’étouffer leur pouvoir d’initiative ! Par exemple, il semble indispensable de donner aux CCI dont le ressort est à cheval sur deux départements le pouvoir de choisir leur région de rattachement – à défaut, il faudra les diviser ! Il faut être attentif aux particularismes et aux attentes locales tout en étant inflexible sur l’essence de la réforme : la régionalisation des réseaux consulaires ne doit pas a priori souffrir d’exception. La régionalisation ne sera efficace que si l’équilibre de la représentation des chambres territoriales au sein des chambres régionales est préservé. Aussi, je salue l’amendement du rapporteur tendant à ce qu’une chambre territoriale ne puisse disposer de plus de 40 % des sièges, au lieu de 45 % précédemment. En revanche, je déplore que, à la différence des « décisions stratégiques », le budget ne soit plus voté à la majorité qualifiée, comme cela était initialement prévu. Vous savez comme moi, monsieur le rapporteur, que la répartition du budget est la décision stratégique par excellence ! Nous avons donc déposé un amendement visant à rétablir ce parallélisme des formes, l’adoption à la même majorité qualifiée des deux types de décision. Il y va de l’équilibre et de l’acceptabilité des décisions de la chambre régionale par les chambres territoriales. Pour clore mon propos sur le titre Ier du projet de loi, je souhaite, en tant que sénateur des Yvelines, évoquer dès à présent mon hostilité à ce que certaines chambres, dans les départements franciliens, jouissent d’un statut particulier. J’exprime là ma position personnelle, mais c’est aussi celle des membres du groupe de l’Union centriste. La régionalisation des réseaux consulaires doit être uniforme, d’autant que les exceptions constituent, pour moi, un contrat perdant-perdant, à la fois pour les chambres concernées et pour la région. L’uniformité de l’organisation sur l’ensemble du territoire français, y compris l’Île-de-France, est un gage de lisibilité et d’efficacité de la réforme. Certains sénateurs de mon groupe regrettent d’ailleurs que cette dernière n’ait pas poussé plus loin la logique d’uniformité et auraient aimé, bien que chambres de commerce et d’industrie et chambres de métiers et de l’artisanat interviennent dans des secteurs d’activité totalement différents, que soit envisagée la mutualisation régionale et départementale de certains de leurs services de supports, de leur représentation, de leurs centres d’enregistrement, etc. Oui, chaque chose en son temps ! Il faut espérer que la réorganisation des réseaux sera l’occasion de favoriser, en tous les cas à l’échelon régional et grâce à l’entremise d’un acteur régional, non seulement le dialogue entre les paroisses, mais aussi la coordination de leurs actions de formation, d’appui à la création d’entreprise et de développement des entreprises, sans oublier la facilitation de la transmission-reprise d’entreprise, chacun agissant dans son domaine d’activité. À terme, tout cela serait effectivement souhaitable. J’en viens maintenant au second objet du présent projet de loi, la transposition partielle de la directive européenne, dite « Services », qui vise à favoriser la libre circulation des prestataires de services dans l’espace communautaire en levant un certain nombre de barrières administratives et réglementaires qui, en imposant d’obtenir des autorisations diverses, pénalisent aujourd’hui l’installation non seulement de prestataires européens, mais avant tout d’entrepreneurs français. Sur cette question, je ne souhaite pas aborder chaque profession visée par le second titre du projet de loi. Je soulignerai simplement que les membres du groupe de l’Union centriste considèrent que l’Europe est une chance et que la fluidité des échanges économiques entre les pays facilitera le développement économique, dont les entrepreneurs français profitent par ailleurs largement. À ce titre, mon groupe est attentif au fait que, aujourd’hui, aucune considération sociale ou d’ordre public ne justifie une situation monopolistique d’une activité sur un territoire, pas même celle les marchés d’intérêt national, qui malheureusement cristallisent le débat. Plus généralement, la situation des grossistes n’entre pas, juridiquement, dans la liste des exceptions à la directive Services. Il faut respecter ce point, car la directive communautaire prime sur la loi. C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste soutient à une large majorité la version adoptée par l’Assemblée nationale, et confirmée par la commission de l’économie. Enfin, nous aurons l’occasion de revenir au cours du débat sur les aspects juridiques et émotionnels de ce sujet qui, manifestement, divise, ainsi que la solution de compromis évoquée par le secrétaire d’État tout à l’heure. Pour l’heure, je salue l’opportunité de la réforme des chambres consulaires comme celle de la transposition de la directive Services, ainsi que le travail de la commission de l’économie, notamment de son excellent rapporteur. (Applaudissement sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)