Les interventions en séance

Droit et réglementations
Catherine Morin-Desailly 09/04/2013

«Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe-Article 1er-Explication de vote »

Mme Catherine Morin-Desailly

« On peut réprouver et combattre l’homophobie tout en n’étant pas favorable au mariage homosexuel, comme c’est mon cas. Ma position, il faut le dire, s’accompagne d’un plein respect des choix amoureux et sexuels de chacun. Mais puisqu’on parle de loi, il me semble que le législateur, tout en étant attentif aux désirs souvent contradictoires des individus, doit rechercher l’intérêt de la société tout entière. » Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’adhère à ces propos de Lionel Jospin, qui datent de 2004, car ils correspondent à mon état d’esprit face au texte qui nous est proposé aujourd’hui. Je le dis comme je le pense, le sujet est trop complexe et délicat pour être caricaturé et traité de façon binaire et moralisatrice. Je regrette à cet égard, comme d’ailleurs une très large majorité d’élus et, au-delà, de Français, l’absence d’un débat préalable qui, approfondi et éclairé, nous aurait permis de réfléchir aux tenants et aux aboutissants d’un sujet essentiel, car il nous touche au plus profond de nous-mêmes. Des élus ont d’ailleurs réclamé des états généraux sur la famille, le mariage et la filiation ; cela leur a été refusé. Nous l’avons bien compris, on cherche à nous faire croire que ces sujets sont déconnectés les uns des autres. Or, après ce texte sur « le mariage pour tous », il y aura bien un texte sur la famille, et donc sur la filiation. J’en viens maintenant au fond. Ces derniers jours, j’ai écouté très attentivement les différents orateurs et ce que j’ai entendu de la part de certains ne m’a pas du tout rassurée. Mme la garde des sceaux a évoqué le « droit qu’avait un couple homosexuel de fonder une famille » ; le président de la commission des lois, notre collègue Jean-Pierre Sueur, nous a indiqué hier qu’il ne savait pas ce qu’il voterait lorsque l’on aborderait la question de la GPA dans un prochain texte. De toute évidence, ce texte relatif au « mariage pour tous », et notamment son article 1er, prépare des évolutions beaucoup plus fondamentales que l’on veut bien nous le faire croire, et c’est bien ce qui inquiète fortement nos concitoyens. Les différents sondages organisés sur le « mariage pour tous », l’adoption et la procréation médicalement assistée montrent le décalage qui existe entre l’union, c’est-à-dire le mariage, qui est approuvée, et l’adoption et la PMA, qui sont, elles, rejetées. Voilà pourquoi je pense qu’il fallait accepter la solution que constituait l’union civile, car elle permettait de reconnaître aux couples homosexuels des droits sociaux et patrimoniaux équivalents à ceux des couples aujourd’hui mariés. Elle permettait de célébrer l’union en mairie, traduisant par là même le souci d’égalité et de fraternité de notre République. Nombre de nos concitoyens pensent que s’il est légitime d’offrir un cadre juridique et une reconnaissance aux couples homosexuels, il est tout aussi légitime de reconnaître la spécificité du mariage fondé par notre République. Ils sont attachés à la façon dont le mariage établit la filiation. On ne peut pas fantasmer à l’infini : la naissance d’un enfant ne peut résulter que de la rencontre d’un homme et d’une femme. C’est une donnée irréfutable, qui relève non pas de critères moraux, sociaux, religieux ou juridiques, mais de la réalité. Il n’existe pas d’autre vérité biologique de la procréation. Ce qui apparaît en filigrane dans le projet de loi avec le principe de l’adoption plénière, c’est l’enfant pour tous. Notre collègue Patrice Gélard l’a bien expliqué hier : comme il n’y a pas ou presque plus d’enfants adoptables, cela signifie à terme la PMA puis, par souci d’égalité, la GPA. On notera que, sur les huit pays européens qui ont autorisé le mariage entre personnes de même sexe, sept ont déjà légalisé la PMA. Le « mariage pour tous » ne serait-il pas la « PMA et la GPA pour tous » ? Telle est notre inquiétude. Mme la ministre chargée de la famille a tenu hier soir des propos extrêmement inquiétants en affirmant qu’il y avait bel et bien un droit à l’enfant. Non, madame la ministre, le droit à l’enfant n’existe pas, pas plus pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels, à moins que vous ne confondiez droit et désir ! L’enfant est un sujet, pas un objet de convoitise et de revendication ! L’enfant est une personne, il n’est pas la propriété de ses parents ! Certains militent pour la légalisation de la GPA au prétexte qu’elle est organisée ailleurs, considérant qu’elle sera acceptable une fois encadrée. Mais c’est ignorer la réalité, beaucoup plus sordide, de cette pratique qui, ici et là dans le monde, repose – et reposera toujours – sur la marchandisation des corps et qui organise l’abandon de l’enfant. La pluriparentalité revendiquée vient brouiller les repères de vie, brouiller les repères généalogiques. J’ai lu qu’on proposerait une généalogie symbolique. La belle affaire ! Quelle est la place du géniteur, du parent biologique, du parent d’adoption, du parent social ou du « coparent » ? Cette pluriparentalité revendiquée sera une « schizoparentalité » imposée aux enfants ! Pour nous, vous l’aurez compris, la question de l’enfant est essentielle Nous ne parlons pas de droit à égalité, de pseudo-modernité ; nous parlons du bien-être, du « bien-grandir », de l’équilibre d’un enfant que nous refusons de voir considéré comme un objet de revendication, mais qui est le sujet de toutes nos préoccupations. Voilà pourquoi l’union civile doit incarner le couple et lui seul, et ne doit pas ouvrir de droit à l’enfant mais, au contraire, préserver le droit – fondamental – de l’enfant, qui naît de la rencontre d’un homme et d’une femme. Il a le droit de se construire auprès d’un père et d’une mère, comme l’énonce la Convention internationale des droits de l’enfant, sinon il y aurait une véritable discrimination, inédite, vis-à-vis des autres enfants. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)