Les interventions en séance

Economie et finances
09/02/2011

«Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes»

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances

Madame la présidente, monsieur le doyen des présidents de chambre, mes chers collègues, la remise du rapport public annuel de la Cour des comptes au Parlement est un rendez-vous important, un rendez-vous attendu, et c’est avec beaucoup d’attention, comme il se doit, que nous venons d’écouter les observations de la Cour sur la situation générale des finances publiques, observations dont nous devrons nous saisir pour entretenir avec le Gouvernement une relation exigeante afin de mettre un terme aux dysfonctionnements de la sphère publique.
Nous ne manquerons pas, croyez-le bien, spécialement la commission des finances, d’analyser comme toujours avec le plus grand soin le contenu de ce rapport public.
Il est difficile de ne pas avoir à l’esprit, en cet instant, la disparition brutale du président Philippe Séguin, et nous gardons en mémoire la grande autorité dont il savait accompagner les recommandations et les mises en garde de la Cour des comptes. Son ambition était clairement de promouvoir une gestion publique lucide et responsable. Qu’il me soit permis de rendre hommage à son combat pour populariser le contrôle afin que nos concitoyens se saisissent des observations formulées par la Cour, de saluer son intransigeance pour défendre l’indépendance de la Cour, de souligner son opiniâtreté en faveur de la transparence et de la sincérité des comptes publics. Je ne doute pas que l’institution qui lui doit beaucoup saura maintenir, collégialement et par l’intermédiaire de son futur Premier président, son influence, influence qu’elle a renforcée au cours des années en exploitant aussi bien les nouvelles procédures de collaboration avec le Parlement que l’outil médiatique.
Si nous devions apprécier le bilan de ces six dernières années de relations entre le Parlement, et plus particulièrement le Sénat, et la Cour des comptes, chacun d’entre nous soulignerait leur considérable développement et leur extrême qualité.
Au premier rang de nos échanges figurent les enquêtes que nous demandons à la Cour de réaliser, pour notre compte, en application de l’article 58, alinéa 2°, de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Au rythme maintenant bien établi de cinq enquêtes par année, nous organisons, sur la base des travaux de la Cour des comptes, orientés par les rapporteurs spéciaux à l’origine du choix des sujets, des auditions pour suite à donner réunissant, autour des commissaires de la commission des finances, les magistrats de la Cour des comptes ayant conduit les enquêtes ainsi que les représentants des organismes contrôlés et, le cas échéant, le ou les ministres de tutelle. Ces auditions, que nous ouvrons à tous nos collègues des commissions intéressées et à la presse, sont toujours instructives. Elles sont, pour l’administration, un aiguillon pour l’inciter à se réformer et à améliorer ses performances. Elles sont aussi et très souvent de véritables succès médiatiques, c’est-à-dire de grands moments de pédagogie sur la nécessité, voire sur l’urgence, des réformes à conduire.
Ce fut le cas l’année dernière du rapport d’enquête relatif aux crédits de la présidence française de l’Union européenne.
Pour 2010, nous avons demandé à la Cour des comptes de se pencher sur les cinq sujets suivants : le coût des titres sécurisés, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ou ADEME, le Centre des monuments nationaux, le Centre français pour l’accueil et les échanges internationaux, l’EGIDE, enfin, les participations de la Caisse des dépôts et consignations dans l’économie mixte locale. Les relations entre le Sénat et la Cour des comptes passent aussi par les missions d’assistance, prévues par l’article 58, alinéa 1°, de la LOLF. Cette forme de collaboration est plus lente à se mettre en place, mais elle présente une souplesse d’utilisation très avantageuse. La commission des finances l’a utilisée, en 2009, à l’occasion d’un contrôle sur les chambres de métiers et de l’artisanat dont le rapport vient de paraître.
Au-delà de ces « grands moments », nous avons établi des relations quotidiennes avec la Cour.
Sans méconnaître les principes de collégialité et de contradiction, indispensables au fonctionnement de la Cour des comptes, le président Séguin, grâce à son action déterminée, a favorisé l’ouverture de la Cour sur l’extérieur et l’assouplissement de certaines rigidités sans doute héritées du passé. Il a donc permis que s’instaure un climat de confiance et de collaboration de tous les instants, dont le Sénat comme la Cour des comptes ont, je le crois, profité. Les rencontres régulières et peu formalisées entre rapporteurs spéciaux et magistrats de la Cour se sont banalisées, en particulier dans les travaux préparatoires à l’examen de la loi de règlement, travaux pour lesquels la transmission des notes d’exécution budgétaires de la Cour sur chacune des missions que nous examinons est, je tiens à le souligner, un atout précieux.
Les rapporteurs ont de fréquents contacts avec les fonctionnaires du secrétariat de la commission des finances.
Par ailleurs, depuis deux ans, nous avons le plaisir d’accueillir en stage pendant la période budgétaire de jeunes auditeurs qui débutent dans la carrière. Cette heureuse expérience doit permettre une meilleure compréhension des contraintes de chacune de nos institutions et de nos attentes respectives. Si notre collaboration s’exprime dans le développement de la mission de contrôle, elle est également mise à profit à l’occasion de l’exercice, par la Cour des comptes, de sa mission de certification des comptes de l’État et de contrôle de gestion.
De ce point de vue, la commission des finances sait pouvoir trouver dans la Cour des comptes un allié de poids dans sa croisade pour le respect de l’exigence de sincérité des comptes publics. Nous devons unir nos efforts en ce sens, à un moment où se pose de façon si cruciale la question de la dette et de sa « soutenabilité ».
Enfin, je voudrais évoquer le sujet, qui tenait à cœur à Philippe Séguin, de la réforme de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
Plusieurs pistes de réforme ont été mises en chantier. Il conviendra de les mener à leur terme.
La première est l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales, qui permettrait de renforcer la sincérité et la transparence des budgets locaux.
La deuxième piste, c’est le renforcement des mécanismes permettant de responsabiliser les gestionnaires publics devant la Cour des comptes et les chambres régionales en premier ressort, la Cour de discipline budgétaire et financière, la CDBF, devenant l’instance d’appel. La troisième concerne les chambres régionales des comptes : il convient à la fois de renforcer leur mission en matière d’audit et d’évaluation des politiques publiques et de faire évoluer leur maillage territorial en visant une plus forte mutualisation.
Sur ce point, nous avons éprouvé, à l’occasion de plusieurs demandes d’enquêtes, par exemple sur l’éducation nationale dans les quartiers concernés par la politique de la ville en 2009 ou sur les participations de la Caisse des dépôts et consignations dans l’économie mixte locale en 2010, les limites de la séparation stricte entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. Souvent, nous aurions souhaité pouvoir plus facilement appuyer les enquêtes sur des réalités de terrain, ce qui n’a pas été possible dans les délais stricts imposés par la procédure de l’article 58, alinéa 2°, de la loi organique relative aux lois de finances et en raison de la séparation fonctionnelle des deux niveaux de juridictions. Cette réforme de la juridiction financière, formalisée dans le projet de loi qui a été adopté en conseil des ministres le 28 octobre 2009, nous en espérons l’inscription à l’ordre du jour du Parlement, car elle nous semble nécessaire. Elle va bien au-delà de la disposition utile, mais partiellement contenue dans la proposition de loi déposée par le président Accoyer et adoptée par l’Assemblée nationale, concernant les modalités de la contribution de la Cour des comptes à l’évaluation des politiques publiques.
En conclusion, monsieur le doyen des présidents de chambre, je souhaite que l’année 2010 nous apporte les mêmes satisfactions dans les excellentes relations que nous entretenons avec la Cour des comptes et que nous continuions de progresser de concert dans la défense de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)