Les interventions en séance

Média et Nouvelles technologies
Hervé Maurey 08/12/2010

«Proposition de loi relative aux télécommunications»

M. Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après les propos complets de M. Marsin et de M. le rapporteur, je ne reviendrai pas sur les détails d’un texte dont les objectifs de fluidification du marché des communications électroniques et d’amélioration de la protection du consommateur sont pleinement partagés par les sénateurs du groupe de l’Union centriste.
Je tiens à saluer l’initiative de notre collègue Daniel Marsin et le travail de notre rapporteur pour renforcer les droits des consommateurs qui ont souvent, à juste titre, le sentiment que les contrats qui les lient aux opérateurs sont déséquilibrés.
Le texte qui nous est soumis vise à lever les contraintes qui pèsent sur le consommateur dans l’utilisation de son téléphone mobile, d’une part, en proscrivant les limitations induites par le choix d’un opérateur ou d’un matériel, et, d’autre part, en allégeant les conditions de déverrouillage des téléphones.
Notre rapporteur l’a dit, il proposera des amendements visant à insérer des articles additionnels afin de lutter contre les abus constatés et de renforcer la transparence. Je me permettrai de faire de même pour compléter également le texte de notre collègue.
Pour autant, les problèmes visés par la présente proposition de loi et par les amendements qui ont été déposés sont, hélas ! – j’insiste sur ce terme – étrangers à nombre de nos concitoyens qui n’ont toujours pas accès à la téléphonie mobile.
Améliorer la qualité d’un service est un objectif louable, généraliser ce service serait encore beaucoup mieux ! Chacun sait bien que l’accès aux services de téléphonie mobile n’est toujours pas une réalité sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les zones rurales.
Cette situation est tout simplement inacceptable, car l’accès à la téléphonie mobile est indispensable pour la sécurité de nos concitoyens, leur qualité de vie et l’attractivité, notamment économique, de nos territoires.
Pour mémoire, je rappellerai qu’aux termes des engagements pris dans les licences d’attribution des fréquences, le taux de couverture de la population, en 2009, aurait dû atteindre 98 % pour Orange et 99,3 % pour SFR. Nous en sommes loin, et d’ailleurs, voilà près d’un an, l’ARCEP a mis en demeure les trois opérateurs pour le non-respect de leurs objectifs de couverture du territoire. Je pense qu’il faudra un jour aller au-delà des simples mises en demeure.
J’ajoute que les chiffres officiellement annoncés sont bien en deçà des réalités, car, pour mes collègues qui ne le sauraient pas, une commune est considérée comme couverte dès lors qu’un point de celle-ci est effectivement couvert ! Si, debout sur le clocher de son église, un maire peut émettre et recevoir des appels, sa commune est réputée couverte ! Je présenterai donc un amendement visant à préciser qu’une commune ne peut être considérée comme couverte que lorsque la totalité de son territoire l’est effectivement par au moins un opérateur.
Dans quelques semaines, le Gouvernement attribuera les fréquences de la 4G qui permettront d’améliorer la couverture du territoire en matière de téléphonie et d’accès à l’internet mobile.
Monsieur le ministre, je le rappelle, le Parlement a inscrit dans la loi le principe selon lequel les fréquences issues du dividende numérique doivent être attribuées en privilégiant le critère de l’aménagement du territoire et non celui de la valeur vénale des fréquences. Nous serons extrêmement vigilants sur ce point et nous veillerons à ce que les contraintes financières de l’État ne remettent pas en cause cette volonté forte du Parlement.
L’aménagement numérique des territoires est – vous l’aurez compris ! – au cœur des préoccupations de la Haute Assemblée, et la question de la téléphonie mobile n’est malheureusement qu’une facette de la fracture numérique que vivent au quotidien nos territoires, l’autre aspect étant celui de leur couverture par le réseau internet.
En février dernier, le Président de la République a fixé pour notre pays des objectifs ambitieux en matière de déploiement des réseaux à très haut débit, selon lesquels 70 % des foyers devront être raccordés en 2020 et 100 % en 2025.
Malheureusement, vous le savez, le programme national « Très haut débit », lancé en octobre dernier par le Premier ministre, suscite des inquiétudes, notamment chez les collectivités territoriales. Ces dernières craignent, à juste titre, que le choix fait par le Gouvernement de laisser aux opérateurs la responsabilité du déploiement ne conduise à un écrémage des territoires rentables au détriment des zones rurales, et ne renchérisse le coût de l’intervention publique dans ces zones.
Le Premier ministre m’a fait l’honneur de me nommer parlementaire en mission pour réfléchir au financement de ces déploiements. Le travail que j’ai effectué m’a permis de mesurer à quel point un engagement fort de l’État est indispensable pour que la fracture numérique ne s’accentue pas davantage avec des territoires qui auraient accès, demain, un très haut débit à 100 mégabits, tandis que d’autres continueraient à espérer du haut débit à 512 kilobits.
L’engagement de l’État doit être politique et financier.
Politique, tout d’abord, parce que l’État doit être un acteur de ce déploiement. La somme des intérêts des opérateurs n’égalera jamais l’intérêt général ! La vocation des opérateurs – et on ne peut pas les en blâmer – est de faire des profits et non pas d’aménager le territoire.
Financier, ensuite, car il faut bien abonder le Fonds d’aménagement numérique des territoires, créé par le Sénat dans le cadre de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, adoptée en décembre dernier sur l’initiative de notre collègue Xavier Pintat.
Dans cette perspective, j’avais, voilà tout juste deux semaines, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, proposé qu’une partie des recettes nouvelles tirées de l’augmentation de la TVA sur les offres tripleplay – représentant une augmentation d’1,1 milliard d’euros – soit utilisée pour abonder ce fonds.
Toutefois, avant de viser le très haut débit, nous devons me semble-t-il garantir un véritable haut débit pour tous. Or, là encore, la situation n’est pas aussi satisfaisante que certains voudraient nous le faire croire. Comme vous tous, mes chers collègues, je reçois chaque semaine plusieurs courriers ou coups de fil me signalant des difficultés de réception du haut débit dans nos territoires.
Le plan France numérique 2012, présenté en octobre 2008 par Éric Besson, alors secrétaire d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique prévoit – mais peut-être vaudrait-il mieux parler au passé – que « 100 % de la population aient un accès au haut débit d’ici à 2012 ». Cet objectif sera-t-il réellement atteint ? J’avoue en douter, mais j’espère me tromper.
À ce titre, la question de l’inclusion du haut débit dans le service universel méritera d’être posée lors de la transposition du « paquet télécom » qui vient d’être examiné par l’Assemblée nationale et dont le Sénat devrait être saisi au début de l’année prochaine.
C’est pourquoi, plutôt que de taxer régulièrement les opérateurs, il serait opportun de leur imposer des obligations de service public, c’est-à-dire la couverture du territoire en téléphonie mobile et en haut débit.
Dans ce contexte, vous comprendrez, monsieur le ministre, que les sénateurs du groupe de l’Union centriste s’inquiètent de voir que l’économie numérique est non plus un département ministériel en tant que tel, mais une compétence entrant dans un ministère beaucoup plus large, rassemblant l’industrie, l’énergie et l’économie numérique, ce qui explique sans doute d’ailleurs que le ministre chargé de ces questions ne soit même pas présent aujourd’hui.
Sur toutes les travées de cette assemblée, les initiatives sont nombreuses qui témoignent de l’intérêt que le Sénat porte au développement de l’économie numérique. Il y a eu, hier, la proposition de loi de M. Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique. Aujourd’hui, il y a celle de notre collègue Marsin, mais aussi celle de notre collègue Leroy relative au service public local du très haut débit, pour laquelle j’ai été nommé rapporteur ce matin.
Pourtant, cette implication de notre chambre ne peut suffire, monsieur le ministre. Nous voudrions, enfin, sentir une volonté politique forte du Gouvernement d’agir en faveur de ce secteur de notre économie et de nos territoires ruraux. Or, là encore, la disparition d’un ministère spécifique chargé de l’aménagement du territoire n’est pas un signal positif. Nous souhaitons donc que le Gouvernement prenne la mesure de l’importance de ce sujet et propose rapidement les réponses ambitieuses qui s’imposent.
Mes chers collègues, au vu de l’importance de ces questions, vous me pardonnerez, je l’espère, de m’être éloigné du strict examen de cette proposition de loi. Toutefois, comment débattre de ce texte sans évoquer globalement la question fondamentale de l’aménagement numérique de nos territoires ? Comment ne pas tenter, grâce à cette proposition de loi, de convaincre le Gouvernement de l’importance de ces enjeux ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)