Les interventions en séance

Justice
François Zocchetto 08/12/2010

«Projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées»

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille sur l’exécution des décisions de justice, qui nous revient après une première lecture à l’Assemblée nationale, embrasse une triple ambition : premièrement, améliorer l’exécution des décisions de justice ; deuxièmement, moderniser l’organisation et les compétences des juridictions – elle reprend sur ce point certaines préconisations du rapport Guinchard ; troisièmement, actualiser les conditions d’exercice de certaines professions judiciaires et juridiques.
En première lecture, à quatre exceptions près, l’Assemblée nationale a largement validé les dispositions adoptées par le Sénat. Elle a même enrichi le texte, en respectant les principes qui l’animent.
Les principales divergences qui subsistent entre les positions de nos deux assemblées portent sur les points suivants : le rétablissement, à l’article 2, du renforcement de la valeur probante des constats d’huissiers ; l’extension des prérogatives d’accès aux parties communes d’un immeuble dont disposent les huissiers ; l’extension du champ de la procédure participative au divorce ; enfin, la suppression du projet d’intégration des conseils en propriété industrielle au sein de la profession d’avocat, qui vient d’être évoquée par notre collègue Laurent Béteille.
Cependant, en dépit de ces quelques différences, je vous invite dès à présent à réfléchir à la possibilité d’adopter conforme la présente proposition de loi, ses dispositions étant très attendues par les professionnels concernés ainsi que par leurs clients et les usagers du droit.
Je souhaiterais maintenant formuler quelques observations concernant le renforcement des prérogatives reconnues aux huissiers.
L’Assemblée nationale a rétabli l’article 2 de la proposition de loi, adopté par la commission des lois du Sénat, mais supprimé en séance publique, sur l’initiative de notre collègue M. Jacques Mézard. Cet article vise à renforcer la valeur probante des constats d’huissiers. Après réflexion, nous vous proposons d’en rester au texte initial, qui présente toute une série de garanties ; nous y reviendrons ultérieurement.
La possibilité offerte aux huissiers d’accéder non seulement aux boîtes aux lettres et aux dispositifs d’appel des immeubles, mais également aux parties communes, dans le cadre de leurs missions de signification et d’exécution, ne me paraît pas poser de problème, dans la mesure où l’autorisation qui serait donnée serait limitée à la stricte mesure nécessaire pour procéder à ces exécutions ou significations.
Le fait qu’un huissier de justice porteur d’un titre exécutoire puisse obtenir sur le débiteur, sans en faire la demande au parquet, des informations relatives à l’état de son patrimoine immobilier est un ajout de l’Assemblée nationale tout à fait pertinent.
Cependant, monsieur le ministre, je voudrais dès maintenant attirer votre attention sur le problème qui se poserait si le Sénat adoptait conforme le texte de l’Assemblée nationale pour les organismes sociaux, telles les caisses d’allocations familiales, qui se verraient privés de la possibilité d’obtenir directement des informations sur le débiteur et seraient contraints d’avoir recours à des huissiers de justice.
Ce serait considéré comme un retour en arrière. J’indique très clairement que telle n’est pas la volonté du législateur.
Autant nous sommes prêts à faire preuve d’efficacité, autant nous ne souhaitons pas que les huissiers de justice, par ce biais, interviennent systématiquement auprès des organismes sociaux. Nous suggérons au Gouvernement qu’un amendement soit présenté afin de rétablir le plus rapidement possible la situation actuelle. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer officiellement quelle solution vous envisagez afin de faire disparaître toute ambiguïté.
J’en viens à l’extension de la procédure participative aux cas de divorce.
Le Sénat avait exclu la procédure participative pour tout ce qui tenait à l’état des personnes. L’Assemblée nationale a, quant à elle, formellement exclu les matières prud’homales de la procédure participative, et nous sommes bien sûr d’accord sur ce point. Elle a en revanche étendu le champ d’application de la procédure participative aux questions de divorce, que le Sénat n’avait pas cru bon de retenir. Cependant, compte tenu des garanties apportées par l’Assemblée nationale – sur lesquelles nous reviendrons –, je considère que le dispositif peut être utilement envisagé et qu’il est susceptible de diminuer le nombre de divorces contentieux, qui sont toujours douloureux pour les personnes concernées.
Enfin, je ne reviendrai pas sur la suppression de la fusion entre les professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle. À cet égard, je souscris totalement aux propositions de Laurent Béteille, rapporteur du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées.
Sous le bénéfice de ces observations et de celles qui seront faites lors de l’examen des amendements, je propose au Sénat, au nom de la commission des lois, d’adopter la proposition de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)