Les interventions en séance

Droit et réglementations
Vincent Delahaye 08/04/2013

«Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe-Articles additionnels avant l’article 1er-Explication de vote »

M. Vincent Delahaye

À cet instant du débat, beaucoup de choses ont déjà été dites. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)Pour ma part, j’ai été très impressionné par la mobilisation de centaines de milliers de Français, de millions de Français, pour défendre leurs convictions. Quelques débordements se sont produits, sur lesquels certains ont beaucoup insisté ici. Personnellement, je les condamne et je dis à leurs auteurs que les actes qu’ils commettent ne servent pas la cause qu’ils défendent. Quoi qu’il en soit, ces incidents ne doivent pas nous faire oublier cette mobilisation des Français, et je suis surpris du peu d’écoute dont fait preuve le Gouvernement, surtout dans la situation qui est la sienne actuellement. Il me semblerait normal que le Gouvernement adopte une attitude favorisant le rassemblement, ce qui n’est pas si difficile à faire. Les amendements déposés par l’opposition sénatoriale, notamment ceux du groupe UDI-UC, visent à créer une union civile ouverte à tous, y compris aux couples hétérosexuels. Ils esquissent une piste rendant possible un rassemblement, et le Gouvernement devrait la suivre. Pour l’instant, nous avons l’impression de poursuivre un dialogue de sourds avec le Gouvernement, qui nous entend, mais ne nous écoute pas ! Les diverses interventions qui se sont succédé montrent que des sensibilités différentes s’expriment au sein des groupes UMP ou UDI-UC, mais, sur les autres travées, on n’entend aucune divergence, alors que, nous le savons bien, là aussi, différentes sensibilités existent ! Pour ma part, j’ai recherché quelques citations intéressantes, notamment de Lionel Jospin… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il disait : « L’enfant n’est pas un bien que peut se procurer un couple homosexuel ou hétérosexuel, il est une personne née d’une union, quelle qu’en soit la modalité, d’un homme et d’une femme. J’entends parler de droit à l’enfant alors que l’on devrait mettre en avant le droit de l’enfant : droit de l’enfant à avoir un père et une mère, droit de l’enfant à connaître ses origines. » J’ai bien sûr retrouvé des propos souvent cités, ceux d’Élisabeth Guigou, à l’époque des débats sur le PACS, il y a quinze ans : « Un enfant a droit à un père et une mère. Ce droit de l’enfant ne peut dépendre du statut juridique du couple de ses parents. […] Je veux être parfaitement claire. Je reconnais totalement le droit de toute personne à avoir la vie sexuelle de son choix. […] Mais je dis avec la plus grande fermeté : ce droit ne doit pas être confondu avec un hypothétique droit à l’enfant. » Plus récemment, la députée-maire socialiste de Chambéry, Bernadette Laclais, déclarait : « […] au nom de l’égalité des droits entre adultes, faut-il créer par la loi des inégalités entre enfants ? » Enfin, je citerai le courageux maire socialiste de Chasselas, en Saône-et-Loire : « Moi, homosexuel, je souffre de ne pas avoir d’enfants ; c’est l’une des limites dans ma vie. Mais je ne demande ni à l’État ni à la science de la combler : par respect pour moi-même et pour les enfants. J’accepte les lacunes liées à la nature même de l’homosexualité, des lacunes que l’institution du mariage pour tous ne comblerait en rien. Moi, élu et citoyen, je rejette, avec force et détermination, cette société matérialiste et consumériste qui voudrait légitimer le droit à l’enfant. Je rejoins ainsi l’immense majorité des personnes homosexuelles qui ne sont pas pacsées, qui n’ont pas d’enfant, et qui ne réclament que le respect de leur différence. » À dialoguer comme j’ai pu le faire avec des associations représentant les homosexuels et avec de nombreux homosexuels non affiliés, on se rend compte que leurs exigences bien légitimes de reconnaissance et de non- discrimination à leur encontre vont rarement aussi loin que le texte qui nous est présenté, notamment dans sa partie adoption. Je pense que le Gouvernement et l’ex-candidat à la présidence de la République, François Hollande, se sont laissés abuser par un collectif inter-LGBT qui ne représente qu’une infime minorité des personnes homosexuelles luttant pour la reconnaissance de leurs droits. Si chacun faisait preuve d’esprit constructif – je crois que c’est aussi le rôle des élus et du Gouvernement –, il serait possible de se rejoindre sur cette union civile ouverte à tous, aux couples homosexuels, comme aux couples hétérosexuels, laquelle union n’ouvre pas le droit à l’adoption, notamment à l’adoption plénière. Il s’agit en effet de permettre aux enfants adoptés d’avoir un père et une mère et de connaître leurs origines. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai l’amendement qui a été déposé par François Zocchetto au nom du groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)