Les interventions en séance

Catherine Morin-Desailly, Laurent Lafon 08/02/2018

«PROPOSTION DE LOI ORIENTATION ET RÉUSSITE DES ÉTUDIANTS (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) - Discussion générale»

N/A

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture . - Certains membres de notre commission se sont légitimement posé des questions : le calendrier est court, la rentrée universitaire se prépare. Est-il opportun d'appliquer par anticipation une loi non votée ? Mme la Ministre a précisé que les dispositions déjà prises ne supposaient pas de base législative.

C'est pourquoi notre commission de la culture a repoussé cette motion. Je rappelle que le Conseil d'État et la CNIL ont mis en demeure le Gouvernement d'agir. Il ne peut donc y avoir d'année blanche, sauf à supprimer la rentrée universitaire !


M. Laurent Lafon . - Même si les délais sont courts, nous partageons le souci du Gouvernement de mettre en place un système opérationnel avant la rentrée prochaine. La mise en demeure de la CNIL et la décision du Conseil d'État l'imposent. Nous partageons les grandes orientations de ce projet de loi. D'abord, la mise en place d'un processus de sélection dans les filières en tension pour éviter que des bacheliers mal orientés ne se retrouvent en difficulté - sujet sur lequel Jean-Léonce Dupont était précurseur. Maintenir le principe d'accès à l'enseignement supérieur à chaque bachelier qui le souhaite, instaurer un accompagnement en première année, créer des liens avec le lycée en impliquant les professeurs principaux dans l'orientation : tout cela va dans le bon sens. La suppression du régime de sécurité sociale étudiant et leur rattachement au régime général sont également bienvenus. Cependant la réforme de l'enseignement supérieur ne peut s'arrêter là et les pistes ouvertes par ce texte restent à approfondir. Le taux d'échec à l'université illustre les défauts qui subsistent dans notre système d'orientation - je vous renvoie au rapport de notre collègue Kennel pour la commission. Ce projet de loi n'améliorera pas significativement la situation. L'orientation doit être repensée selon certains principes : aider le jeune à trouver la filière qui correspond à la fois à ses aptitudes et aux perspectives d'emploi ; laisser différents temps d'orientation, dès la troisième et jusqu'à la licence ; accorder un droit à l'erreur en permettant de changer d'orientation. L'organisation du premier cycle de l'université reste marquée par des schémas anciens. Il faudrait introduire de la souplesse en privilégiant un système modulaire dans lequel les étudiants pourraient adapter leur scolarité, changer de filière sans perdre forcément un an, et passer leur licence en quatre ans - ou en deux s'ils le peuvent. Le premier cycle peut être aussi une voie d'accès direct au marché du travail, à travers des licences adaptées. Le projet de loi introduit un accompagnement individuel et une remise à niveau pour les étudiants les plus faibles. C'est une bonne mesure mais elle reste insuffisante. Une année propédeutique permettrait à la fois de remettre à niveau et de mieux orienter sans mettre le jeune dans une situation d'échec. Nous aurons des amendements sur ce point. L'accès à l'enseignement supérieur des bacheliers professionnels et technologiques pose problème. Certes, il n'est pas souhaitable de laisser les élèves les plus fragiles s'inscrire à l'université où ils risquent de se retrouver en situation d'échec. Réserver un nombre minimum de places va dans le bon sens, mais il faut surtout plus d'accompagnement.  Les difficultés de la rentrée 2017 sont l'échec des gouvernements successifs qui n'ont pas anticipé l'accroissement du taux de réussite au baccalauréat et le babyboom de l'an 2000, engendrant mécaniquement un pic d'entrants dans l'enseignement supérieur.  Le Gouvernement a annoncé un plan d'un milliard d'euros sur le quinquennat. Nous serons attentifs, même si les moyens ne font pas tout. 

Nous sommes plutôt favorables à ce texte, première étape pour débloquer la situation. Nous le voterons en responsabilité, mais il faudra être encore plus ambitieux dans la réforme. C'est le sens des amendements que nous défendrons.


M. Laurent Lafon . - Ce texte était nécessaire, les décisions du Conseil d'État et de la CNIL imposaient de sortir d'APB. Il fallait faire en sorte que l'inscription universitaire des bacheliers 2018 soit plus sereine. Nous pouvons nous satisfaire du travail du Sénat, en commission comme en séance plénière. L'examen de ce texte, parce qu'il est à la charnière de plusieurs problématiques, ne pouvait que susciter des frustrations. Pour autant, des portes ont été ouvertes : ainsi de la sélection dans les filières en tension ou encore de la coordination entre le lycée et l'université.

Des points restent à voir en CMP : l'articulation entre recteur et chef d'établissement et la prise en compte des débouchés professionnels. Le groupe UC sera attentif à la touche finale que le Sénat apportera à ce texte.


Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - Merci à tous, et notamment aux membres de notre commission, qui se consacrent à l'examen de ce texte depuis plusieurs semaines. Madame la Ministre, merci d'avoir été précise et à l'écoute. Nous avons abordé ce texte avec pragmatisme et exigence : il fallait bien remédier à l'effondrement juridique d'APB mais aussi aller au bout des choses. Nous examinerons bientôt le texte sur l'apprentissage, qui traite aussi de l'objectif de l'insertion professionnelle. Dans ce monde qui évolue extrêmement vite à la faveur des mutations technologiques, nous devons rester agiles et adaptables car nous ne pouvons prédire quels seront les métiers de demain. Il faut s'inscrire dans une logique de formation tout au long de la vie. Le texte évoluera en CMP. Nous trouverons les voies d'un équilibre sur le dernier mot en cas de « oui, si » et sur les finalités de l'enseignement, entre épanouissement personnel et débouchés professionnels.