Les interventions en séance

Aménagement du territoire
06/04/2010

«Projet de loi portant sur le Grand Paris»

Mme Catherine Morin-Desailly.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’analyse de ce texte primordial, largement amélioré par les travaux de la commission spéciale et par ceux de notre collègue rapporteur Jean-Pierre Fourcade, m’inspire une appréciation positive. Ce projet de loi est la première pierre d’un édifice ambitieux sur le long terme, non seulement parce qu’il tente de projeter Paris au rang des grandes métropoles mondiales, mais aussi parce que le futur Grand Paris transcende les frontières de l’actuelle « agglomération parisienne » ou de la région d’Île-de-France. Si la finalité de ce texte est ambitieuse, les dispositions sur lesquelles nous allons débattre sont en revanche plus pragmatiques : elles prévoient la création d’un réseau de transports reliant les espaces périphériques entre eux et le développement d’un pôle scientifique d’ampleur inégalée à Saclay. Ces deux projets structurants forment l’armature sur laquelle reposeront les autres projets économiques, politiques et humains ; en découlent les autres dispositions largement commentées par mes collègues Yves Pozzo di Borgo et Denis Badré, je ne m’y attarderai donc pas : la création de la société du Grand Paris, de l’établissement de Paris-Saclay et les contrats de développement territorial. Je les vois essentiellement comme autant d’outils juridiques et de gouvernance, servant l’efficacité de la mise en œuvre des deux projets. Si je trouve la structure du projet de loi satisfaisante, je souhaiterais cependant attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur l’une de ses faiblesses actuelles. En termes géographiques, avec mes collègues du groupe centriste Jean-Léonce Dupont et Hervé Maurey, je suis vigilante à la manière dont le Grand Paris est amené à s’ouvrir sur la Normandie, afin de bénéficier d’une « façade maritime » voulue par le Président de la République. « À son désavantage, la capitale française est continentale », remarquait Fernand Braudel dans L’identité de la France. Il est certain que, si la métropole parisienne veut rester demain dans le peloton restreint des métropoles de rang mondial, elle doit se donner les moyens de maîtriser la puissance des flux commerciaux : cette volonté lui commande de se connecter à sa façade maritime.
Voilà pourquoi, en tant que normande, j’ai été surprise, ainsi que plusieurs de mes collègues, de l’absence de référence à cette façade maritime dans le projet de loi initial. Le travail réalisé par la commission spéciale, et notamment l’apport de mon collègue de Seine-Maritime Charles Revet, a heureusement permis de soulever certaines questions, dont celle de la liaison entre Paris et la Normandie, tant pour le transport à grande vitesse de voyageurs que pour le transport multimodal de marchandises à partir du Havre. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen de l’article 2. La réflexion sur le Grand Paris, monsieur le secrétaire d’État, doit absolument rejoindre la réflexion menée aujourd’hui par les deux Normandies. Je rappelle d’ailleurs que l’autre ambition lancée par le Président de la République lui-même était bien la réunification de ces deux mini-régions, arbitrairement séparées au début des années 1950. En effet, si la Seine est bien une artère stratégique de ce projet, n’oublions pas qu’elle se jette dans la mer en Haute-Normandie et en Basse-Normandie. Le projet Seine Métropole, fort intéressant, ne saurait ainsi se résumer à envisager le fleuve comme un simple couloir de transit des marchandises et des savoirs vers le Havre, ni à faire de la Seine-Maritime, et, du coup, l’ensemble de notre région, la banlieue périphérique de la capitale. Le « grand pari », sans « s », pour reprendre la formule d’Antoine Grumbach, doit reposer sur la mobilisation de tous les acteurs. Celle-ci permettra non seulement de développer l’axe de la Seine autour d’un projet éco-responsable qui concernera les deux ports maritimes de Rouen et du Havre, mais aussi de valoriser les atouts d’une Normandie réunifiée autour du réseau Rouen-Caen-Le Havre. Ainsi, des projets d’envergure, comme la ligne ferroviaire pour le TGV normand, pourront être réalisés. Avec le Grand Paris, c’est tout autant le développement stratégique de ce territoire, dans toutes ses dimensions – transports, économie, universités, culture... – qu’il faudra prendre en compte. Sur ces questions, les Normands sont déterminés à ne pas laisser passer cette opportunité, de même qu’ils sont résolus à ce que tous les atouts de nos ports soient exploités : après la crise, lorsque la mondialisation sera relancée, ceux-ci sont amenés constituer une porte d’entrée majeure de l’Europe, concurrente des ports hanséatiques. Pour nous, le Grand Paris, vous l’aurez compris, appelle la grande Normandie et réciproquement ! Celle-ci, croyez-le bien, a beaucoup à apporter, elle aussi, au développement du territoire francilien en termes d’opportunités. Pour être une bonne locomotive de l’économie française et européenne, monsieur le secrétaire d’État, le Grand Paris doit accrocher le plus grand nombre de wagons. Nous ne doutons pas que vous y serez particulièrement vigilant ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)