Les interventions en séance

Economie et finances
Jean-Jacques Lasserre 06/02/2013

«Proposition de loi, visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l՚Union européenne»

M. Jean-Jacques Lasserre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons d’un texte qui semble faire l’unanimité, aussi bien à l’Assemblée nationale, où il a été adopté par tous les groupes politiques, qu’au sein de la commission du développement durable, qui y a seulement apporté quelques modifications techniques. À ce titre, je souhaite remercier tous ceux qui ont contribué à l’élaboration de ce texte consensuel, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et notamment son rapporteur, Vincent Capo-Canellas, fin connaisseur du secteur des transports aériens. Même si les transports aériens sont considérés comme les plus fiables, la volonté de renforcer toujours davantage les niveaux de fiabilité et de sécurité afin d’éviter au maximum les accidents ne peut être que positive. Dans ce domaine, les conséquences d’un défaut de précautions sont trop graves. Ce texte, qui s’intitulait initialement « proposition de loi visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne » et qui a été rebaptisé par nos collègues, en commission, « proposition de loi visant à renforcer l’information des voyageurs lors de la commercialisation de titres de transports sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne », relève donc du bon sens. Il vise principalement à garantir une meilleure information des usagers, donc davantage de transparence, et une meilleure protection des usagers, donc plus de sécurité dans les transports aériens. Tous ces éléments enrichissent l’éventail des outils existants, qui s’appuient principalement sur la prévention, le contrôle et la sanction. Cette proposition de loi vient en effet renforcer, à juste titre, ce que le règlement européen de décembre 2005 avait mis en place. Depuis 2005, la Commission européenne a instauré la fameuse « liste noire » des compagnies interdites d’exploitation en Europe, qu’elle actualise régulièrement – la dernière fois en décembre dernier –, ainsi qu’un ensemble de dispositions créant une obligation d’informer les voyageurs sur l’identité du transporteur aérien effectif. Plus aucun vol, régulier ou charter, au départ ou à l’arrivée de l’Union européenne, ne peut donc se faire sur un appareil manifestement non conforme aux exigences minimales de sécurité. Une difficulté demeurait – et c’est là que cette proposition de loi trouve tout son intérêt – concernant les vols « de bout de ligne ». Il arrive que des usagers soient amenés à utiliser des transports figurant sur la liste noire et qu’ils n’aient même souvent pas d’autre choix. Cette situation se produit lorsque, au départ ou à l’arrivée de certains pays tiers de l’Union européenne, les passagers doivent emprunter un appareil d’une compagnie aérienne locale pour commencer ou terminer leur trajet. Dans un tel cas, l’interdiction d’exploitation européenne ne peut évidemment pas s’appliquer, puisqu’elle n’a de valeur juridique que dans le ressort territorial de l’Union européenne. On cite fréquemment l’exemple de Yemenia, dont le nom est associé au crash de 1999. Cette compagnie aérienne dispose d’un accord privilégié avec l’Union des Comores, qui en fait quasiment un transporteur national, et aux termes duquel « tout nouveau transporteur souhaitant exercer à Moroni devra d’abord consulter Yemenia ». L’accord de 1999 a été renforcé par un arrêté du ministère comorien des transports accordant à Yemenia l’exclusivité du transport des pèlerins vers La Mecque. Les passagers ne peuvent donc éviter de voyager sur cette compagnie dangereuse, la seule à desservir la destination choisie. Face à de tels cas, il faut responsabiliser les professionnels du secteur. La présente proposition de loi permet ainsi avec raison, et dans la marge de manœuvre assez réduite dont dispose la France au regard du droit européen, d’aller au-delà des normes minimales fixées par l’Europe en matière d’information précontractuelle. Certes, elle n’empêchera pas les avions dangereux de transporter des voyageurs ; des propositions en ce sens mériteraient d’ailleurs d’être formulées. La proposition de loi rend obligatoires deux informations : l’une, écrite et explicite, mentionnant le fait qu’un transporteur figure sur la liste noire européenne ; l’autre, relative aux solutions de substitution qui pourraient exister. Ce faisant, ce texte va beaucoup plus loin que le règlement européen, qui « se contente » de l’obligation de communiquer l’identité du transporteur aérien effectif au passager, lequel doit lui-même vérifier si le transporteur figure ou non sur la liste noire. Grâce à cette proposition de loi, les niveaux de sécurité des vols et d’information des passagers seront renforcés. Une sanction de 7 500 euros d’amende par titre de transport vendu en cas de non-respect du droit à l’information du consommateur participe à sa bonne application et à son efficacité. Je tiens par ailleurs à saluer la modération et la justesse qui caractérisent cette proposition de loi. La tentation était grande, en effet, d’interdire aux compagnies placées sur la liste noire la vente de titres de transports. Or cette mesure radicale aurait été, à mon sens, inapplicable dans de nombreuses parties du monde, les alternatives de transports étant souvent réduites, voire nulles. Plutôt qu’une logique d’interdiction de la commercialisation en France des vols à risque dans des pays tiers, c’est une logique de renforcement de l’information précontractuelle, écrite et explicite, des voyageurs qui a été choisie. Les usagers ne peuvent plus acheter ce type de billets sans avoir une idée claire et précise du risque qu’ils encourent. Au regard de tous ces éléments, l’ensemble du groupe UDI-UC ne peut que voter cette proposition de loi visant à renforcer l’information des voyageurs lors de la commercialisation de titres de transports sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne. Si notre pays a été un précurseur en matière d’établissement d’une liste noire des compagnies aériennes, il serait bon que ce texte, protecteur pour les consommateurs, soit également l’amorce d’une réglementation européenne. (Applaudissements.)