Les interventions en séance

Droit et réglementations
Hervé Marseille 05/04/2013

«Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe-Motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi»

M. Hervé Marseille

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en rejoignant le Sénat ce matin pour poursuivre nos travaux, je réfléchissais à notre rôle, à la responsabilité qui est la nôtre au moment où notre pays traverse une tourmente économique, politique également, mais surtout sociale : déficit des comptes publics, qui explosent, accumulation des dettes, dégradation incessante de la situation de l’emploi. Nombreux sont les Français durement affectés par les conséquences de la crise qui sévit. On leur demande, y compris aux plus humbles d’entre eux, de faire beaucoup d’efforts afin de relever ces défis. Lorsqu’ils s’informent à la télévision ou à la radio sur les moyens mis en œuvre par le Gouvernement pour sortir la France de l’ornière, nos concitoyens observent des choses un peu irréelles. L’ordre du jour dicté par le Gouvernement au Parlement nous conduit à discuter des dates mémorielles, à modifier les modes de scrutin, à revoir le découpage des cantons, à modifier les dates électorales, enfin à mobiliser – ou plutôt à diviser – le pays sur la question du mariage homosexuel, lequel est élevé au rang de priorité. Comment ces Français – à Florange, chez Goodyear à Amiens, chez Peugeot, chez Renault, chez Alcatel – peuvent-ils nous juger ? Était-il si urgent de traiter ce sujet alors que les familles françaises font face à des problèmes si importants ? On nous dit qu’il s’agit là de mettre en œuvre une promesse du candidat Hollande, aujourd’hui Président de la République. Or ce n’est pas la seule promesse qu’il a faite, et ce n’est certainement pas la plus urgente. Nombre de nos concitoyens sont inquiets. Ils le sont d’autant plus que ce n’est pas tant l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe qui les préoccupe que ce que cela pourrait cacher. Quelle sera la place de l’enfant dans ce nouveau dispositif ? Mme Bertinotti nous a dit que M. le Président de la République s’était engagé sur le mariage et sur l’adoption, rien que sur le mariage et l’adoption ; mais un aspect reste très flou : la procréation médicalement assistée. Au moment où la parole publique est sérieusement déconsidérée, je vous rappelle que le 31 mars 2012, aux Folies Bergère – cela ne s’invente pas ! –, Mme Vallaud-Belkacem, alors porte-parole officielle du candidat Hollande, détaillait son programme devant les participants au meeting pour l’égalité organisé par les associations homosexuelles. Elle a clairement annoncé l’ouverture de la PMA avec donneur anonyme à tous les couples, sans discrimination, comme l’ont déjà fait les socialistes belges et espagnols. Elle précisait même le calendrier de cette réforme, laquelle devait intervenir au printemps 2013. Nous y sommes. Ce texte est donc ambigu. Beaucoup le redoutent, beaucoup le combattent. La question de la PMA a été renvoyée au projet de loi sur la famille annoncé pour le mois d’octobre. Le Comité consultatif national d’éthique a été saisi, son avis est attendu. Peut-on vraiment séparer la PMA du mariage pour tous ? Nous ne le pensons pas. Le projet de loi étend aux couples de personnes de même sexe le bénéfice des dispositions relatives à l’adoption plénière – c’est l’article 345-1 du code civil –, qui prévoit que l’adoption plénière de l’enfant du conjoint est permise lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint. Cette situation est celle dans laquelle va se trouver l’enfant conçu par un couple de femmes au moyen d’une PMA réalisée à l’étranger. Dans cette hypothèse, l’enfant voit sa filiation établie à l’égard de celle des deux femmes qui l’a mise au monde. La branche paternelle de sa filiation est donc vacante. Dès lors, en raison de l’anonymat du don de sperme, l’enfant peut être adopté, au sens de l’article 345-1 du code civil. Alors, quand bien même le projet de loi sur la filiation ne remettrait pas en cause l’altérité sexuelle comme condition d’accès à la PMA, le mécanisme de l’adoption permettrait aux couples qui le voudront et qui le pourront de contourner la loi. Enfin, on peut estimer que la Cour européenne des droits de l’homme n’acceptera pas que des personnes se trouvant dans des situations identiques soient traitées différemment. Si les couples hétérosexuels mariés peuvent accéder à la PMA, refuser cet accès aux couples homosexuels sera alors susceptible d’être considéré comme une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Vous nous assurez que la liberté des adultes est un principe absolu et que les règles de procréation sont sources de discrimination. La suite logique – nous la connaissons, et cela a été dit à de nombreuses reprises par différents orateurs–, c’est l’accès à la PMA. Il faut donc dire les choses clairement aux Français. Dans ces conditions, le référendum peut leur permettre de s’exprimer sur un sujet qui touche au plus profond de notre société. Des voies de convergence étaient possibles, mesdames les ministres. Nous aurions pu converger vers un peu plus de reconnaissance des droits des couples homosexuels et instaurer un engagement d’union civile, mais vous l’avez refusé. C’est l’honneur de la République que de chercher à dégager des positions aussi partagées que possible. Nous en avons été capables parfois, après des débats importants, forts. Cela a ainsi été le cas sur les questions de la fin de vie ou du port du voile à l’école. Le débat a été fort, il continue de l’être. Aujourd’hui, il y a plus d’affrontements que de débat, car ce débat, vous l’avez abordé comme un rapport de forces. Ainsi, monsieur le rapporteur, avez-vous répondu au philosophe Thibaud Collin, lors de son audition par la commission, après qu’il eut rappelé le texte liminaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui prévoit que le mariage civil s’inscrit dans un ordre humain, universel, fondé sur le partage d’une nature humaine commune : « Ce qui est juste, c’est ce que dit la loi. Et celle-ci ne se réfère pas à un ordre naturel, mais à un rapport de force à un moment donné ». Vous concédiez ensuite : « C’est le point de vue marxiste. Je provoque un peu. », mais je crois que vous le pensiez réellement. Le référendum peut être une façon de sortir par le haut. L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe était un engagement présidentiel, nous dit-on. C’est vrai. Cela signifie-t-il qu’il faille adopter les engagements sans en discuter ? Mais alors, que faisons-nous ici ? Dans ce cas, ce n’est pas la peine de réunir le Parlement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Un référendum, ce n’est pas la victoire d’une majorité sur une autre. C’est simplement le verdict populaire sur un sujet qui concerne tous les Français. Mme David a avancé des arguments juridiques, indiqué qu’il s’agissait d’un débat sociétal, et pas vraiment d’un débat de société. Pensez-vous que le Conseil constitutionnel irait jusqu’à censurer la demande du Président de la République visant à consulter les Français sur un sujet aussi important ? Pour notre part, nous ne le pensons pas. Au demeurant, certains dans votre majorité envisageaient un référendum sur le cumul des mandats ou le vote des étrangers afin de connaître l’avis des Français. Sur un sujet tel que celui-ci, comment ne pas demander l’avis des Français ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.) Il ne faut pas craindre le verdict populaire. Sur un sujet tel que celui-ci, sur lequel autant de Français sont mobilisés, chacun doit être consulté. Tel est le souhait du groupe UDI-UC. Prendre le train de l’histoire, ce n’est pas continuer de débattre ici, c’est consulter les Français sans attendre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)