Les propositions de loi

Energie
04/11/2008

«Proposition de résolution européenne sur la réduction d՚émissions de gaz à effet de serre»

 

Le texte de la proposition de résolution en PDF, version imprimable :

PRE-M.Deneux-reduction_emissions_gaz_a_effet_de_serre-novembre2008.pdf  

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs, Le mercredi 23 janvier 2008, la Commission européenne a proposé une série de mesures législatives tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables (ENR), dans le but principal de lutter contre le réchauffement climatique. Ce « paquet énergie-climat » s’inscrit dans le droit fil de la communication de la Commission du 10 janvier 2007, « Limiter le réchauffement de la planète à deux degrés Celsius (1) », dans laquelle celle-ci avait posé les bases de la stratégie de l’Union européenne de lutte contre le changement climatique. Des actions concrètes étaient ainsi envisagées pour limiter les effets de cette évolution et réduire la probabilité de perturbations majeures et irréversibles au niveau planétaire. Le « paquet énergie-climat », qui est un des volets de cette stratégie énergétique, constitue donc la réponse de l’Union européenne à l’une des préoccupations majeures des Européens (2). Ce paquet se compose de quatre propositions : - une proposition de directive modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre ; - une proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020 ; - une proposition de directive relative au stockage géologique du dioxyde de carbone (3) ; - une proposition de directive relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.   1 « Limiter le réchauffement climatique à 2 degrés Celsius-Route à suivre à l’horizon 2020 et au delà » [COM(2007)2 final] 2 C’est le résultat principal d’une enquête Eurobaromètre sur « l’attitude des Européens face au changement climatique » publiée le 11 septembre 2008 par la Commission. 3 Et modifiant les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Conseil, ainsi que les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et le règlement (CE) n° 1013/2006.   L’enjeu de ces propositions est considérable compte tenu de l’ambition de l’Union européenne de créer les conditions propices à l’émergence d’une nouvelle révolution industrielle et d’une économie sobre en carbone. Toutefois, si l’UE doit montrer l’exemple en étant à l’avant garde de la lutte contre le réchauffement climatique, cela ne doit pas se faire au détriment du maintien des activités industrielles sur son territoire. En effet, si les autres États de la planète ne mettent pas en place des mécanismes similaires à ceux développés au sein de l’Union, il en résultera, mécaniquement, pour nos entreprises, une distorsion de concurrence qui provoquerait inéluctablement des « fuites de carbone (4) », sans aucun gain pour l’environnement. Le ralentissement économique actuel ne doit pas retarder le passage à une économie sobre en carbone, mais constitue au contraire une raison supplémentaire de l’accélérer, dans la mesure où ce processus est générateur d’économies d’énergies, positives pour les entreprises et les ménages, ainsi que de créations d’emplois dans de nouvelles filières. Suite à la présentation du « paquet énergie-climat », votre commission des affaires économiques a décidé de créer un groupe de travail, composé de onze sénateurs (5), chargé d’étudier les documents soumis à la discussion par la Commission européenne afin d’éclairer le Sénat. Ce groupe a procédé à des auditions en France et à Bruxelles, ainsi qu’à un déplacement (6) afin de prendre connaissance des positions des nombreux acteurs concernés par les propositions législatives de la Commission européenne. La proposition de résolution soumise à l’examen de votre assemblée constitue, par conséquent, le fruit de ces travaux. Son auteur, président de ce groupe, forme des vœux pour que cette contribution au débat sur le changement climatique soit de nature à orienter et à appuyer les positions défendues par les autorités françaises actuellement en charge de la présidence de l’Union européenne, notamment dans la perspective d’un accord politique sur le « paquet énergie-climat » qui pourrait intervenir lors du Conseil des ministres européens en charge de l’énergie, les 8 et 9 décembre prochain. 4 Il s’agit d’une délocalisation d’activités fortement émettrices de GES de l’Union européenne vers des pays tiers. 5 A la suite du renouvellement sénatorial et en raison de changements intervenus dans la composition de la commission, ce groupe est, au moment du dépôt de la présente proposition de résolution, composé de sept sénateurs. 6 Votre groupe de travail s’est rendu à l’Institut national de l’énergie solaire (INES) sur le site du parc technologique de Savoie Technolac.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat, Vu l’article 88-4 de la Constitution, Vu le plan d’action sur la politique énergétique européenne adopté par le Conseil européen des 8 et 9 mars 2007, Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020, Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Conseil, ainsi que les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et le règlement (CE) n°1013/2006, Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, Considérant que l’Union européenne est, dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles, confrontée à la croissance de ses besoins énergétiques et aux défis du réchauffement climatique ; Constatant la nécessité d’assurer un équilibre entre les trois objectifs de durabilité, de compétitivité et de sécurité d’approvisionnement, pour construire une politique européenne de l’énergie cohérente ; Jugeant que les mesures du paquet énergie-climat constituent un ensemble intégré dont l’architecture et la cohérence doivent être maintenues afin de ne pas compromettre la réalisation des objectifs globaux ; Notant que la crédibilité de l’Union européenne sur la scène internationale, en matière de lutte contre le changement climatique, dépendra largement de sa capacité à trouver un accord sur le paquet énergie-climat ; Considérant que les actions qui contribuent à l’efficacité énergétique ont un impact positif sur la compétitivité des entreprises, sur le pouvoir d’achat des ménages, ainsi que sur la création d’emplois dans de nouvelles filières ; Estimant nécessaire que les entreprises européennes soient soumises à des règles stables, harmonisées et non discriminatoires, en matière d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre (GES) ; Considérant que les industries européennes fortement consommatrices d’énergie sont exposées à un risque réel de délocalisation dont l’impact sur l’emploi serait non négligeable pour l’Union européenne ; Étant donné qu’il est nécessaire d’utiliser les revenus résultant de la mise aux enchères des quotas d’émission de GES pour financer prioritairement des actions en vue de réduire les émissions, de favoriser les activités de recherche et de développement dans le domaine de la réduction des émissions ou de développer les énergies renouvelables (ENR) à l’échelle de l’Union européenne ; Constatant que la répartition de l’effort de réduction des émissions de GES pour les secteurs ne relevant pas du système communautaire d’échange de quotas d’émission fait apparaître de très fortes disparités nationales ; Estimant nécessaire que l’Union européenne reconnaisse le rôle du nucléaire comme une énergie non carbonée qui participe pleinement à la réduction du volume d’émission de GES ; Étant donné le rôle déterminant que les ENR peuvent jouer dans la réduction de la dépendance énergétique et le renforcement de la sécurité d’approvisionnement, par la diversification du bouquet énergétique de chacun des États membres de l’Union européenne ; Considérant que l’impossibilité de cumul des mécanismes de soutien nationaux aux ENR et du système de certificat de garanties d’origine constitue un frein important aux échanges entre les États de ces certificats ; Notant que dans le contexte mondial actuel de tensions sur les prix des matières premières agricoles, il est important de veiller à ce que le développement de la production de biocarburants ne se réalise pas au détriment d’espaces protégés ou de cultures vivrières ; Constatant que les technologies de captage et stockage du dioxyde de carbone (CO2) pourraient, à terme, fortement contribuer à la réduction des émissions de GES et à la lutte contre le réchauffement climatique ; 1. Juge indispensable de prévoir un mécanisme répondant au problème des « fuites de carbone » pour les industries européennes fortement consommatrices d’énergie soumises à la concurrence internationale, soit à travers un dispositif d’allocations gratuites, soit par l’instauration d’un mécanisme d’ajustement aux frontières. 2. Juge indispensable, au cas où la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux frontières ne serait pas retenue, que les secteurs exposés aux fuites de carbone bénéficient de 100 % de quotas d’émissions gratuits, et que les secteurs de l’industrie manufacturière non soumis à ce risque bénéficient d’une mise aux enchères progressive entre 2013 et 2020. 3. Souhaite que la Commission européenne mentionne explicitement les mesures visant à soutenir les industries fortement consommatrices d’énergie potentiellement concernées par ces « fuites de carbone » avant le mois de juin 2010, au cas où un accord international n’apporterait pas de garantie suffisantes en la matière, et dans cette perspective, demande à la Commission de prévoir des critères précis et quantitatifs permettant de déterminer, dès 2009, la liste des secteurs concernés. 4. Demande une clarification de la proposition de directive relative au système communautaire d’échange de quotas d’émission de GES, afin de rendre obligatoire, et non pas indicative, l’affectation d’une partie des revenus tirés de la mise aux enchères de ces quotas, à des actions de lutte contre le changement climatique et de transition vers une économie sobre en carbone, juge en outre insuffisant le taux d’affectation actuellement prévu, de 20 % au maximum, et souhaite en conséquence une augmentation de celui-ci. 5. Souhaite l’augmentation du taux de report possible, d’une année sur l’autre, des objectifs nationaux fixés dans la décision sur le partage des efforts en matière de réduction des émissions de GES pour les secteurs hors du système communautaire d’échange de quotas d’émission. 6. Juge indispensable que les crédits au titre des mécanismes de développement propre (MDP) soient octroyés en supplément des réductions obligatoires des États membres plutôt qu’en compensation de leurs propres émissions. 7. Demande que des objectifs intermédiaires contraignants de réalisation d’installations de production d’énergies renouvelables par filière soient fixés au niveau européen. 8. Demande la modification de la proposition de directive sur les ENR afin de permettre une plus grande flexibilité en autorisant explicitement l’utilisation conjointe du système d’échange de garanties d’origine et des dispositifs de soutien nationaux. 9. Souhaite la mise en place d’un mécanisme de contrôle efficace des effets indirects de l’utilisation des sols pour la production de biocarburants, afin de permettre un juste équilibre entre les besoins de production agricole alimentaire et non alimentaire. 10. Suggère la création d’un Fonds européen dédié à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables sur le modèle du Fonds de cohésion ou du Fonds européen de développement régional. 11. Juge indispensable que la mise en place des unités de captage et de stockage du CO2 repose sur des techniques sûres pour l’environnement et la santé humaine et que les douze usines de démonstration prévues d’ici 2015 bénéficient de financements adéquats des États membres en complément de l’apport du secteur privé. Dans cette perspective, demande que la signature des contrats de construction des sites pilotes intervienne dès 2009 compte tenu des délais de concrétisation.