Les interventions en séance

Entreprises
04/06/2014

«Projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises-Conclusions de la CMP»

Mme Muguette Dini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les premier et troisième titres de ce projet de loi que, globalement, nous approuvons. Je me concentrerai sur le deuxième, qui traite de la réforme du régime de l’auto-entrepreneur. Les crispations nombreuses entre les artisans et les auto-entrepreneurs sont bien connues : concurrence déloyale, distorsion entre régimes de cotisations, différences des régimes professionnels applicables, tels étaient les maux qui affligeaient le monde de l’artisanat depuis 2009 et la création du régime de l’auto-entreprise. La crise économique n’a fait que souffler sur les braises d’une tension larvée entre professionnels travaillant bien souvent dans des conditions proches ou, du moins, dans les mêmes secteurs d’activité. Le malaise des artisans demandait ainsi une réponse législative rapide et réfléchie ; c’est l’objet même de notre discussion d’aujourd’hui, au-delà du cycle de débats législatifs qui a scandé la présente session. Nous arrivons en effet aujourd’hui au terme d’un marathon législatif qui aura duré presque une année. La concertation avec les acteurs du monde artisanal a commencé dès juillet 2013 afin de parvenir à l’élaboration du texte du Gouvernement. Près de onze mois plus tard, nous voilà donc sur le point d’adopter définitivement un texte, dont le mérite principal sera de ramener une certaine concorde entre les auto-entrepreneurs et les artisans tout en facilitant les conditions d’activité de ces derniers. Je ne peux que souligner, pour m’en féliciter, la qualité du travail réalisé par la commission des affaires économiques, sous la houlette de son président Daniel Raoul, et par son rapporteur, Yannick Vaugrenard. Au-delà, je tiens à saluer le travail de qualité mené au Sénat, notamment en séance publique. En effet, nous sommes parvenus à infléchir le texte de façon notable par voie d’amendements. Le débat parlementaire a pu avoir lieu en toute sérénité sans pour autant dénaturer l’intention initiale du Gouvernement. Un équilibre a été trouvé de manière à satisfaire les besoins des artisans sans supprimer pour autant l’intérêt de l’auto-entreprise. La commission mixte paritaire a respecté les grandes lignes de l’équilibre trouvé entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat en adoptant le texte qui nous est aujourd’hui soumis. Du point de vue du groupe UDI-UC, que je représente aujourd’hui, le bilan est relativement satisfaisant : quatre des cinq amendements adoptés par le Sénat sur l’initiative des sénateurs centristes demeurent dans la rédaction finale. En dépit de ce bilan satisfaisant, je regrette toutefois que mon amendement à l’article 13 bis visant à instaurer une obligation de formation pour les auto-entrepreneurs sur le point de basculer dans le régime de droit commun de cotisations sociales des artisans n’ait pas été retenu. En effet, le régime de transition entre l’auto-entrepreneuriat et l’artisanat est la clé de voûte du présent texte. Formation et accompagnement, lors du passage d’un régime à l’autre, seraient pourtant nécessaires pour assurer une continuité dans l’activité et pour permettre à l’auto-entrepreneur de ne pas voir son activité décliner du seul fait d’une mauvaise anticipation des charges incombant à son nouveau statut. Le passage d’un statut à l’autre doit marquer la consolidation d’une activité professionnelle et non faire office de sanction ou de pénalité pour les nouveaux venus. Cette proposition a été reprise par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois dans le rapport d’information relatif à l’auto-entreprise, que j’ai rédigé avec notre collègue Philippe Kaltenbach et dont la publication a été autorisée à l’unanimité par la commission. Elle avait déjà été formulée par l’Inspection générale des finances, en 2010, ainsi que par une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, en 2013. La CMP a fait un choix différent en ne retenant pas mon amendement au motif que le dispositif préconisé n’était pas financé, en dépit du débat ayant eu lieu au Sénat. C’est aller un peu vite en besogne ! En effet, les auto-entrepreneurs sont soumis, depuis la loi de finances pour 2011, à un régime de cotisation destiné au financement de leur formation professionnelle. Cette cotisation, dont le montant varie entre 0,1 % et 0,3 % du chiffre d’affaires annuel selon le secteur d’activité, abonde un fonds estimé aujourd’hui par l’IGAS et par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois à près de 10 millions d’euros. Ces montants ne sont, de fait, pas identifiés et donc pas très utilisés. De plus, l’accompagnement des auto-entrepreneurs de leur régime initial vers le régime de droit commun ne concernerait, d’après les estimations que nous avons eu l’occasion de dresser dans notre rapport d’information, que de 50 000 à 70 000 personnes, celles justement susceptibles de voir leur statut changer à la suite de l’adoption du présent projet de loi. Il s’agissait donc non pas de financer une formation pour 900 000 personnes, mais bien d’assurer la pérennité d’activités viables en donnant toutes les chances aux auto-entrepreneurs prospères de s’adapter au passage au régime de droit commun. Le coût d’un tel dispositif ne dépassait pas les 10 millions d’euros du fonds. Cet amendement était donc totalement financé, le dispositif viable et la mesure jugée opportune par tous, sauf par la majorité des membres de la CMP, ce qui est bien dommage ! L’expérience que j’ai acquise dans cet hémicycle m’a montré que l’on avait toujours tort d’avoir raison trop tôt, et je suis sûre que le temps montrera, une fois de plus, que l’obligation de formation était ici nécessaire. Il est tout de même bien maladroit de prendre le risque de mettre en péril plusieurs milliers d’auto-entreprises avant de prendre conscience du bien-fondé de cette proposition. Aussi, les sénateurs centristes ne manqueront pas de se remettre à l’ouvrage en proposant de nouveau, dès que possible, ce dispositif qui s’avère nécessaire. Un dernier mot, enfin, sur la grande absente de notre débat : la question fiscale. On ne peut réformer le statut de l’artisan sans aborder son régime d’imposition. Le Gouvernement a fait un certain nombre d’annonces importantes lors de la présentation par le Premier ministre du pacte de responsabilité, notamment en matière de baisses de charges sociales. La question de l’accès des artisans au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou de leur régime général d’imposition reste néanmoins sans réponse. Aussi, je ne doute pas que les prochains débats budgétaires apporteront les compléments nécessaires, dans le domaine fiscal, au présent projet de loi. En dépit de cette absence, la rédaction proposée par la CMP respecte le travail du Sénat et des groupes parlementaires, ainsi que, bien évidemment, les souhaits des artisans. Dès lors, rien ne fait obstacle à ce que nous adoptions le présent texte. C’est pourquoi la très grande majorité des membres du groupe UDI-UC souscrira à la présente rédaction issue des travaux de la CMP et votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UMP et du groupe socialiste.)