Les interventions en séance

Agriculture et pêche
03/05/2011

«Proposition de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine»

M. Jean-Claude Merceron

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que sénateur de Vendée et élu local, j’ai été particulièrement bouleversé par les conséquences de la tempête Xynthia, qui a sévi sur le territoire du département où j’exerce mes responsabilités, le 28 février 2010. La conjonction de vents violents et de fortes marées a causé d’importantes inondations, qui ont elles-mêmes provoqué de lourds dégâts matériels ainsi que le décès de cinquante-trois personnes. Deux mois plus tard, des inondations dans le Var ont fait encore vingt-cinq morts. Nous n’oublions pas toutes ces victimes, ni les familles si durement éprouvées. À mon tour, je veux remercier chaleureusement tous ceux qui ont porté secours ou participé à cet immense élan de solidarité, qui a fait tant de bien. La violence des événements climatiques susceptibles d’entraîner une submersion marine des territoires situés sur le littoral doit retenir toute notre attention afin d’en limiter les effets sur les populations, faute de pouvoir agir sur les causes. Comme dans toute situation de crise, les uns et les autres ont pu chercher à se décharger de leurs responsabilités : les services de l’État, les élus locaux, les promoteurs immobiliers ou les propriétaires. Tout le monde a tort et raison à la fois, puisque, en réalité, les responsabilités sont partagées. J’y insiste, car c’est ma conviction : il y a eu des insuffisances et des carences à tous les échelons en matière d’évaluation et de gestion du risque. Certaines premières mesures d’urgence ont été prises, notamment le classement de centaines de maisons en zones « noires », rebaptisées ensuite « de solidarité », ou « jaunes ». Il s’agit maintenant de régler le problème au fond, d’anticiper ces phénomènes et d’en réduire les effets par des mesures concrètes. L’examen de la présente proposition de loi, un peu plus d’un an après la catastrophe, est ainsi d’une importance capitale pour nos territoires et leurs habitants, afin que ces événements ne se reproduisent plus. Rien ne devra être comme avant Xynthia ! Avant tout, je tiens à saluer l’initiative du président du Sénat Gérard Larcher  et des élus de Charente-Maritime et de Vendée, qui ont décidé, dès le 10 mars 2010, soit dix jours à peine après les événements, de constituer une mission d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia. Je remercie tout spécialement nos collègues Bruno Retailleau, président de la mission d’information et rapporteur de la proposition de loi, et Alain Anziani, rapporteur de la mission d’information. L’efficacité du travail de cette structure a conduit, dans un calendrier resserré – trois mois ! –, à l’élaboration d’un rapport, dont les propositions, loin de rester dans un tiroir, ont été reprises dans le présent texte. Néanmoins, le temps de l’écoute et de la réflexion n’en a pas été écourté. Cette proposition de loi, en cherchant à consolider une « chaîne de gestion du risque » en ce qui concerne tant la prévision que la prévention et la protection, prend en effet directement la suite des conclusions de notre mission d’information. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est avec conviction et émotion que j’apporte mon soutien et celui des sénateurs de l’Union centriste à cette proposition de loi. D’une manière générale, je me félicite du travail de la mission et de la commission sur ce texte, pour sa méthode comme pour son esprit. Parmi cet ensemble cohérent, je souhaiterais souligner certaines mesures qui, à mes yeux, doivent retenir plus particulièrement l’attention. Je suis convaincu que le plan gouvernemental « Submersions rapides » permettra une approche globale efficace de la gestion des risques littoraux. J’apprécie notamment l’implication dans sa mise en œuvre de différents acteurs – ministères, autorités déconcentrées et élus locaux –, dans une perspective de responsabilité partagée et en vue de réduire la vulnérabilité des zones concernées. Je pense également que le plan de prévention des risques d’inondation, destiné à s’appliquer à la fois aux cours d’eau en crue et aux littoraux, constitue un outil indispensable. L’élaboration de plans de gestion des risques d’inondation, applicables pour chaque bassin homogène, permettra, pour sa part, de mettre en place une stratégie globale de prévention, de protection et de préparation aux situations de crise. L’ensemble de ces outils constitue une avancée considérable par rapport aux plans actuels de prévention des risques. D’autres mesures importantes viennent utilement renforcer la chaîne de gestion des risques. Je pense notamment aux dispositions qui concernent les digues. Je rappelle que la commune de La Faute-sur-Mer, village sinistré situé en dessous du niveau de la mer, était protégée par des digues, notamment celle de L’Aiguillon-sur-Mer. Encore faut-il que ces ouvrages soient correctement entretenus. Il est donc indispensable de veiller à ce que, tous les six ans, l’État élabore un plan d’action concernant les digues, à l’instar de ce qui se pratique aux Pays-Bas. Je regrette seulement que l’épineuse question du morcellement de la propriété et de la gestion des digues n’ait pu être résolue. Il est en effet dangereux que de tels ouvrages ne soient pas la propriété de l’État ou celle d’une collectivité territoriale. On imagine sans peine la tentation pour chaque partie prenante de faire l’économie de mesures d’entretien coûteuses en renvoyant aux autres la charge et la responsabilité de celles-ci. Il me paraît important que nos débats abordent cette question. La gestion locale opérationnelle de proximité doit être maintenue, tant pour la surveillance que pour l’entretien. En revanche, je suis satisfait de voir que le Gouvernement a déposé un amendement visant à permettre le financement à hauteur de 40 % du fonds Barnier dans le cas où les communes chargées de l’entretien des digues ont souscrit un plan de prévention des risques. Cela accélérera, à coup sûr, le programme de rénovation de ces ouvrages, avant même que le PPR ne soit définitivement adopté. Une autre série de mesures que je souhaiterais souligner a trait à la primauté de la prévention des risques sur le droit de l’urbanisme. On connaît la difficulté rencontrée par les préfets pour faire appliquer certaines précautions urbanistiques dans des zones fortement touchées par la tempête. La mission d’information avait donc recommandé un aménagement et un développement de l’espace littoral adapté au niveau du risque de submersion marine. La proposition de loi, telle que la commission l’a réécrite, vise à ce qu’aucun PLU, SCOT ou carte communale ne puisse autoriser des constructions interdites par le plan de prévention des risques. Le texte n’est pas seulement un guide de bonnes pratiques, il s’attache aussi à la bonne exécution des mesures qu’il prescrit. Ainsi, les pouvoirs de substitution du préfet à la commune, si celle-ci ne modifie pas un PLU contraire au plan de prévention des risques, m’apparaissent-ils comme absolument nécessaires. Pour conclure, je rappellerai que, s’il faut avoir conscience des risques qui nous entourent, il n’est ni possible ni souhaitable de s’empêcher de vivre sur notre littoral. Chacun connaît l’importance des ressources touristiques pour les collectivités installées sur le littoral. La proposition de loi ne doit pas empêcher que le littoral puisse, au même titre que la mer, être mis en valeur dans le cadre du schéma de cohérence territoriale. Les maires doivent pouvoir organiser ce développement au travers d’un document de planification du développement du littoral, en cohérence avec le plan de prévention des risques. C’est d’ailleurs l’objet d’un amendement que je soumettrai à notre discussion et qui me semble un bon vecteur pour conduire l’aménagement économique du littoral en prenant correctement en compte les risques de submersion marine. Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les propos liminaires que je souhaitais vous faire partager. Vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste apportera un soutien ferme à la présente proposition de loi et se félicite de l’excellent travail qu’a effectué sur ce texte notre commission, notamment son rapporteur. Cette proposition de loi constitue une réponse adéquate et attendue de la part des élus, des habitants et des familles des victimes de submersions marines. En mettant en place la mission sénatoriale d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia, nous nous étions engagés vis-à-vis de la population victime en disant : « Rien ne sera comme avant Xynthia ! ». La proposition de loi, qui, je l’espère, sera adoptée, le permettra assurément. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)