Les interventions en séance

Droit et réglementations
Nathalie Goulet 03/02/2011

«Projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité»

Mme Nathalie Goulet

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les vilaines idées font rarement de belles lois ! Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la dernière fois que nous sous sommes trouvés avec M. Brice Hortefeux dans une opposition aussi marquée, c’était lors du débat sur le test ADN, alors que je venais de saisir le Comité consultatif national d’éthique, le CCNE. Le ministre s’était alors engagé à faire prévaloir en commission mixte paritaire la version du texte élaborée par le Sénat, dont nous savions, lui et moi, qu’elle serait difficilement applicable. L’histoire nous a donné raison. Nous voilà ici, de nouveau en complète opposition, avec l’article 3 bis. En tant que membre de la commission des affaires étrangères, je vous rappelle – on l’a d’ailleurs dit souvent – que notre pays est lié par de nombreuses conventions au sujet des nationalités et que le droit international interdit de créer des apatrides, par le biais d’une convention du 30 août 1961, entrée en vigueur le 13 décembre 1975. Les cas de révision et de suppression de la nationalité sont déjà prévus par des textes, qui ont été appliqués sept fois depuis 1999. Notre arsenal juridique répressif est assez bien pourvu, à condition que les forces de police et de gendarmerie, ainsi que le pouvoir judicaire aient les moyens humains et matériels de l’appliquer. Monsieur le ministre, c’est avec beaucoup de prudence que j’aborderai un dernier point. Comme je l’ai dit, les vilaines idées ne font pas de bonnes lois. C’est le régime de Vichy qui, avant vous, avait eu la triste et funeste idée de s’emparer de l’arme de la dénaturalisation. La loi du 22 juillet 1940, « La France aux Français », a ainsi entraîné la perte de la nationalité française pour des milliers d’Espagnols et d’Italiens, fuyant la misère économique, la guerre civile ou le fascisme, ainsi que pour tous les émigrés des pays de l’Est, fuyant les persécutions antisémites et venus chercher refuge en France. L’abrogation du décret Crémieux a également rendu apatrides les Juifs d’Algérie. On disait à l’époque « heureux comme Dieu en France », mais les lois de Vichy en ont décidé autrement. À toutes ces raisons, j’en ajouterai une plus personnelle : mon père, ses parents et toute sa famille ont vu leur nationalité française leur être retirée par un décret de 1941, ce qui leur a valu une priorité pour la rafle du Vel’ d’Hiv’ et pour le convoi n° 9 à destination d’Auschwitz. Comparaison n’est pas raison, bien entendu, et loin de moi l’idée de rapprocher les situations historiques. Cela serait injurieux à votre égard et à l’égard de la France dans laquelle nous vivons aujourd’hui, qui n’est pas, loin de là, la France de Vichy. Même si, selon un récent sondage, 80 % des Français sont favorables au retrait de la nationalité française pour polygamie ou incitation à l’excision, et 70 % sont favorables au retrait de la nationalité française en cas d’atteinte à la vie d’un policier ou d’un gendarme, 95 % de ces sondages concernent les électeurs du Front national ! C’est surtout aux miens que je pense en vous disant que je ne voterai pas cet article. Avec moi, l’ensemble des sénateurs du groupe de l’Union centriste s’opposent fermement et solidairement au vote de cet article. Nous voterons donc les amendements de suppression et nous avons demandé un scrutin public sur l’amendement n° 30 rectifié.