Les interventions en séance

Agriculture et pêche
Henri Tandonnet 02/12/2011

«Projet de loi de finances pour 2012 - Mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales »»

M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que je suis rapporteur pour avis du budget de l’agriculture ; je constate la grande continuité des choix budgétaires du Gouvernement au cours de ces dernières années. Tout d’abord, les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » sont globalement préservés pour 2012, ce dont nous pouvons nous réjouir en ces temps de disette budgétaire. Ces crédits, qui s’élèvent à un peu plus de 3,5 milliards d’euros, sont loin de représenter l’essentiel des soutiens publics à l’agriculture. Il existe en effet près de 2 milliards d’euros d’allégements fiscaux complétant les aides au secteur agricole. Je me réjouis au passage, avec mes collègues de la commission des finances, que ces niches fiscales aient été jugées plutôt positivement par le « rapport Guillaume » du mois de juin dernier. Il faut en avoir conscience, l’Europe reste le principal contributeur des politiques agricoles, la PAC représentant près de 9,5 milliards d’euros par an pour la France : 8,7 milliards d’euros sur le premier pilier et 750 millions d’euros sur le second, qui est consacré au développement agricole et rural. Enfin, les collectivités territoriales apportent leur contribution, à hauteur de 1 milliard d’euros environ. Dans le délai très court qui m’est imparti, je voudrais aborder deux sujets devant vous : la question des charges, en lien avec la situation de la filière fruits et légumes, et le problème de la ressource en eau. Premier sujet, la baisse des charges. À cet égard, mon point de vue sera plus positif que celui de Mme Nicoux. Face à la baisse tendancielle des parts de marché de la France en fruits et en légumes, tant sur le territoire national qu’à l’export, il fallait réagir. La baisse de charges de un euro sur les salariés permanents va donner une bouffée d’air à ce secteur, qui en avait bien besoin. L’année 2011 a été marquée par une crise majeure sur le concombre et la tomate, résultant de l’épidémie d’escherichia coli du mois de mai dernier, et sur la pêche nectarine. Un plan de sortie de crise a été présenté au mois de septembre par le ministre, combinant mesures conjoncturelles et structurelles, pour un montant de 25 millions d’euros. Saluons cette initiative, mais il fallait aller plus loin, en proposant une amélioration durable de la compétitivité de l’ensemble de la filière, qui est soumise à très forte concurrence. C’est ce qu’ont fait nos collègues députés Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson, en proposant à l’Assemblée nationale un amendement tendant à alléger les charges patronales, dans la limite de vingt salariés par exploitation. Un débat plus large doit maintenant être engagé sur les moyens de faire peser sur une autre assiette que la production nationale le financement de notre protection sociale. La TVA sociale est réclamée par le monde agricole. Il s’agirait de changer radicalement de logique et de faire contribuer nos fournisseurs internationaux, dont nous consommons des produits non grevés par les charges sociales, à l’inverse de ceux qui sont fournis par nos agriculteurs. Cette piste mérite d’être étudiée avec sérieux et débattue, et pas d’être balayée d’un revers de main. (M. Charles Revet acquiesce.) Je le souligne, il n’y a pas que les charges sociales qui pénalisent notre agriculture. Les charges administratives et la lourdeur des procédures constituent également un fardeau qui fait perdre en productivité et en compétitivité. La simplification est un combat quotidien et sera également un des enjeux forts de la future réforme de la PAC. Deuxième sujet, la question de la ressource en eau. L’épisode de sécheresse du printemps dernier a montré la fragilité de notre agriculture devant le manque temporaire d’eau, posant la question de la gestion de la ressource, afin de garantir les productions et les politiques contractuelles associées. Le projet de budget qui nous est présenté s’inscrit dans la droite ligne du choix fait en 2008 de désengager le ministère de l’agriculture du financement de l’hydraulique agricole. Seuls 2,8 millions d’euros restent prévus pour l’entretien des ouvrages qui sont du domaine de l’État. Il faut donc trouver d’autres financeurs. Les investissements collectifs d’hydraulique agricole, tels que ceux qui sont nécessaires à la construction de retenues collinaires, bénéficient d’une enveloppe dans le cadre du programme de développement rural hexagonal, le PDRH, qui décrit la mise en œuvre du deuxième pilier de la PAC. Par ailleurs, les agences de bassin ont pris le relais de l’État et peuvent subventionner les opérations qui leur sont présentées. Certaines collectivités locales complètent ces financements. Les difficultés des projets tiennent moins à l’absence de financement qu’à des contraintes administratives et techniques, trop lourdes et difficilement compréhensibles sur le terrain. Après sa visite en Lot-et-Garonne, le Président de la République a annoncé, au mois de juin dernier, un plan sur cinq ans tendant à la création de retenues d’eau, des modifications législatives et réglementaires pour limiter les recours abusifs contre les projets des agriculteurs et un renforcement des compétences des chambres d’agriculture. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est ce plan ? Quand la création de retenues collinaires sera-t-elle facilitée ? Ces retenues, qui pourraient également améliorer l’état écologique des cours d’eau, vont vite devenir vitales. Enfin, je souhaiterais que le ministère de l’agriculture ne laisse pas au seul ministère de l’écologie la gestion de ce dossier, car l’intérêt des producteurs doit aussi être défendu dans la gestion de l’eau. J’ai peur que nos agriculteurs ne se sentent un peu seuls face aux agences de bassin. Pour conclure, je signale que, si la commission de l’économie a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », je me prononce, à titre personnel, pour leur adoption. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)