Les interventions en séance

Economie et finances
Catherine Morin-Desailly 02/12/2010

«Projet de loi de finances pour 2011, Mission Médias, livre et industries culturelles»

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que le projet de loi de finances pour 2011 réalise un effort financier très important en faveur de l’audiovisuel public, avec une augmentation de plus de 3,4 % des crédits par rapport à l’année dernière, pour un montant total de presque 4 milliards d’euros. On le doit à l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public, la CAP, dont le produit sera de 3,2 milliards d’euros en 2011. C’est le fruit – je tiens à le rappeler – du travail de la commission de la culture du Sénat, qui s’est battue pour cela, contre vents et marées pendant des années et également lors de la discussion de la loi sur la nouvelle télévision publique.
Évoquons, tout d’abord, le cas de France Télévisions. Le groupe dispose d’un financement pertinent en 2011, avec une dotation totale de 2,5 milliards d’euros. La baisse de 0,5 % de ses crédits est liée au réajustement des prévisions initiales du plan d’affaires, du fait des surplus publicitaires constatés en 2009 et 2010, et donc attendus en 2011. Au-delà de la dotation pour 2011, le problème de France Télévisions est celui de l’absence d’un modèle de financement de long terme. C’est ce que nous disions très clairement dans notre rapport, Michel Thiollière et moi, au début de l’année 2009, lors des débats sur la loi relative à la communication audiovisuelle ; c’est ce qu’a répété la Cour des comptes à la fin de l’année 2009 ; c’est enfin le constat que j’ai fait avec Claude Belot, dans notre rapport de juin 2010.
Le Gouvernement en a en partie pris acte ; il a proposé, dans ce projet de loi de finances, de reporter l’échéance de suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions au 6 janvier 2014. C’est un pas vers une démarche responsable. Elle est cependant nettement insuffisante car, monsieur le ministre, mes chers collègues, les comptes n’y sont pas. En effet, le produit complémentaire de la CAP, attendu pour 2014 devrait être d’environ 150 millions d’euros supplémentaires à celui prévu pour le projet de loi de finances pour 2011, soit une hausse d’environ 50 millions d’euros par an. On est donc très loin des 380 millions d’euros supplémentaires qu’il faudra compenser à France Télévisions au moment de la suppression totale de la publicité sur ses antennes. Et je ne vous parle pas du cas où la taxe dite « télécoms » serait déclarée contraire au droit communautaire, ce qui entrainerait une perte pour le budget de l’État de plus de 350 millions d’euros par an. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a supprimé la disposition relative au moratoire. Le texte qui nous est présenté aujourd’hui prévoit, ainsi, que la publicité est et sera maintenue en journée sur France Télévisions.
Je suis pourtant convaincue, comme la plupart de nos collègues de la commission, que le modèle culturel idéal pour la télévision publique n’est pas celui de la publicité, du parrainage et de la dictature de l’audimat, mais bien celui des écrans libérés des annonceurs et des contraintes qu’ils imposent. C’est la raison pour laquelle j’avais proposé à la commission de la culture qu’elle adopte des amendements permettant de parvenir à une suppression totale de la publicité sur l’audiovisuel public dans de bonnes conditions. D’une part, en repoussant le moratoire au début de l’année 2015, afin que le produit complémentaire de la CAP soit encore plus important. D’autre part, en réintégrant les résidences secondaires dans l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public afin d’aboutir au principe d’une contribution par taxe d’habitation. Le produit attendu de cette évolution aurait pu atteindre 200 millions d’euros.
Il s’agissait dans mon esprit de deux amendements indissociables et permettant de financer une réforme ambitieuse et responsable, résultant des propositions de notre mission de contrôle commune avec la commission des finances. En première partie de loi de finances, malgré la position du rapporteur général, le Sénat a décidé de ne pas réintégrer les résidences secondaires dans l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public. Aujourd’hui, nous ne pouvons que prendre acte de ce choix.
J’estime donc, à mon grand dam, que l’idée du moratoire pose une vraie question. À contrecœur, je dois vous le dire, mais j’estime qu’il s’agit de la seule position responsable, notamment devant l’ampleur de la tâche de France Télévisions pour mener à terme la réforme. Je le regrette car je suis convaincue, comme l’a rappelé M. Marini lors de la discussion sur la première partie, que l’avenir nous donnera raison. Nous avons obtenu l’indexation, puis la revalorisation de la redevance après plusieurs années de lutte acharnée. Que n’avons-nous pas entendu là ? Où sont aujourd’hui les critiques, les Cassandre, les inquiets qui nous vouaient aux gémonies ? Ils se sont rangés à nos côtés. On veut aujourd’hui travailler sur l’assiette de la contribution. Toujours les mêmes pesanteurs, les mêmes critiques, les mêmes réactions pavloviennes : aucun intérêt, aucune chance.
En attendant que les esprits mûrissent, je considère que le plus sage sera de ne pas suivre la commission dans la proposition d’amendement que je lui ai pourtant suggérée.
Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les effets, sur les sociétés d’auteurs, de l’extension de la TVA à 19,6 % sur une part très importante des offres triple play des opérateurs de télécommunication. En effet, les sociétés de droit, comme la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM, la société des auteurs et compositeurs dramatiques, la SACD ou la société civile des auteurs multimédia, la SCAM, qui font vivre nos auteurs et qui sont pour nous des interlocuteurs quotidiens, perçoivent des droits auprès des fournisseurs d’accès. Il se trouve que ces droits sont calculés à partir d’une assiette correspondant à la part de TVA à 5,5% sur les offres triple play et que l’entrée en vigueur de l’article 11 du présent projet de loi de finances pourrait avoir des conséquences très négatives sur la situation financière des sociétés d’auteur. Avez-vous, monsieur le ministre, anticipé cette difficulté et, le cas échéant, que comptez-vous faire pour y remédier ?
En conclusion, la commission a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits relatifs à l’audiovisuel de la mission « Médias » et des crédits de la mission « Avances à l’audiovisuel public ».