Les interventions en séance

Culture
02/12/2010

«Projet de loi de finances pour 2011, Mission Culture»

M. Jean-Jacques Pignard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’an dernier, je consacrerai ma courte intervention au spectacle vivant. Je vous avais fait part, à l’époque, de deux inquiétudes : la réforme des collectivités territoriales et les Entretiens de Valois. Sur le premier sujet, mes inquiétudes ont été dissipées ; sur le second, elles subsistent.
S’agissant tout d’abord de la réforme des collectivités territoriales, rappelez-vous le contexte de l’année dernière : il n’était alors question que de la suppression de la clause de compétence générale. Les acteurs culturels se mobilisaient, à temps et parfois à contretemps, en faisant valoir que cette décision priverait la création de ressources essentielles. Nos collègues de l’opposition relayaient cette protestation, en laissant entendre que la cause était entendue et que le Gouvernement ne céderait pas.
Plus modestement, j’exprimais cette inquiétude tout en étant convaincu qu’en ce domaine comme dans d’autres l’exception culturelle française serait maintenue.
Force est de constater que je n’avais pas tort. La loi que nous avons votée, dans la douleur certes, le 9 novembre dernier, permet toujours aux collectivités territoriales d’intervenir dans la culture, mais aussi dans le patrimoine, le sport, le tourisme.
Pour avoir personnellement chaudement milité au sein de la majorité parlementaire en faveur de cette disposition, je m’en réjouis.
Ma deuxième inquiétude – elle demeure – concerne les Entretiens de Valois. On les a souvent présentés comme constituant l’aube d’une ère nouvelle. Au final, ils me font davantage penser à une montagne accouchant d’une souris, à l’une de ces usines à gaz dont nos administrations sont friandes. Clemenceau disait que, lorsqu’on voulait enterrer un dossier, il fallait créer une commission. Aujourd’hui, on organise des « entretiens » ! (Sourires.)
Ce n’est pas la circulaire du 31 août 2010 qui m’a rassuré. Je l’ai lue attentivement et j’y ai retrouvé tous les poncifs administratifs habituels : l’ « émergence », l’ « excellence », la « pluridisciplinarité ». J’y ai également trouvé, je le concède, deux innovations : le « projet annuel de performance » et la « vision panoramique » qu’ont les services de l’État. (Sourires.)
J’en appellerai donc, monsieur le ministre, à votre vision panoramique, puisque vous êtes à la tête des services du ministère de la culture et de la communication.
Un constat lucide doit être fait. Tous ici dans cet hémicycle – vous, monsieur le ministre, nous, parlementaires présents –, nous aimons la culture. En outre, nous savons fort bien que, au-delà de nos divergences, nous vivons une période difficile et que la culture ne peut s’exempter de l’effort qui est demandé à tous. C’est une raison de plus pour que nous soyons imaginatifs.
Une fois acté le fait que le financement de la culture pourra continuer d’être partenarial, prenez en compte le fait que tout le monde est contraint en raison de la crise : l’État comme les collectivités. Les collectivités doivent faire des choix, comme vous avez à en faire, monsieur le ministre.
J’avais imaginé, sans trop y croire, que les conférences régionales issues des Entretiens de Valois nous permettraient de faire ces choix ensemble. Certes, on a bien sanctionné dix labels, mais pour le reste ?
Les conventions que les directions régionales des affaires culturelles proposent aux régions et aux départements, qu’elles soient triennales ou quinquennales, sont les mêmes que celles qu’elles proposaient il y a vingt ans.
Ainsi, au nom du département du Rhône, je viens de signer la convention de l’Opéra national de Lyon à peu près dans les mêmes termes que ceux de la première convention que j’avais signée en 1995.
Les services de l’État, pour leur vision panoramique, doivent se faire à l’idée qu’un panorama n’est pas tout à fait le même par temps clair et par temps couvert. Ce cher Claude Monet nous le rappelle opportunément, lui qui, de la même cathédrale, faisait trente tableaux selon la lumière du jour ou de la nuit.
On parle de « diagnostic partagé ». Que l’État ne décide donc pas seul de la création de tel ou tel équipement nouveau avant de se tourner vers les collectivités pour qu’elles l’aident à en assurer le fonctionnement !
Laissez également à ces collectivités la possibilité de choisir où elles veulent aller ou non.
N’imposez pas comme une règle intangible la convention quadripartite. L’État pourra en effet compter sur le concours, ici, de la ville, de la région et du département, là, de la ville et du département seulement, ailleurs, de la ville et de la région.
Enfin, n’empêchez pas les élus locaux d’avoir parfois des avis différents de ceux des experts de la DRAC (M. Jean-Claude Carle acquiesce.) puisque nos financements restent partagés, même si, les pieds dans la glaise, les services de l’État ont l’avantage sur les élus locaux d’avoir une vision panoramique des choses ! (Sourires.)
À temps nouveau, pratiques nouvelles. Monsieur le ministre, je me réjouis très sincèrement de votre reconduction, mais permettez-moi de vous donner un petit conseil : ne vous dispersez pas dans un maquis de mots qui ne veulent pas dire grand-chose, allez à l’essentiel ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)