Les interventions en séance

Collectivités territoriales
Gérard Roche 02/07/2014

«Projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral »

M. Gérard Roche

Il n’est pas facile de prendre la parole après notre collègue et ami Bruno Retailleau ! (Sourires.) Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je n’anticiperai pas ici le débat de politique générale qui précédera l’examen du projet de loi, mais concentrerai mon propos sur la motion référendaire. Le présent projet de loi tend à répondre à trois objectifs : réduire le nombre de régions par fusion, reporter les élections des conseillers régionaux et départementaux, et mettre un terme au mandat des futurs conseillers départementaux en 2020. L’instauration d’un tel mandat raccourci, inscrite à l’article 12 du projet de loi, sous-entend la fin des conseils départementaux à l’horizon 2020, conformément aux annonces gouvernementales. Interroger nos concitoyens par le biais d’un référendum sur la carte des régions n’est pas très indiqué, à mon sens, à l’échelon national. Ce serait même un parfait contre-exemple du bon usage du référendum ! Une question binaire n’a en effet aucune raison d’être s’agissant d’un projet de loi complexe, agrégeant une multitude d’enjeux locaux. De manière tout à fait compréhensible, les citoyens s’exprimeront sur les découpages régionaux les concernant directement, perdant de vue la dimension globale du texte. En revanche, le recours à des référendums locaux pourrait avoir plus de sens. Cela permettrait aux populations de s’exprimer sur les délimitations des territoires qui sont les leurs au quotidien. Par ailleurs, il n’est pas utile d’interroger nos concitoyens par le biais d’un référendum sur le report des élections des conseils régionaux et départementaux. Enfin, quid des conseils départementaux ? Des sondages ont été publiés peu après l’annonce de la réforme territoriale, donnant une majorité de Français favorable à la suppression des départements. Le Gouvernement et les médias nationaux en ont largement, voire trop largement, fait écho. Mais un sondage de l’institut CSA, commandé par l’Assemblée des départements de France, l’ADF, contredit ce résultat. Il donne une large majorité de la population favorable au maintien des départements, ce que bien des sondages locaux confirment à leur tour. Pourtant, aucun écho dans la presse nationale ! Il semblerait même que le président de l’ADF, Claudy Lebreton, se soit vu refuser la publication du sondage précité par un grand quotidien national ! Face à ces contradictions, je constate une manipulation de l’opinion publique sur le sujet. In fine, le seul sondage qui vaille serait donc le référendum pour les départements… La question de l’avenir des départements a justement le mérite de pouvoir se poser de manière binaire. Mais certains observeront que son intérêt est peut-être limité pour mobiliser la population, tandis que d’autres considèreront la question et la réponse choisie comme naturellement réductrices. En outre, nous sommes des démocrates et des personnes honnêtes, notre honnêteté allant jusqu’à reconnaître qu’un référendum, dans le contexte actuel, risquerait de faire pencher la balance très fortement en notre faveur et qu’il ne faut pas profiter des circonstances sachant l’importance de la réforme pour nos concitoyens. Élus centristes, nous sommes tous très attachés à la spécificité de nos territoires. La motion référendaire ne permettra pas une solution préservant ce droit essentiel à la différence de nos territoires. Le couperet tombera, soit d’un côté, soit de l’autre, sans que la sagesse de la Haute Assemblée ait pu s’exprimer, sans que nous ayons discuté et trouvé, dans la sérénité du débat démocratique, une organisation conciliant la nécessaire modernisation de la France et les intérêts fondamentaux de nos territoires. Le Sénat doit, ici, pleinement jouer son rôle de Haute Assemblée. Il ne peut se déposséder de cette discussion au profit de la seule Assemblée nationale ou de la démocratie directe. Le sujet est trop important ! Il est d’ailleurs si important qu’il est incompréhensible, ahurissant même, de voir cette réforme territoriale présentée devant notre assemblée avec une telle impréparation, voire une telle désinvolture ! (M. Roger Karoutchi approuve.) Normalement, il y a concertation, réflexion, décision, puis annonce. Or, nous l’avons bien vu, l’annonce a, comme souvent, précédé la décision, qui avait été prise avant la réflexion, laquelle n’a jamais été fondée sur la moindre concertation ! La réponse du Conseil constitutionnel porte sur la forme, et non sur le fond : elle ne traite pas de l’absence d’étude d’impact des mesures proposées. Cela crée une angoisse chez tous nos concitoyens, qu’ils soient de droite ou de gauche. En ce sens, nous comprenons que, dans un réflexe de peur, certains de nos collègues aient aujourd’hui choisi de déposer cette motion référendaire. Dans notre groupe, les avis étaient partagés et nous avons opté pour l’abstention, en laissant la possibilité à certains de tirer leur joker. Mais attention, mes chers collègues, n’allez pas une fois encore traiter le centre de « ventre mou » de notre assemblée ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) C’est simple : nous ne voulons pas faire une partie de mistigri ! Nous entendons travailler avec force, nous battre pas à pas sur cette réforme territoriale. Mais nous voulons le faire ici, dans notre assemblée, et non laisser le débat, comme je l’indiquais précédemment, à la seule Assemblée nationale ou à la démocratie directe. Nous ne serons pas le « ventre mou » ; nous serons le courage ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur certaines travées du groupe socialiste.)